Le Courant patriotique libre (CPL) a essuyé une défaite mardi, avec l’incapacité du Conseil constitutionnel à se prononcer sur le recours en invalidation des amendements de la loi électorale, qu’il lui avait présenté, faute de majorité (les décisions doivent être prises à la majorité de sept voix sur dix). Il avait accusé le tandem chiite d’être le responsable principal de cet échec, alimentant ainsi toutes sortes d’analyse sur l’avenir de ses relations avec son principal allié chiite, le Hezbollah.
Le chef du CPL, Gebran Bassil, a aussitôt réagi à l’absence de décision du Conseil constitutionnel, lors d’une conférence de presse, en pointant du doigt la responsabilité d’Amal et du Hezbollah, qu’il a accusés ouvertement de s’être s’immiscés dans le cours des délibérations de cette instance. M. Bassil est allé même jusqu’à déclarer explicitement que “ce qui s’est produit est le fruit d’un accord politique clair de la part d’un establishment à la tête duquel figurait le binôme chiite Amal-Hezbollah ".
Ce revers sera sans doute difficile à surmonter pour Gebran Bassil, qui n’a que le Hezbollah pour principal allié politique et électoral, d’autant plus que sa relation avec le parti Amal est quasi-inexistante. L’accord de Mar Mikhaël (2006) entre le CPL et le Hezbollah est-il réellement compromis comme certains le pensent ? Cette question est d’autant plus légitime que le gendre du président Michel Aoun semble reprocher au Parti de dieu de favoriser sa relation avec le parti berryste, au détriment de celle qu’il entretient avec le bloc du “Liban fort ” du CPL.
Il n’en demeure pas moins que d’aucuns s’emploient à minimiser l’importance des secousses dans les rapports entre ce parti et le tandem chiite pour des raisons essentiellement stratégiques. “La crise entre le CPL et le Hezbollah est passagère”, assure ainsi une source proche des deux. Selon elle, “le parti orange aura toujours besoin de l’influence politique et paramilitaire du parti pro-iranien pour des raisons en rapport avec des gains politiques et législatifs. Le Hezbollah bénéficie à son tour de la couverture chrétienne que lui procure le CPL et n’y renoncera pas. Bien que les tensions entre les deux camps aient atteints leurs paroxysmes, elles devront s’assainir très bientôt, comme leurs intérêts sont en jeu”, reprend la source précitée.
Sauf que Gebran Bassil voit ses avancées politiques régresser au même rythme que la chute de sa popularité. En effet, ses chances de revenir au Parlement en tant que représentant de la circonscription de Batroun aux législatives de 2022 sont très réduites, notamment à cause “d’une grande mobilisation de la part des expatriés parmi les électeurs de sa région, déterminés à voter contre lui”, d’après l’avocat et l’analyste politique, Joseph Abou Fadel. M. Bassil se verrait donc en situation de danger électoral et préfèrerait, pour ces raisons, obtenir un ajournement des législatives, pour pouvoir être en position de force lorsqu’elles auront lieu. Si la date des élections est maintenue, il ne pourra pas se passer du soutien électoral du Hezbollah dans certaines circonscriptions s’il espère avoir un bloc parlementaire consistant dans la nouvelle Chambre.
“L’éventualité d’un report reste très probable”, constate un politologue sous le couvert de l’anonymat. “M. Bassil compterait sur un refus du président de la République -hostile à la tenue des législatives en mars- de signer le décret de convocation du collège électoral pour les législatives de mars 2022, afin que les élections soient reportées à une date ultérieure”. Un tel scénario pourrait conduire à une prolongation du mandat de la Chambre actuelle qui serait éventuellement amenée à élire un nouveau président de la République, soit une figure proche de la majorité actuelle que représente le CPL et le tandem chiite.
Un autre analyste politique perçoit le déchaînement du chef du CPL contre le tandem chiite comme étant “une occasion en or pour que celui-ci se victimise et se lamente sur son sort”. Selon cette même source, “Gebran Bassil agit de la sorte contre Amal et le Hezbollah pour regagner en popularité et reconquérir l’opinion publique chrétienne”.