Le Hezbollah a été contraint jeudi de recadrer son allié et de le ramener dans les rangs. L’entretien télévisé dimanche de Gebran Bassil a atténué la tension accumulée depuis plusieurs semaines. Mais les problèmes de fond restent toujours en suspens alors que le pays s’effondre à cause du blocage institutionnel provoqué par le Hezbollah et ses alliés et qu’un dialogue n’est pas prévu pour le moment.

Ce fut une semaine mouvementée pour l’alliance entre le Courant patriotique libre (CPL) et le Hezbollah. Participation, lundi, du Hezbollah à la séance du Conseil des ministres, considéré anticonstitutionnelle par le CPL; diatribe, mardi, du chef du CPL contre, entre autres, son allié; accusation, mercredi, de traitrise, réponse ferme du Hezbollah jeudi matin, piques mesurées du CPL à l’adresse du Hezbollah et rencontre entre parlementaires des deux camps, pèlerinage vendredi du leadership aouniste au patriarcat maronite pour tenter une ouverture sur ses adversaires chrétiens, avant un entretien dimanche soir d’un Gebran Bassil agressif, mais qui tente tout de même d’arrondir les angles.

L’entente de Mar Mikhaël scellée il y a près de 17 ans a semblé vaciller. Mais dimanche soir, " Gebran Bassil a construit des ponts avec le Hezbollah ", selon le titre du quotidien al-Akhbar, proche du " parti de Dieu ". Le gendre de l’ancien président a effectivement atténué ses propos virulents tenus au cours de la semaine à l’encontre de son allié pro-iranien. Un peu d’eau dans le vin d’un homme politique ambitieux à qui tout le monde tourne le dos ne peut faire de mal. Mais cette accalmie ne parait rien changer au fond du problème : les deux alliés semblent camper sur leurs positions alors que le pays s’effondre et qu’aucun dialogue n’est envisagé.

Contacté par Ici Beyrouth, un analyste politique proche de la formation armée assure que le " Hezbollah ne veut pas la fin de l’entente, mais n’est pas pressé de reprendre lien directement avec Gebran Bassil, tant que les objectifs de ce dernier ne sont pas clairs au niveau du dossier présidentiel et de l’administration du pays ". Et d’ajouter : " Le Hezbollah souhaite que Gebran Bassil réalise que la situation est délicate et nécessite du calme. " En effet, le " parti de Dieu " est dans l’embarras et ne peut avancer dans aucune direction à moins de pouvoir garantir sa survie pour au moins les six prochaines années. Les gesticulations de Gebran Bassil ont dépassé certaines lignes rouges pour le Hezbollah qui a dû répondre fermement à son allié, jeudi, et le remettre dans les rangs.

Or du côté du CPL, le leadership ne voit pas la situation de la même façon. Un cadre du CPL qui a requis l’anonymat souligne à Ici Beyrouth que " notre formation attend des réponses sur la participation au Conseil des ministres anticonstitutionnel de lundi ", soulignant que le Hezbollah était pourtant sur la même longueur d’onde que le CPL. " Pourquoi alors y participer ?! ", s’interroge le cadre. Interrogé sur une possibilité de dialogue direct entre les deux partis, le cadre a affirmé qu’il n’était pas nécessaire puisque " la position du CPL est clair et n’a pas besoin d’être débattue avec quiconque ". Et quid de la présidentielle ? " Il ne faut pas lier les deux dossiers " insiste le responsable aouniste. Et d’ajouter : " Nous avons des priorités propres au sujet de la présidentielle et il faut en discuter avec tout le monde. Mais c’est une échéance chrétienne en fin de compte qui a besoin d’un dialogue interchrétien. Tout comme les partis politiques chiites bloquent l’élection du président de la Chambre, les chrétiens doivent prendre au sérieux la question de la présidence de la République. "

Le Liban se retrouve donc encore bloqué par un camp qui n’est d’accord sur rien, à part l’obstruction. La séance parlementaire de jeudi pourrait peut-être permettre de faire évoluer la situation, mais le pays est plutôt embourbé dans un dialogue de sourds qui confirme que cette entente de Mar Mikhaël n’est qu’un mariage de raison politico-politicien à la libanaise, nécessaire pour la survie des deux formations. À moins que l’une d’entre elles ne se trouve un nouveau partenaire national ou régional et demande le divorce.

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