Alors que l’Irlande enterrait son soldat, Sean Rooney, membre des forces de maintien de la paix au sud du Liban (Finul), tué dans l’agression la semaine dernière dans le village d’Al-Aqibiya au sud du Liban, l’enquête menée par les services de sécurité libanais a permis, selon l’Agence France Presse (AFP), d’identifier les auteurs de l’agression. Cependant, cette avancée dans l’investigation ne s’est pas accompagnée pour l’heure de l’arrestation des suspects, souligne l’agence.

Parallèlement, selon certaines sources qui suivent de près l’enquête, un responsable du Hezbollah a transféré l’un des suspects impliqué dans cette fusillade dans un village du nord de la Békaa, où il a disparu des radars. À en croire ces mêmes sources, les circonstances liées à cet incident sont semblables à celles de l’assassinat du militant politique et écrivain Lokman Slim en février 2021, dans une région du sud du Liban adjacente à la zone d’opérations de la Finul, au nord du Litani. Or l’enquête locale sur l’assassinat de Slim n’a abouti à aucun résultat.

Le sort de l’enquête sur l’incident qui a entraîné la mort du soldat irlandais et qui a blessé plusieurs de ses collègues qui se trouvaient également dans le véhicule que Rooney conduisait sera-t-il similaire à celui de l’enquête sur le crime de l’activiste libanais ? Peut-être bien que non. Et pour cause: une enquête internationale est menée parallèlement à l’investigation libanaise, sans compter la présence de plusieurs enquêteurs irlandais dépêchés expressément pour participer à l’investigation menée par les forces de maintien de la paix.

Dans ce contexte, certaines informations circulant dans les cercles "sudistes" pourraient constituer un développement majeur dans cette affaire. Selon ces milieux, un véhicule des Renseignements de l’armée accompagnait bel et bien le soir du 14 décembre le convoi de l’unité irlandaise, ce qui contredit les allégations de responsables du Hezbollah qui ont affirmé que le convoi de la Finul n’était pas escorté par l’armée libanaise, ce qui expliquerait, à en croire ces responsables, les tirs dirigés contre les Casques Bleus. Le convoi de la Finul, rappelle-t-on, comprenait deux véhicules partis du quartier général de la force onusienne à Naqoura pour transporter des membres du personnel de l’unité irlandaise vers l’aéroport de Beyrouth.

Les sources précitées indiquent que le véhicule de Sean Rooney (le Casque Bleu irlandais tué), s’est égaré en raison de l’obscurité et s’est écarté de la trajectoire du convoi dans la zone d’Abou el-Assouad, au niveau du croisement qui mène soit à l’autoroute, soit à l’ancienne voie longeant le littoral. C’est cette route qu’a empruntée le véhicule du soldat assassiné. Selon ces informations, les deux véhicules de la Finul ne sont donc pas restés sur la même voie. En effet, il arrive souvent, en raison de l’éclairage insuffisant dans cette zone, que les conducteurs manquent la sortie vers l’autoroute, comme cela s’est produit avec le véhicule irlandais pris pour cible.

Par ailleurs, toujours selon les mêmes sources, la voiture des Renseignements de l’armée accompagnant le convoi irlandais a suivi le véhicule qui se dirigeait vers l’autoroute, et l’autre véhicule s’est ainsi retrouvé isolé à Al-Aqibiya, où l’incident s’est produit. Cette information dément toutes les versions selon lesquelles le convoi irlandais n’était pas escorté par l’armée libanaise, ce que le Hezbollah considérait auparavant comme une violation de la résolution 1701 (de 2006) qui stipule que tout mouvement des forces de la Finul s’effectue en coordination avec l’armée.

De plus, les informations rapportées dans un article du journal THE IRISH TIMES, dans son numéro du mardi 20 décembre, et intitulé "Sean Rooney: Au moins 25 balles ont été tirées sur un véhicule lors d’une offensive meurtrière au Liban", révèlent que le nombre de balles ayant touché le véhicule irlandais (plus de 25 balles) est supérieur au double de ce qui a été rapporté précédemment dans certains médias libanais, ce qui accrédite la thèse d’une action préméditée et nullement isolée.

De même, selon les données de l’enquête publiées par la presse irlandaise, une condition est exigée (par le Hezbollah) pour la remise d’au moins deux hommes impliqués dans le meurtre du soldat Sean Rooney, à savoir que "l’enquête devrait déterminer la raison du changement d’itinéraire du convoi et de la non-communication avec le commandement de l’armée à cet effet".

Dans ce cadre, le journaliste Neil Macron a écrit au journal IRISH EXAMINAR que les forces de sécurité libanaises avaient obtenu l’identité d’un certain nombre d’individus impliqués dans l’affaire. L’auteur souligne que bien que l’armée libanaise n’ait pas été notifiée du changement d’itinéraire, les forces de la Finul jouissent malgré tout de la liberté de mouvement, comme le stipule la récente résolution du Conseil de sécurité qui a prorogé la mission de la force onusienne. En outre, Rooney faisait face à son agresseur lorsqu’il a été abattu, confie une autre source sécuritaire au journal. Les rapports et les vidéos montrent que des balles ont été tirées sur le véhicule par des hommes armés présents parmi la foule alors qu’il s’en éloignait.

Force est de relever, d’autre part, les positions contradictoires adoptées par certaines personnalités de premier plan au sein du Hezbollah, comme Wafiq Safa, l’officier de liaison du parti, qui essayait de contenir l’incident d’al-Aqibiya, alors que l’un des dignitaires de renom du Hezbollah, Sadek Naboulsi, écrivait sur Twitter que les Irlandais du Sud-Liban sont des "espions à la solde d’Israël". À noter sur ce plan que des instructions auraient été données par le Hezbollah en vue d’attaquer la Finul si ses convois ne sont pas escortés par l’armée, ce qui est une violation du récent amendement de la résolution du Conseil de sécurité qui confirme la possibilité pour la Finul de se déplacer dans tout le Liban sans être escortée par l’armée libanaise.