Le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, a accusé lundi ses détracteurs de chercher à ternir l’image de l’armée pour servir leurs intérêts, dans une allusion à peine voilée à la campagne menée contre lui par le CPL et le Hezbollah.

Le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, est sorti de sa réserve lundi, pour répondre fermement à tous ses détracteurs, alors que la campagne politique le ciblant, ainsi que l’armée, ne cesse de s’amplifier. Les attaques frontales lancées contre lui par le Courant patriotique libre, que préside Gebran Bassil, et de manière plus discrète, mais tout aussi gratuite et pernicieuse, par le Hezbollah, à travers ses médias, ont dépassé depuis longtemps les limites de l’acceptable, prenant une dimension démesurée, au risque de détruire la dernière institution encore debout.

Dans une volonté nette de le discréditer pour essayer de compromettre ses chances d’accéder à la tête de l’État, le CPL n’a pas hésité à avoir recours à la diffamation afin d’essayer de saper son intégrité. C’est qu’une éventuelle candidature du chef de l’armée à la succession de Michel Aoun, à Baabda, ne soulève d’objections que dans le camp qui cherche à garder une mainmise destructrice sur le pays. L’opposition libanaise et les puissances étrangères qui suivent de près le dossier libanais ont en revanche multiplié récemment les signes montrant qu’ils ne contestent pas une éventuelle accession du général Joseph Aoun à la magistrature suprême, sans pour autant appuyer publiquement sa candidature.

"Certains hystériques et des responsables, concernés ou pas, propagent des rumeurs et montent de toutes pièces des dossiers afin de discréditer l’armée, en m’accusant de violer la loi", a martelé le général Joseph Aoun. "Si le fait de violer les lois me permet d’assurer des médicaments et de la nourriture aux soldats ainsi qu’à leurs familles et de couvrir leurs frais de transports et d’hospitalisation ainsi que ceux des études scolaires de leurs enfants, alors je vais les enfreindre. Et si la violation des lois permettra à l’armée d’accomplir ses missions, je suis également prêt à les violer", a-t-il lancé. S’adressant aux militaires, le général Joseph Aoun a poursuivi en allusion aux politiques: "Seuls leurs intérêts leur importent pendant que vous consentez des sacrifices et accomplissez vos missions. Ils ne pensent qu’à leurs propres intérêts et vous avez à cœur celui de la Nation. Ils ne pensent qu’à répandre des rumeurs qui ternissent l’image de l’armée et votre seul souci est de sauvegarder ceux du pays, de protéger la paix civile et de défendre votre serment."

Le commandant des forces régulières a tenu ces propos lors d’une tournée qu’il a effectuée dans la Békaa. Il s’est notamment rendu dans les villages de Laboué et de Taalabaya afin de présenter ses condoléances aux familles des trois militaires, Hassan Charif, Paul Jurdy et Georges Abou Chaya, tués lors de perquisitions effectuées à Hourtaala, le 16 février dernier. Il s’était ensuite rendu à la caserne de la sixième brigade à Baalbeck où il s’est adressé aux soldats, saluant notamment les efforts qu’ils fournissent pour préserver la stabilité et protéger les Libanais contre le fléau de la drogue.

Un point culminant

S’il a choisi de répondre à ses détracteurs, à la faveur d’un discours devant les militaires, c’est à cause de l’impact sur le moral de ces derniers, des accusations politiciennes portées contre leur commandement, indique-t-on de source militaire.

Joseph Aoun se démène littéralement depuis le début de la crise, pour assurer aux forces régulières un minimum de vie digne, face à l’inaction des autorités. Pilier de tout État souverain, l’armée libanaise s’est trouvée réduite à accepter des aides internationales de tous genres, notamment de la nourriture, alors que les autorités se sont distinguées par leur indifférence totale à la précarité des militaires et des agents de sécurité.

En janvier dernier, les États-Unis avaient même mis en place un programme d’aide réservé aux seuls services de sécurité, en vertu duquel Washington s’est engagé à verser pendant six mois aux agents de l’ordre, à travers le bureau des Nations unies au Liban, la somme mensuelle de 100 dollars.

Une initiative que Gebran Bassil s’est empressé d’exploiter à des fins politiciennes mesquines, quatre jours plus tard, le 25 janvier. Le chef du CPL voyait ses chances d’accéder à la présidentielle devenir nulles, avec le soutien indéfectible du Hezbollah à Sleiman Frangié, alors que la popularité du commandant en chef de l’armée ne faisait qu’augmenter. Il s’est ainsi employé à faire planer le doute sur la gestion financière de Yarzé, lors d’une conférence de presse. C’était le 29 janvier 2023.

Cette conférence de presse a été tout à la fois le point culminant de la campagne menée notamment depuis 2018 contre l’armée et son chef, et le lancement d’une nouvelle étape, dans le cadre de cette même campagne. Celle-ci a été conduite par le ministre sortant de la Défense, Maurice Slim.

À la même période, le quotidien al-Akhbar, qui reflète la politique du Hezbollah, avait fait état de l’intention de M. Slim de limoger le général Aoun à cause d’un conflit entre eux autour de la nomination d’un officier. Le journal avait également repris des accusations de Gebran Bassil sur une guerre des prérogatives entre les deux hommes. Maurice Slim s’était contenté de démentir l’intention qui lui avait été prêtée. La suite des événements devait cependant confirmer une détérioration des relations entre les deux hommes. Pendant que le Akhbar accusait Joseph Aoun d’une vente de matériels militaires, il y a quelques jours, Maurice Slim revenait à la charge au sujet d’un conflit de compétences entre Yarzé et son département, autour de l’émission de permis de port d’armes.

Cette exacerbation de la campagne contre le commandant des forces régulières est intervenue alors que ce dernier est présenté avec insistance comme étant un candidat consensuel à la magistrature suprême. Son nom avait été d’ailleurs avancé durant la réunion de Paris, consacrée au dossier libanais, le 6 février dernier, au grand dam d’un Hezbollah qui cherche à imposer son favori, à la tête de l’État et d’un Gebran Bassil qui, avec son beau-père, l’ex-président Michel Aoun, n’a toujours pas pardonné à Joseph Aoun d’avoir refusé de se plier aux ordres politiques d’étouffer le soulèvement populaire du 17 octobre 2019 contre la classe au pouvoir.

À la fin de son mandat, et avant de quitter le palais présidentiel, Michel Aoun n’avait pas manqué non plus d’égratigner le commandant en chef de l’armée, lors de sa diatribe contre tous ses adversaires politiques. Ironie du sort, alors que Joseph Aoun est accusé par le CPL de "disposer à sa guise de fonds privés", l’ancien président est pointé du doigt dans une affaire de détournement de fonds. Une note d’information a été récemment adressée au Parquet du Mont-Liban par un avocat qui réclame l’ouverture d’une enquête judiciaire à la suite de propos tenus par Issam Abou Jamra, ancien compagnon d’armes de Michel Aoun, selon lesquels ce dernier avait utilisé, "à des fins personnelles, la somme de 30 millions de dollars reçues de la part de l’ancien président irakien, Saddam Hussein, en guise de soutien à l’armée libanaise" pour le paiement des salaires des militaires. C’était à l’époque où Michel Aoun était chef du gouvernement de transition, en 1988. Selon M. Abou Jamra, M. Aoun aurait transféré le montant de 5 millions de dollars sur le compte de son épouse et du frère de cette dernière, à l’étranger, et aurait retiré l’équivalent de 12 millions de dollars supplémentaires pour son usage personnel.

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !