Le Hezbollah semble dans l’expectative. Son chef, Hassan Nasrallah, n’était visiblement pas au courant du rapprochement saoudo-iranien qui pourrait, selon lui, contribuer à régler la crise au Liban.

Le rapprochement saoudo-iranien, annoncé vendredi, est scruté avec intérêt au Liban où l’on croit ferme qu’il pourrait favoriser un déblocage de la présidentielle, au cas où Riyad réussirait à convaincre Téhéran de demander au Hezbollah de renoncer à son soutien à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la tête de l’État. Pour le moment, on attend. C’est le cas notamment du Hezbollah, dont le chef, Hassan Nasrallah, présentant lundi ce rapprochement comme étant une perspective lointaine. Visiblement surpris, vendredi, par l’annonce d’un rétablissement des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran, il s’est montré très prudent et très laconique sur la question en attendant que l’image soit plus claire. Il a quand même estimé que le rétablissement des relations diplomatiques saoudo-iraniennes contribuerait à régler les crises dans la région. En abordant le dossier de la présidentielle au Liban, il a de nouveau appelé à un dialogue pour le débloquer.

Au cours de sa troisième intervention télévisée de la semaine, vendredi, justifiée par le souvenir du décès de l’un des cadres de sa formation, Hassan Nasrallah, s’est contenté de se féliciter de la décision de l’Iran et de l’Arabie saoudite de rétablir leurs relations diplomatiques, en s’empressant de préciser que ce développement majeur au niveau des relations des deux pays ennemis ne se fera pas au détriment de sa formation, soutenue et financée par Téhéran.

"Il s’agit d’un bon développement", a-t-il commenté, en ajoutant: "Les deux pays coopéreront pour assurer la sécurité, la stabilité et la paix dans la région."

Le chef du Hezbollah qui s’était lancé dans une longue analyse géopolitique, entre autres sur la Syrie et le rôle de l’Iran dans ce pays, a consacré la dernière partie de son discours à l’annonce surprise de Téhéran et de Riyad. Il semblait lui-même pris de court par "ce bon développement" qui pourrait contribuer, selon lui, à régler les crises au Liban, au Yémen et en Syrie où l’Iran a une influence prépondérante via ses milices armées. "Personne n’a encore des détails", a-t-il pris soin d’ajouter.

Lundi, lorsqu’il avait annoncé que sa formation soutenait la candidature de Sleiman Frangié à la tête de l’État, il avait critiqué l’opposition américano-saoudienne à ce choix. Il avait aussi insisté sur le caractère local de l’échéance présidentielle et appelé l’opposition à poser les noms de ses candidats pour en discuter. "Ceux qui attendent une entente saoudo-iranienne pour un déblocage attendront encore longtemps", avait-il avancé. Sauf que celle-ci est intervenue cinq jours plus tard et que déjà, des pronostics sur un déblocage de la présidentielle, dans un avenir peut-être pas trop lointain, étaient avancées.

Mais, "anticipant", selon ses propres termes, les analyses autour de la reprise de langue entre les deux pays, dont les relations sont marquées par de fortes tensions depuis la naissance de la République islamique d’Iran, en 1979, Hassan Nasrallah s’est empressé d’ajouter: "Nous sommes convaincus que cela ne se fera pas à nos dépens, ni aux dépens du peuple yéménite, de la Syrie ou de la résistance. L’Iran n’abandonne pas ses pairs et ne prend pas de décisions à la place d’autres peuples."

Il semblait cependant s’adresser davantage à son public, pour le rassurer, qu’à ses détracteurs qui allaient se perdre en conjectures sur les effets d’un rapprochement saoudo-iranien sur l’influence de Téhéran dans la région et notamment au Liban. "Il ne faut pas exagérer et précipiter les choses, il s’agit encore d’une nouvelle récente qui peut ouvrir de nouveaux horizons dans l’ensemble de la région, y compris au Liban", a commenté M. Nasrallah.

L’un des premiers effets de cette phase d’attente s’est manifesté au niveau du dossier de la présidentielle et du ton employé par le chef de la formation pro-iranienne pour l’aborder. On est loin de l’intonation de défi de celui qui n’accepte pas moins qu’un chef de l’État "qui ne poignarderait pas la résistance dans le dos". Hassan Nasrallah a appelé l’opposition au dialogue, en prenant soin de souligner que "personne ne peut imposer un candidat".

De là à estimer qu’il serait prêt à renoncer à M. Frangié, au profit d’un candidat consensuel auquel l’Arabie saoudite (aujourd’hui fermement opposée à l’accession de ce dernier à la tête de l’État) apporterait son soutien, il n’y a qu’un pas que certains n’ont pas hésité à franchir.

"D’aucuns nous ont accusés de vouloir imposer aux chrétiens et aux Libanais un président. Nous sommes pour que chacun propose son candidat à la tête de l’État, mais nous sommes surtout pour un dialogue et des concertations afin que nous puissions ouvrir des portes" et en finir avec le blocage, a-t-il déclaré, en estimant que la Constitution donne à tous la liberté de nommer un candidat. Et d’insister en s’adressant à l’opposition: "Comme tout ce qui est entrepris à ce niveau est légal et constitutionnel, venez qu’on discute ensemble pour déterminer les issues possibles" à la crise autour de la présidentielle.

Hassan Nasrallah a assuré ensuite que les puissances étrangères ne pourront pas imposer un chef de l’État au Liban, en laissant entendre qu’"une ouverture de l’étranger pourrait cependant aider". Dans cet ordre d’idées, il a réaffirmé que sa formation "ne tolère aucun veto d’un pays tiers contre un candidat libanais", mais qu’elle "accueille favorablement toute aide étrangère fournie au Liban". À travers peut-être un dialogue saoudo-iranien qui permettrait de briser le blocage…