Il existe une grosse différence entre ce que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, peut faire et ce qu’il ne peut pas faire durant son séjour au Liban. Il peut par exemple oeuvrer pour soutenir l’institution militaire et les forces de sécurité ou assurer des aides humanitaires aux Libanais qui, paupérisation oblige, deviennent de plus en plus misérables.

Le Liban n’est d’ailleurs plus qu’un dossier humanitaire de plus dans ce monde. Et il semble qu’il soit juste requis de lui administrer quelques tranquillisants, sans plus, pour empêcher le grand effondrement. Lequel revient en fait à consacrer le Liban comme Etat failli, sans aucun espoir de renaissance à court terme.

Il va sans dire que l’objectif de la visite du secrétaire général de l’ONU est noble. Cependant, il lui demeure interdit d’aller au coeur de la crise libanaise, tout simplement parce qu’il n’existe aucune autorité de référence dans le pays prête à nommer les choses par leur nom. En d’autres termes, il n’existe aucun responsable libanais capable de dire à M. Guterres que le Liban se trouve sous occupation iranienne et qu’il n’existe pas de vie politique normale dans le pays tant que les armes du Hezbollah président aux destinées du pays.

Partant, et contrairement à ce qu’avait affirmé M. Guterres avant son arrivée à Beyrouth, les élections législatives prévues l’an prochain ne feront aucune différence. Comment le pourraient-elles alors même que la loi électorale adoptée en 2018 était taillée à la mesure du Hezbollah afin de lui permettre, c’est-à-dire de permettre à Téhéran, de disposer de la majorité à la Chambre des députés ? Cela revient à dire tout naturellement que le seul objectif des prochaines élections est de blanchir les armes du Hezbollah pour leur octroyer une influence politique revêtue d’une légitimité constitutionnelle.

Il serait ainsi demandé de trouver une légitimité aux armes sous le prétexte que le Hezbollah représenterait une partie des Libanais. Le président de la République Michel Aoun n’a-t-il pas été jusqu’à dire, lors de son entretien accordé à la chaîne al-Jazeera il y a quelques semaines, que le Hezbollah représente un tiers des Libanais ? Une supputation comme celle-là, que le Hezbollah cherche à imposer, est en contradiction avec l’existence d’un Etat libanais et fait du mini-Etat édifié par la République islamique au Liban un Etat réel.

Il est certain que le secrétaire général de l’ONU sait parfaitement bien quelles sont les limites de de ce qu’il peut faire. Mais, en dépit de cela, il a insisté à venir au Liban… pour sauver peut-être ce qui peut encore l’être. Si toutefois il reste vraiment quelque chose à sauver à l’ombre du " mandat fort” présidé par le duo Michel Aoun-Gebran Bassil, et qui est en réalité le mandat du Hezbollah.
In fine, les contingents renforcés de la Finul au Liban-Sud depuis 2006 ont dû trouver une formule de coexistence avec le Hezbollah pour ne pas être contraints de quitter la région où ils se trouvent. Cela, M. Guterres en est pleinement conscient. Il sait très bien que l’appel à l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité est une chose et que la mise en application effective de cette résolution sur le terrain en est une autre.

La visite d’Antonio Guterres au Liban n’est en réalité que de la poudre de perlimpinpin. Elle n’avancera en rien les choses en l’absence de tout changement dans les équilibres qui ramènerait l’Iran à sa juste mesure dans la région et qui mettrait fin à son projet expansionniste. Le Liban n’est qu’un chaînon important, mais essentiel, de ce projet qui s’étend jusqu’au Yémen.
L’on ne peut que souhaiter la bienvenue au secrétaire général de l’ONU et lui dire “bon séjour”. Mais ces souhaits resteront en l’état en attendant le jour où le président de la République libanaise pourra appliquer à la lettre les résolutions 1559, 1680 et 1701.

Or le jour où cela deviendra possible reste lointain, à l’ombre d’un président de la République qui s’est opposé dès le premier jour à l’enquête internationale sur l’explosion du port de Beyrouth… et qui refuse de prendre acte de ce que signifie l’effondrement du système bancaire et ses répercussions sur l’avenir du Liban et des Libanais. Mieux encore, un président de la République qui considère que la situation au Liban est normale, que le gouvernement se réunit régulièrement, que le pouvoir judiciaire est indépendant et ne subit pas d’ingérences de la part de l’Iran… Et que le nitrate d’ammonium stocké dans l’un des entrepôts du port de Beyrouth est tombé du ciel, exactement, du reste, comme l’explosion qui a causé cette catastrophe monumentale, dont le Liban aura bien du mal à se remettre.

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