L'éditorial - Imposture politique
Qu’il nous soit permis, eu égard aux circonstances exceptionnelles présentes, d’avoir recours à l’expression anglaise enough is enough – particulièrement expressive dans le contexte présent. Certains de ceux qui se posent aujourd’hui en fervents défenseurs de l’indépendance de la Justice ou de la séparation des pouvoirs et qui s’offusquent de la mesure prise par le Premier ministre Najib Mikati pour stopper les ardeurs partisanes de la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban Ghada Aoun n’ont certainement pas la mémoire courte. Ils sont plutôt passés maitres dans l’art d’afficher un comportement politique qui combine supercherie, ignominie et insulte à l’intelligence des Libanais.

Force est de reconnaitre que dans le cas précis de Ghada Aoun, le chef du gouvernement sortant a fait preuve d’un indéniable courage politique. Car il fallait que quelqu’un finisse un jour par mettre le holà aux dérapages chroniques, affligeants et néfastes de la procureure du Mont-Liban, d’autant que les autorités judiciaires concernées se sont montrées impuissantes face aux débordements miliciens de la magistrate en question.

La mesure prise par Najib Mikati est «illégale», s’écrient sans scrupules les héros de la supercherie politique. Mais qu’est ce qui est encore légal et constitutionnel dans ce pays?

  • Est-il légal et constitutionnel qu’un président de la République bloque pendant plus de deux ans, jusqu’à la fin de son mandat, les permutations judiciaires – concoctées par le Conseil supérieur de la Magistrature – dans le seul but de maintenir à son poste de procureure au Mont-Liban «sa» protégée Ghada Aoun, parce qu’elle se fait l’instrument privilégié de «son» parti politique ?

  • Est-il légal qu’une magistrate se livre à des comportements miliciens, qu’elle défonce les portes des entreprises privées, qu’elle harangue publiquement les fidèles partisans de la formation dont elle sert les intérêts politiciens (et douteux), qu’elle traine dans la boue son devoir de réserve, qu’elle se lance dans des polémiques sur les réseaux sociaux, qu’elle fasse fi des mesures prises à son encontre par ses supérieurs hiérarchiques, etc., etc. ? La liste est (très) longue…

  • Est-il légal que les autorités judiciaires compétentes ne puissent pas rappeler à l’ordre un magistrat qui se livre à toutes sortes de débordements honteux dans l’exercice de ses fonctions, et que l’Inspection judiciaire n’ait pas le courage de prendre les mesures qui s’imposent dans ce genre de situation?


  • Est-il légal qu’un magistrat se lance dans une cabale suspecte contre des établissements bancaires légaux, sous des prétextes fallacieux, tout en occultant honteusement la «banque» partisane du Hezbollah, Qard el-Hassan, qui multiplie ses branches, installe des ATM et se livre à toutes sortes d’opérations de crédits, en toute illégalité, loin de tout contrôle de la part de la Banque du Liban?

  • Le comportement de ceux qui qualifient d’illégale la mesure prise par M. Mikati alors qu’ils torpillent ardemment l’élection présidentielle est-il conforme à la Constitution?

  • Est-il légal que le magistrat qui se pose aujourd’hui en grand défenseur de la veuve et de l’orphelin ne songe pas à inquiéter outre mesure ceux qui, parmi ses alliés politiques, ont pompé, eux, des années durant les réserves en devises de la Banque du Liban – donc l’argent des déposants – en se livrant allégrement à de vastes opérations d’escroquerie et de détournements de fonds?


Depuis de nombreuses années, le Liban nage dans l’illégalité et pâtit d’un dysfonctionnement généralisé de ses institutions, orchestré diaboliquement par le Hezbollah.  Ghada Aoun et ceux qui la défendent sont, à n’en point douter, les derniers à pouvoir parler dans le contexte actuel d’atteintes à la Constitution et aux lois en vigueur. Il fallait – il faut encore, davantage – que quelqu’un mette un terme radicalement aux dérives partisanes de la magistrate car elles devenaient de plus en plus destructrices. Et cela, on ne peut le reprocher à Najib Mikati… Dans l’attente d’une reprise du fonctionnement normal des institutions de l’État, et en priorité absolue de l’appareil judiciaire.

 

 
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