Lundi, en début de soirée, un séisme de magnitude de 6,3 sur l’échelle de Richter a frappé la ville d’Antioche en Turquie et a été fortement ressenti au Liban. Quelques heures plus tard, une autre secousse de magnitude de 4 sur l’échelle de Richter a de nouveau secoué, mardi à l’aube, le pays. Cette fois-ci, son épicentre se trouvait au Liban-Sud, dans les eaux méditerranéennes.

Ces deux séismes ont été accompagnés d’une vague de fake-news et de "fear-news" qui ont circulé sur les réseaux sociaux, faisant état de tsunamis et de séismes dévastateurs.

"Le retrait des eaux de mer ne peut pas être lié à un tsunami", explique à Ici Beyrouth Soumaya Ayadi Maasri, enseignante-chercheuse en géologie à la faculté des sciences de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. "En tout cas, le contexte libanais ne permet pas la formation de tsunamis comme ceux observés au Japon, rassure-t-elle. La mer Méditerranée est fermée et moins profonde. Dans le pire des scénarii, nous aurons droit à un phénomène de grandes vagues qui affecteraient la zone côtière."

Mme Maasri insiste sur la nécessité de mener "un discours scientifique responsable". Selon elle, l’accent doit être mis sur "la prévention, l’information et l’éducation de la population". "Notre rôle est de relater uniquement des faits scientifiques et nous devons le faire d’une manière responsable, insiste-t-elle. Nous devons être prudents dans la façon de communiquer les informations scientifiques en respectant les règles de la géoéthique."

Parmi les informations ayant circulé sur les réseaux sociaux, une hypothèse selon laquelle plusieurs séismes successifs de magnitude élevée peuvent diminuer le risque d’un séisme dévastateur. Soumaya Ayadi Maasri est prudente. "Bien que cette hypothèse soit plausible, nous ne pouvons pas évaluer la part d’énergie libérée par les séismes ni celle qui reste pour pouvoir écarter totalement la possibilité d’un séisme de grande ampleur, précise-t-elle. Il n’y a toutefois pas lieu de paniquer."

"La sismicité est très imprévisible, poursuit Mme Maasri. Bien que le Liban soit situé sur un réseau de failles connectées à celui de la faille anatolienne, en Turquie, bien que la zone soit en pleine activité sismique et que nous sachions que la faille suit un cycle d’accumulation d’énergie qui anticipe sa libération, il est impossible de prédire où, quand et à quelle magnitude aura lieu un séisme. De plus, le contexte géologique libanais est très différent du cas turc. Nous n’avons que deux plaques coulissantes au Liban, alors qu’en Turquie, il s’agit de quatre plaques qui interagissent ensemble."

En réponse aux informations relayées sur les réseaux sociaux et selon lesquelles les barrages pourraient causer ou amplifier des séismes, l’experte explique que "la sismicité induite pourrait être causée par des actions anthropiques telles que le stockage superficiel d’eau et les barrages". "Mais il s’agit de barrages dont la capacité est plus grande que celle des barrages au Liban, précise-t-elle. La sismicité peut aussi être générée par la surexploitation des ressources souterraines, le pompage excessif des aquifères, à titre d’exemple. Par contre, tout le monde ne ressent pas le séisme de la même façon. C’est ce qu’on appelle l’effet de site, c’est-à-dire que la nature géologique du sol et le volume d’eau emmagasiné dans le sous-sol pourraient augmenter l’intensité des ondes sismiques."

Et Soumaya Ayadi Maasri de conclure: "Nous ne pouvons pas agir sur les séismes ni réduire leur magnitude, mais nous pouvons réduire leur intensité (impact du séisme sur l’être humain et les infrastructures) en agissant sur la vulnérabilité de la population et des infrastructures, en éduquant la population et en respectant les normes et les lois de construction antisismique. Il faut responsabiliser les ingénieurs sur l’importance de l’application de ces lois."

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