Il est regrettable que certains aient choisi de commémorer le 14 Mars en se lamentant sur le passé. Parmi eux, certains étaient censés contribuer à la pérennité de ce rassemblement qui vibre toujours en nous.

Si le 14 Mars n’avait pas eu lieu, il n’y aurait pas eu de 17 octobre 2019. C’est une vérité indéniable. Car la flamme allumée ce jour-là continue d’animer de nombreux esprits, même si elle semble s’être atténuée ou éteinte.

Le moment est-il venu cependant de demander des comptes à ceux qui ont mis fin à l’expérience du 14 Mars en tant que coalition politique qui a constitué l’un des plus grands mouvements d’opposition de l’histoire du Liban?

La sphère politique libanaise ne reconnaît pas la reddition de comptes. Un million de personnes qui avaient manifesté ce jour-là sur la place des Martyrs avaient reçu une gifle magistrale de certains de leurs dirigeants qui, à travers des concessions injustifiées, ont permis au Hezbollah d’imposer son hégémonie sur le pouvoir décisionnel du pays. Sans oublier bien entendu, le coup de poignard asséné dans le dos à cette coalition par le duo Michel Aoun et Gebran Bassil qui a scellé en 2006 l’accord de Mar-Mikhaël avec le Hezbollah.

Ceci nous ramène à un autre 14 Mars, initié des années plus tôt par Michel Aoun à la faveur d’une guerre sans horizon avec l’armée syrienne. Une guerre qui a conduit à la destruction de ce qu’on appelait alors la "région Est", entraîné des pertes humaines et mené à l’accord de Taëf, ouvrant grand la porte à une mainmise de la Syrie sur le Liban. Des années plus tard, Michel Aoun devait revenir de son exil en France par la porte syrienne.

Peut-être faut-il s’en souvenir aujourd’hui. Peut-être faut-il se rappeler également que l’un s’est trompé, que l’autre a concédé, et que celui-ci a trahi… Il faut rappeler les figures emblématiques de cette journée symbolique. Toutes assassinées: Pierre Gemayel, Gebran Tueni, Antoine Ghanem, Mohammad Shatah, Georges Haoui et Samir Kassir.

Le sang qu’ils ont versé mérite que nous gardions vivant en nous l’esprit du 14 Mars. Non pas par une célébration ou un discours poétique commémorant l’anniversaire de leur départ, mais plutôt par un mouvement continu de protestation contre ceux qui contrôlent le pays, qui veulent altérer son identité, et ceux qui veulent imposer un président malgré tout, même si le blocage persiste des années.

Rappelons aussi que l’une des raisons majeures pour lesquelles un million de personnes ont manifesté en masse le 14 Mars contre la présence syrienne est due au rassemblement du 8 Mars, en faveur de la Syrie, et à tout qui avait été dit ce jour-là.

Le 14 Mars était en d’autres termes une réaction contre l’injustice, l’occupation et le manque de souveraineté. Cela signifie que la pérennité de cet esprit est tributaire d’un nouveau mouvement qui prendra le temps qu’il faudra pour se réaliser.

Reste à savoir quelle sera la réaction ce jour-là, quel en sera prix et quel nouveau serment devrons-nous prêter?