Un rapide survol des origines du concept de fédéralisme et de ses pratiques.

Le concept de régime fédéral provient d’une modalité de la pratique de la démocratie qui se fonde sur un certain nombre de facteurs et d’indicateurs qu’il est utile de rappeler :
• Une société non homogène (multiple ou diversifiée) et un État qui prend acte de cette condition et qui reconnaît sa réalité de fait.
• L’existence d’une volonté supérieure, interne et/ou externe, qui impose aux segments non homogènes de la société le vivre-ensemble au sein d’une même entité politique aux frontières internationales reconnues.
• L’existence d’une volonté commune de gérer la diversité ou la multiplicité dans le cadre d’une entité politique unie. Cette gestion doit s’établir sur les trois paliers de la structure sociopolitique : le centre, les composantes sociétales et les individus.

Il est important de noter que le régime fédéral n’est pas " le premier choix " des partenaires sociopolitiques dans la construction étatique nationale. Il s’impose comme troisième ou quatrième option suite aux échecs des options " naturellement " prioritaires. Tout en constatant que les différentes constructions étatiques sont issues de conflits plus ou moins violents entre les formations socioéconomiques ou socioculturelles, la première option est celle de construire un État unitaire, centralisé et démocratique qui fonde sa légitimité sur une société homogène partageant une appartenance identitaire commune. Au cas où celle-ci s’avère irréalisable, se présente alors la seconde option, celle qui, tout en maintenant l’exigence des caractéristiques de la première, a échoué à la réaliser démocratiquement. De ce fait, ces sociétés tombent sous le joug de régimes autoritaires ou dictatoriaux.

En mettant de côté les cas particuliers de pays formés de vagues migratoires successives (États-Unis, Canada, Australie, Brésil, etc.) qui ont opté pour le système fédéral comme premier choix, on peut considérer que les cas que nous traitons dans cette approche sont exceptionnels par rapport aux sociétés identitaires.

En cas d’échec des deux options précitées difficilement applicables aux sociétés non homogènes, l’alternative fédérale apparaît comme un ultime recours avant le conflit violent ou la scission.

I. Principales caractéristiques des régimes fédéraux.

Certains politologues et sociologues ont comparé le régime fédéral à un " mariage de raison ", au sens où il s’agit d’une relation entre des partenaires qui n’ont pas choisi de vivre ensemble, mais qui n’ont pas la possibilité de se séparer. Ils sont alors forcés soit de rationaliser leurs rapports, soit d’être dans le conflit permanent avec un risque de dégénérescence en violence armée.
On note alors que tout débat autour de l’adoption d’un régime fédéral nécessite un niveau élevé de rationalité politique, de bon sens et de capacité communicative. Ainsi, le fonctionnement de ce régime suppose :

• La clarté des données quantitatives concernant la population et sa répartition sur les différentes composantes sociétales que regroupent la fédération.
• La délimitation des frontières géographiques des composantes en cas d’adéquation de celles-ci avec un territoire précis.
• La plus grande transparence dans la comptabilité publique nationale et locale, non seulement en termes de déclaration des recettes publiques et de la manière avec laquelle elles sont dépensées dans le centre, les régions et/ou au niveau des diverses composantes sociales, mais aussi -et c’est plus précis et plus difficile- les pourcentages de la contribution de chaque composante ou de chaque région au revenu général et sa part des budgets locaux.
• Une constante : un centre fédéral avec des pouvoirs spécifiques dans des domaines précis. En effet, quel que soit le nombre de domaines dans lesquels ce centre est autorisé à intervenir, il en est quatre qui ne sauraient être dépassées :

Une Constitution commune dont les dispositions sont interprétées par une juridiction supérieure : dans tous les systèmes fédéraux, une Constitution commune – qui est plus qu’une référence juridique, plutôt une sorte de pacte liant entre elles les composantes du pays – gère et arbitre les rapports entre le centre, les segments et les individus, et cela à travers son interprétation par une autorité judiciaire supérieure, de type Supreme Court aux Etats-Unis.

La politique de défense et de sécurité relative aux frontières internationales et à la souveraineté des eaux territoriales et de l’espace aérien.
La politique étrangère tant avec les parties régionales qu’avec les puissances internationales.
La politique monétaire dans toutes ses composantes.

Conclusion première : Lorsque les divergences, les tensions et les conflits entre les composantes d’une société segmentée se limitent aux mécanismes de participation politique, aux appartenances culturelles, linguistiques et éducatives ou aux politiques fiscales et sociales, le système fédéral peut constituer une solution réaliste. Ce n’est plus le cas lorsque des divergences fondamentales existent ayant trait à la politique de défense, à la politique étrangère et aux orientations économiques et financières générales, en somme aux questions relatives à ce qui est " commun " et non à ce qui est "différent". Il est clair que dans ce cas de figure, le système fédéral ne résout rien !!

Conclusion deuxième: De ce qui a été précédemment exposé, il apparaît que parler de fédéralisme est impossible dans les cas suivants :

Le refus de l’une des composantes de reconnaître l’existence d’une société segmentée et le fait, pour elle, de considérer l’unité de la société comme une donnée non sujette à discussion.
L’hégémonie d’une culture et d’une idéologie fusionnistes, unitaires et ancrées dans les idées politiques des deux derniers siècles, promouvant une conception préconçue selon laquelle la force proviendrait exclusivement de l’unité.

Il ne fait aucun doute que le raffermissement de ces valeurs dans la culture de la classe politique met fin à la recherche sur le thème du fédéralisme avant qu’elle ne débute et " diabolise " le terme avant même qu’on ne puisse procéder à sa définition scientifique.