Il existe une différence entre une révolution qui dévore ses enfants et une résistance qui kidnappe tout un peuple afin de le transformer en otage de son agenda intérieur et régional, sans se soucier le moins du monde de son avenir, ou prendre en compte ou en considération son histoire – celui de groupes qui ont grandi en osmose avec la liberté et l’ouverture, et qui vieilliront avec.

Pire encore, le " bâton " constitué par les armes de cette résistance a perdu sa boussole et s’est égaré. Il était censé contribuer, selon les allégations, à vaincre les Israéliens, et le voilà qui se transforme en " matraque " pour frapper les Libanais… et les " discipliner " !

La mainmise sécuritaire et les menaces contre tous ceux qui échappent au pouvoir de l’establishment sont toujours actives et influentes au sein de la société libanaise, et constituent un frein inhibiteur à tout changement du moindre élément de ce pouvoir. Ce dernier oeuvre, par le biais des divergences entre ses composantes, à reprendre le contrôle sur ceux qui ont osé sortir du troupeau sectaire et confessionnel à parti du 17 octobre 2019. Même si elles ont fait montre de la capacité de cet establishment à recouvrer de son contrôle, ces tentatives ont tout autant prouvé l’existence d’une incapacité durable à modifier l’opinion publique, plus que jamais hostile au maintien de cette caste politique. Cette opinion publique réclame des solutions à des crises crées par l’establishment lui-même, que ce dernier se trouve aujourd’hui incapable de résoudre – ou bien auxquelles il ne souhaite pas trouver de solution.

La force physique brute de l’establishment, que dirige et à la tête duquel se trouve le Hezbollah, a formé le pivot de l’attaque menée contre l’intifada du peuple libanais face au pouvoir dans le but de la mettre au pas. Mais cela ne suffit pas pour garantir le retour au contrôle de l’establishment. Il s’agit au contraire d’un signe d’impotence et de fiasco politiques, qui ouvrent la voie au parachèvement de la faillite financière et économique de l’État, causée par l’establishment lui-même.

C’est pourquoi les armes, les missiles et la force répressive peuvent réussir à protéger un establishment au pouvoir en Corée du Nord, par exemple, ou dans n’importe quel pays différent du Liban. En d’autres termes, elles peuvent mener à bien une telle mission dans un pays capable de se replier sur lui-même, où le peuple peut se nourrir de sa propre terre et qui peut s’isoler du monde – quand bien même ce modèle a également perdu de son attractivité et se trouve aujourd’hui candidat à l’effondrement, compte tenu du fossé qui grandit entre la Corée du Nord et ses voisins sur le plan économique, politique et du développement au profit du voisinage, et qui pourrait conduire avec le temps à l’effondrement du régime totalitaire en place à Pyongyang.

Au Liban, l’histoire, ainsi que le modèle sur lequel l’entité libanaise a été fondée, sont totalement incompatibles avec l’idée de confrontation avec les pays arabes voisins, et de repli sur soi par rapport à l’environnement régional et l’Occident en général. La nature géographique et démographique de l’entité libanaise ne peut aller de pair avec la notion du repli et de la force militaire comme autorité et pouvoir décisionnel suprême. La réalité montre que la force du Hezbollah, qui est centrée sur les soldats, les armes, les équipements et les missiles, n’a pas assuré au Liban une immunité, ne serait-ce que contre l’effondrement et la chute. Par conséquent, la présence de millions de missiles aux mains du parti, et même celle d’une bombe nucléaire théorique, n’ajouterait rien d’autre à la réalité que davantage de détérioration et d’effondrements.

Le problème du Hezbollah et de tous ceux qui le soutiennent sous le prétexte de résister à Israël et de libérer la Palestine, c’est que, dans ce soutien innocent, ils ont limité le concept de résistance à une seule dimension, la dimension militaire, et ont négligé ce qui est autrement plus important et efficace, à savoir la dimension politique, sociale, développementale, de liberté de la société. En bref, le plus important est le système de valeurs qui régit tout pays développé, lequel comprend nécessairement une société dynamique soucieuse de protéger ses valeurs, dont la plus importante est la liberté.

Tout cela a été miné au Liban au profit du pouvoir, de la tyrannie et de la répression de l’autre différent. La " résistance " s’est transformée en bâton pour discipliner le peuple libanais et la révolution syrienne, et pour poursuivre les personnes qui expriment ouvertement leurs différence politique et leur objection à l’establishment au pouvoir, et qui défendent leur droit à la différence et à la liberté d’expression.

Le Hezbollah, qui a monopolisé le droit à la résistance au Liban, s’est beaucoup plus préoccupé de discipliner les Libanais et les Syriens que l’ennemi. Un simple regard en direction des frontières suffit pour montrer où se sont déroulés les combats et où le calme et la stabilité ont prévalu.

Tout cela laisse présager de paradoxes étranges, voire fatals : alors que le Hezbollah remporte victoire sur victoire comme il le prétend, d’Israël à la Syrie en passant par le Yémen, tous ces triomphes sont considérés par le parti comme étant au profit du Liban, alors que le pays du Cèdre s’effondre et régresse, que ses habitants sont de plus en plus pauvres et misérables, et qu’ils cherchent la moindre opportunité pour fuir et émigrer. Non pas à cause d’un prétendu blocus international, mais en raison de cet establishment qui domine et gouverne, qui a pillé les deniers publics, détruit l’État et volé l’argent des déposants, dans un crime caractérisé et sans précédent commis sous la bannière de la résistance, bien à l’abri derrière ses armes. Une résistance qui achève à présent la destruction de ce qui reste d’Israël… pardon, du Liban !

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