J’ai toujours rêvé pour mon pays d’une armée qui serait l’égale de l’armée israélienne, moderne, efficace et innovante, où de jeunes gens feraient leurs classes de deux à trois ans, sans distinction de sexe, de rang ou de fortune (1). J’ai également rêvé d’une Université libanaise qui serait de taille à se mesurer à l’Université hébraïque de Jérusalem, où l’on enseigne les matières les plus pointues scientifiquement en hébreu, un hébreu toutefois moderne qui est désormais la langue de la recherche et des découvertes. Ne serait-il pas enfin temps d’accorder à l’arabe ses lettres de noblesse, celles d’un outil de communication remis à jour et en somme scientifique, au lieu de le cantonner dans la création littéraire ou dans la pire des catégories, celle archaïque des "Belles Lettres" et de l’immobilisme?

Sarah "the spender" et le candide Dr Walid, cibles de la rage populaire.

J’arrête là, car j’hésite à rêver d’un même système juridique que l’israélien, un système copié sur celui des pays de la Common Law mais qui ne saurait ni ne voudrait s’autoréguler. En témoignent les injustices qui, au quotidien, sont commises dans le silence criminel des instances judiciaires, par un régime d’apartheid qui ne veut pas dire son nom. Il n’empêche que dans ce pays, qui ne nous veut pas que du bien, le General Attorney peut poursuivre grands et puissants. Alors pour l’exemple, et sous l’empire du droit pénal, l’ex-président Moshé Katzav a été condamné, pour harcèlement sexuel et viol, à sept ans de prison (2). Quant au Premier ministre Ehud Olmert, il a écopé d’une peine de six ans pour faits de corruption (3), alors que l’inénarrable Bibi, désormais au pouvoir, est dans le collimateur de la justice pour les mêmes raisons et il est fort probable que, tôt ou tard, il sera rattrapé par son passé.

Il s’en est fallu d’un cheveu

Notre modèle de saine gestion, nous le retrouvons dans nul pays membre de la sérénissime Ligue arabe (4). Alors, tant qu’à faire, cherchons notre inspiration chez l’ennemi, de l’autre côté de Bawabat Fatima, notre voisin du Sud pouvant nous donner des leçons même quand il s’agit d’exprimer la rage populaire. Et puisque l’on débat de haircut au Parlement libanais, pourquoi ne pas s’inspirer du sort que la foule de Tel Aviv a réservé ce 1er mars à Madame Netanyahu, qui avait pris rendez-vous chez son coiffeur-friseur, dans un quartier des plus chics?

Car je ne vous apprends rien en vous disant que les soins à donner aux cheveux de Sara la dépensière ("the spender", telle qu’elle est surnommée) ont déclenché une émeute dans les rues de la ville aux cris de "honte, honte". Les autorités firent appel aux unités anti-émeute et seule la charge de dizaines de gardes-frontières appuyée par la police montée a pu l’extirper, au bout de trois heures de siège, des griffes d’une foule en colère, foule qui manifestait au départ contre la réforme du pouvoir judiciaire. Sara Netanyahu et son époux sont accusés de mener grand train aux frais du contribuable, situation qui n’est pas sans rappeler les pratiques dispendieuses de nos dirigeants alors que le pays croule sous le poids de la dette publique.

Chers révolutionnaires,

Et si vous l’êtes encore, soyez aux aguets et prenez exemple sur la colère israélienne. Certes, vous avez remporté une victoire en intimidant nos responsables au pouvoir, à telle enseigne qu’ils n’osent plus fréquenter les lieux publics. Je garde à l’esprit l’incident dont fut victime le malheureux ministre de l’Énergie. Aussi vos assauts "d’enragés" (5) contre ceux qui voulaient se prélasser dans les cafés ont-ils servi à quelque chose!

Mais il semble que ce ne soit pas suffisant et qu’il faut monter d’un cran. Qu’attendez-vous pour interdire cette fois aux épouses de nos dirigeants l’innocent loisir de se coiffer? Peut-être qu’à les voir hirsutes, ébouriffées et en bref mal fagotées, leurs hommes, qui ont notre destin en main, entendront raison et rendront gorge après tant de gabegies financières et de dilapidation des fonds publics!

Youssef Mouawad
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1-Je n’irais pas dire que c’est l’armée la plus morale du monde, et pour les raisons que tout le monde sait et qui ont été répertoriées par Amnesty International et Middle East Watch.

2- Il n’en fit que cinq années derrière les barreaux.

3- Un imbroglio judiciaire s’ensuivit. Ehud Olmert n’échappa cependant pas à la prison même s’il ne passa pas toute la période prévue dans les geôles de son pays.

4- Cette Ligue arabe qui fait souvent office de Rotary Club au lieu de taper du poing sur la table!

5- Au sens que donnait la Révolution française à cette appellation, pour désigner les "extrémistes" de la Convention.