Hier, le site Houna Loubnan a publié une vidéo d’enfants syriens nageant au centre de Beyrouth, plus précisément dans le bassin du martyr Samir Kassir, adjacent au bâtiment de la municipalité de Beyrouth. Une nouvelle qui peut sembler banale avant que la polémique n’enflamme Twitter et Facebook entre ceux qui ont été scandalisés par la scène et ceux qui l’ont trouvée somme toute anodine, demandant que le centre de Beyrouth devienne un espace de baignade ouvert à tous.

Soudainement et sans crier gare, le débat s’est poursuivi sur les réseaux sociaux jusqu’à tard dans la nuit, mais cette fois-ci, il portait sur l’identité de Beyrouth. En effet, de nombreux habitants de la capitale ont dénoncé la scène, refusant que leur ville soit transformée en une piscine publique et que de tels phénomènes se reproduisent comme c’est le cas avec la mendicité qui a pris de l’ampleur dans les rues de Beyrouth.

La question ici est de comprendre pourquoi l’expression "les Beyrouthins" contrarie-t-elle certains Libanais? Y a-t-il une capitale sans identité dans le monde? Et si l’on disait aux habitants de Beyrouth que leur capitale manque d’identité et qu’elle est dépouillée par tous?

L’identité des Beyrouthins n’est pas communautaire ou sectaire et elle ne le deviendra jamais à moins que ses habitants n’acceptent pas l’identité des enfants de la ville qui embrassent toutes les nationalités, villes et régions sans distinction aucune. L’identité des habitants de Beyrouth est similaire à celle des habitants de toute autre ville. Zahlé se targue de ses habitants et ses gens, comme Tripoli, la Bekaa, le Sud et le Chouf. Les habitants de ces villes ont tous leur propre identité, ils apprécient le style et le caractère de leur ville ainsi que de ses rues.

Peut-on ignorer le fait que Beyrouth est une ville qui a su créer une identité propre et qui l’a imposée à tous ceux qui y vivent, quelle que soit leur origine? Au fil des années, Beyrouth a accueilli une succession de vagues de millions de personnes qui ont contribué à enrichir sa culture et en faire un carrefour pour tous. En interagissant avec ces différentes cultures, les habitants de Beyrouth ont appris les principes de coexistence et de tolérance.

Lorsque des jeunes hommes et femmes ont saccagé les bâtiments, les trottoirs et vandalisé les boutiques au centre-ville pendant le soulèvement de 2019, je me suis  demandé pourquoi tant de haine pour la capitale ? S’agit-il d’une révolte contre le pouvoir ou contre la capitale? Pourquoi tant de haine envers Beyrouth qui accueille en son sein ses visiteurs et les marque à jamais de son empreinte ?

Certaines élites, militants et partis politiques ont commencé à imposer une nouvelle tendance aux habitants de Beyrouth: il est interdit de critiquer ou de s’opposer à quiconque ou à tout groupe qui profane ou déforme l’image de leur capitale et son caractère unique. " Cette capitale est à nous ", disent-ils. Nous ternissons son image comme les politiciens l’ont fait. Nous voulons poursuivre l’œuvre commencée par certains partis, travaillant sans relâche pour salir l’image de la ville, sa quintessence et sa particularité. Ils traitent la ville tel un homme qui ne sait pas manier un smartphone et le brise, pensant ainsi vaincre l’appareil plutôt que de l’utiliser et d’intégrer ses applications et son évolution. Ils souillent notre Beyrouth en prétendant que l’économie, les institutions et les sites de l’État le sont aussi. Allons saccager Beyrouth ! C’est ce qu’ils déclarent sans honte et sans vergogne.

Cependant, ils n’ont tiré aucune leçon du passé. Ils ont mal lu l’histoire et n’ont pas compris que Beyrouth est stoïque et supporte tous ceux qui ne parviennent pas à appréhender son mode de vie et la particularité de ses habitants.

Ils ne savent surtout pas que Beyrouth finira par les broyer avant qu’ils ne puissent la détruire.