Le Hezbollah et le Courant patriotique libre resteront-ils alliés? Préserveront-ils l’accord de Mar Mikhaël? Ou bien iront-ils inexorablement vers le divorce? Opteront-ils pour une trêve politique et médiatique en occultant leurs désaccords et relançant le dialogue, dans le but de panser les plaies et "cohabiter", en attendant de meilleures circonstances pour trancher?

Telles sont les questions soulevées par les relations tendues entre les deux partis, qui se sont envenimées depuis que le Hezbollah a fait marche arrière le 5 décembre 2022, en demandant à ses ministres d’assister à la réunion du Cabinet qui a eu lieu ce jour-là alors que ceux du CPL se sont abstenus. Gebran Bassil avait alors accusé le Hezbollah et son secrétaire général, Hassan Nasrallah, de ne pas avoir tenu leurs engagements, selon lesquels les ministres du Hezbollah ne participeraient pas à la réunion du Conseil des ministres.

La position de M. Bassil a suscité de vives réactions de la part du Hezbollah: le chef du CPL, qui a osé rejeter la demande de Nasrallah d’appuyer la candidature de Sleiman Frangié, est allé même jusqu’à reprocher publiquement au secrétaire général du Hezb d’avoir failli à sa promesse en demandant à ses ministres de participer à la séance du Conseil des ministres.

Les communications ont été rompues. Seul le lien entre M. Bassil et le responsable de coordination du Hezbollah, Wafiq Safa, a été préservé. Mais les deux camps ayant manifesté de bonnes intentions, Hassan Nasrallah a déclaré que sa main reste toujours tendue au CPL, ce à quoi le CPL a répondu par la réciprocité. Partant, l’assistant politique de Nasrallah, Hussein el-Khalil, ainsi que M. Safa ont été dépêchés boulevard Mirna Chalouhi, pour s’entretenir avec M. Bassil.

Au sortir de la réunion, M. El-Khalil a déclaré: "Nous ne divulguerons pas les détails relatifs à notre rencontre. Les informations sont confidentielles. Nous négocions à huis clos, pas devant les médias. Nous nous dirigeons, avec le CPL, vers la même destination, comme deux voitures sur une autoroute qui ne se heurteront pas, même si l’une va plus vite que l’autre". Et d’ajouter: "Les intentions étaient claires en ce qui concerne la présidentielle et le gouvernement, nous avons chacun notre propre avis. Les concertations se poursuivront. L’entente avec le CPL tient toujours, nos mains sont toujours tendues, nous n’avons senti aucun ressentiment. M. Bassil s’est montré compréhensif et bien que nous ne soyons pas du même parti, nous cherchons les points communs afin d’ancrer notre entente autour d’eux".

Selon des sources proches du Hezbollah, Hassan Nasrallah aurait lancé l’initiative quand M. Bassil a atténué les tensions lors de la deuxième réunion du gouvernement – boycottée par certains de ses ministres, contrairement à ceux du Hezb, qui y ont assisté aux côtés de 17 des 24 ministres et 7 des 12 ministres chrétiens – et après avoir accepté, à la demande du secrétaire général du Hezb, de ne pas nommer de candidat et de voter blanc. Les votes des ministres du CPL étaient un mélange de votes blancs, de noms disparates et de slogans.

À en croire certaines sources, un divorce entre les deux partis n’est pas à l’ordre du jour eu égard aux conséquences sur le plan sécuritaire qu’entrainerait un tel divorce entre les partisans des deux formations politiques.

Et même si le parti de Dieu prétend ne pas avoir besoin du soutien de quiconque, il tient à son entente avec le CPL qui, vraisemblablement, demeure son seul allié. En cas de divorce, le Hezb sera isolé politiquement, faute de réelles relations avec les partis sunnites, druzes et chrétiens. Idem pour le CPL. Selon des sources informées, à l’occasion du 17ᵉ anniversaire de l’accord de Mar Mikhaël signé le 6 février 2006, les deux camps envisagent de former un comité bipartite pour revoir l’entente en question et repenser le processus de l’édification de l’État et la stratégie de défense.

Les deux partis déclareront-ils la renaissance de l’accord de Mar Mikhaël, en dépit de l’opposition d’une grande partie des membres du CPL? Ou est-ce que l’entente sera annulée pour que le CPL retrouve sa base populaire ? Et les relations entre les deux camps resteront-elles inchangées? En d’autres termes, les rapports entre les deux partis pourraient être marqués par une trêve imposée par le contexte actuel en attendant le nouveau mandat.