Le Liban a connu plusieurs crises et changements majeurs au cours de son histoire récente, le plus significatif desquels étant la guerre civile, déclenchée en 1975 et terminée en 1990 – un conflit armé qui avait exacerbé la crise politique et n’avait pris fin que grâce à un consensus arabe et international. Celui-ci s’était traduit, comme on le sait, par la conclusion de l’accord de Taëf, qui avait pratiquement constitué la base de la nouvelle Constitution libanaise.

Il importe toutefois de préciser que le principal problème du Liban n’a jamais été sa Constitution, ni ses lois. Le problème du pays réside au niveau de leur inapplication et de l’éradication de la culture citoyenne, sur laquelle s’est greffée une décadence morale, accentuée par un abandon de l’autorité naturelle de l’État.

Un problème qui a naturellement entraîné un autre: la suppression du concept d’État, sous prétexte que celui-ci ne répond pas aux attentes de certains camps politiques. Le plus grave est que cet état de fait, à cause duquel les Libanais ont d’ailleurs payé un lourd tribut, a nourri des pratiques politiques qui, sous différents prétextes ou slogans, minent le concept même de l’État, ainsi que le rôle politique, économique et social de celui-ci.

L’insistance de certaines factions libanaises à ignorer le danger que représente l’annihilation du concept de l’État – alors qu’elles en auront toujours besoin, quelle que soit l’étendue de leur pouvoir – met en danger l’avenir du pays. Preuve en est, soit dit en passant, la résurgence des propositions de fédéralisation, avancées sur fond de crises successives d’ordre économique, social et financier.

Ce refus de changer la donne actuelle, fût-il lié aux intérêts régionaux de telle ou telle partie – avec tout ce que cela comporte comme dangers – ou à des projets dénués de vision stratégique, alimentés par des intérêts individuels et des considérations populistes, aura des répercussions terribles sur la structure même du pays et sa capacité à résister face aux coups successifs qu’il encaisse. Les crises qui ne cessent de s’exacerber conduiront immanquablement à une explosion sociale.

Certes, le discours témoignant d’un attachement à Taëf, et appelant à ce que ses clauses soient appliquées, avant d’envisager de l’abroger ou de le remplacer par des propositions saugrenues incompatibles avec la réalité libanaise, n’est plus "à la mode" au Liban. Mais il importe de le maintenir, même si certains considèrent que l’accord en question ne garantit plus la stabilité escomptée.

Remplacer l’accord de Taëf par une autre formule – dans le contexte actuel d’équilibre des forces dans la région, alors que la communauté internationale s’intéresse peu au dossier libanais – risque de plonger le pays dans l’inconnu, voire le chaos. Une telle entreprise est extrêmement dangereuse pour l’identité et le pluralisme du Liban. La destruction de ces deux éléments pourrait d’ailleurs profiter à plusieurs parties, parce que les deux ont représenté et représentent toujours un modèle unique, quoiqu’incomplet sous certains aspects, qui dérange dans une région explosive où règne la pensée unique et répressive.

Le défi majeur consiste à préserver ce pluralisme. Pour deux raisons: parce qu’il représente une des principales caractéristiques politiques, sociales et culturelles dans le monde arabe; et parce qu’il constitue une forme de résistance contre les courants fondamentalistes expansionnistes qui y règnent.

L’unique moyen de relever ces défis consiste à doter le Liban d’éléments de force qui peuvent consolider son immunité, et cela, en redonnant à la Constitution et aux institutions leurs lettres de noblesse. Cela implique aujourd’hui l’élection d’un président de la République réformateur, digne de la confiance du peuple et de la communauté internationale et qui ramènerait le Liban dans le giron du monde arabe et de la communauté internationale.

Le Liban est à un tournant, mais ne l’a-t-il pas toujours été?

 

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