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Mettant un terme à une situation invraisemblable qui a duré près de cinq ans et qui été marquée par de multiples débordements dans l’exercice de la fonction d’un magistrat, le conseil de discipline de la magistrature a radié jeudi la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, du corps de la magistrature.

C’est la sanction la plus dure qui peut être infligée à un magistrat. Elle a été prise à l’encontre de Ghada Aoun pour abus de pouvoir et pour fronde contre les règles de procédure judiciaire. Selon une source digne de foi, "une trentaine de procès avaient été intentés contre la magistrate devant l’Inspection judiciaire" qui a transmis ces dossiers devant le Conseil de discipline, pour que décision soit prise contre la magistrate, ce qui a été annoncé jeudi matin.

"On ne peut faire fi des textes de loi, quel que soit le dossier sur lequel on planche", précise à Ici Beyrouth un juriste haut placé. "C’est une décision courageuse qui a pour finalité de redresser la situation au niveau de la magistrature, a-t-il souligné. Tout magistrat qui ne respecte pas l’autorité de son supérieur hiérarchique contribue à l’implosion de la magistrature, ce que l’on ne peut tolérer", martèle le juriste précité.

Peu de temps après l’annonce de la décision, Ghada Aoun a interjeté appel devant le Haut conseil de discipline, par le biais de son avocate, Pascale Fahed. On rappelle que le Haut conseil de discipline est formé de magistrats qui composent le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et il est dirigé par le président de ce dernier. Dans l’attente que cette instance donne son verdict, Ghada Aoun pourrait sur le plan du principe continuer à assumer ses fonctions, mais dans la pratique, elle ne peut le faire car le Procureur général de la République Ghassan Oueidate l’avait récemment suspendue et l’avait dessaisie de tous les dossiers portant sur la situation financière du pays en raison des nombreux abus qu’elle avait commis dans l’exercice de ses fonctions.

En commençant par l’affaire de la société de Michel Mecattaf jusqu’au dossier des banques libanaises, la magistrate a multiplié les débordements mais aussi ses déchaînements sur les réseaux sociaux, agissements prohibés par les textes de loi. D’ailleurs, la décision du ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, prise jeudi en matinée (avec bien de retard) d’interdire aux juges toute intervention médiatique sans autorisation préalable est venue rappeler ce devoir de réserve superbement ignoré par Ghada Aoun, laquelle a également fait fi, et à plusieurs reprises, des décisions de son supérieur hiérarchique, le procureur de la République, Ghassan Oueidate. Ce dernier avait pris la décision de la dessaisir des dossiers financiers après les poursuites qu’elle avait engagées au printemps 2021 contre Michel Mecattaf et sa société, qu’elle accusait de manière fallacieuse d’avoir effectué, de manière illégale (à ses yeux), des transferts de fonds vers l’étranger, à la fin de l’année 2019. Mme Aoun avait refusé de se plier à la décision du procureur Oueidate. Aujourd’hui encore, Mme Aoun s’insurge contre le Conseil de discipline qui a prononcé son verdict, convient-il de relever, à l’unanimité de ses membres…