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Revenue en force sur la scène politique locale, l’Arabie saoudite multiplie les démarches, par le biais de son ambassadeur à Beyrouth, Walid Boukhari, pour inciter les différentes parties à accélérer l’élection d’un président de la République. De retour au Liban après un long séjour à Riyad durant le mois de ramadan et la fête du Fitr, M. Boukhari a poursuivi pour la seconde journée consécutive jeudi les rencontres avec les différentes factions. Au cœur de ses entretiens: le dossier de la présidentielle. Un dossier également au centre d’une tournée de l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea auprès de responsables politiques.

Mme Shea s’est rendue jeudi chez le chef des Forces libanaises Samir Geagea, qui avait reçu la veille M. Boukhari. Le diplomate saoudien venait d’entamer une tournée politique qui l’avait également mené auprès du mufti de la République Abdellatif Deriane, et du président de la Chambre Nabih Berry. Il s’est entretenu jeudi avec le patriarche maronite Béchara Raï, ainsi qu’avec le vice-président du Conseil supérieur chiite, le cheikh Ali Khatib, le cheikh Akl druze, le cheikh Sami Abi el-Mona et le chef des Kataëb Samy Gemayel.

L’importance de ces tournées concomitantes réside dans le fait qu’elles mettent en relief la convergence de vues entre Riyad et Washington autour de la présidentielle. Elles balaient dans le même temps les analyses selon lesquelles les deux capitales pourraient adhérer à l’option Sleiman Frangié à la présidence, que Paris essaie depuis plusieurs mois de promouvoir. Car, dans leurs discours respectifs, les deux diplomates font entendre, mais de manière très claire, que les positions de leurs pays respectifs restent les mêmes. Les États-Unis et l’Arabie saoudite souhaitent pour le Liban un chef de l’État fédérateur, qui ne soit pas corrompu et qui puisse soutenir le processus devant sortir le pays de la crise et lancer des réformes sérieuses.

Les deux insistent aussi sur le fait qu’il n’est pas question pour eux de se mêler du choix des candidats, lequel, disent-ils, reste du strict ressort des Libanais. Les deux diplomates reprennent ce même discours durant tous leurs entretiens officiels. Pour leurs interlocuteurs, il s’agit de lire entre les lignes. Certes, Riyad et Washington ne comptent pas se mêler de la présidentielle, mais le choix des parlementaires libanais aura une incidence directe sur le degré de leur engagement futur en faveur du Liban, notamment durant la phase de redressement.

Il n’en demeure pas moins que la relance de la mission a alimenté des supputations selon lesquelles Riyad aurait assoupli, voire modifié, sa position à l’égard de la candidature de Sleiman Frangié, sur insistance de la présidence française. Or, il n’en est rien, comme l’affirme à Ici Beyrouth Pierre Bou Assi, député du groupe parlementaire des Forces libanaises, qui était présent à l’entretien de MM. Geagea et Boukhari, mercredi à Meerab. "Il faut remettre ces visites dans leur contexte, insiste-t-il. M. Boukhari transmet le message de sa hiérarchie, selon lequel l’Arabie saoudite ne va pas se mêler de l’élection présidentielle. Pour Riyad, il s’agit d’une affaire souveraine libanaise et la classe politique libanaise doit accomplir son rôle en choisissant un candidat. Ce qui importe également pour Riyad c’est le fonctionnement des institutions, les réformes économiques qui s’imposent et la capacité du pays à faire face à la crise sociale sans précédent."

Donc, c’est un message "naturel" qu’adresse l’Arabie et "un indicateur positif", souligne M. Bou Assi. "Tous les acteurs régionaux et internationaux feraient bien d’adopter la même attitude que celle de l’Arabie saoudite. Il ne faut pas interpréter les visites de M. Boukhari dans un sens ou dans un autre", affirme-t-il.

Durant son entretien avec le patriarche Raï, l’ambassadeur a réitéré la position de son pays qui "considère que la présidentielle est une affaire intérieure libanaise", comme il a salué "les initiatives entreprises par le patriarche pour débloquer" l’échéance présidentielle, d’après le porte-parole de Bkerké, Walid Ghayad. Selon lui, le royaume saoudien n’a d’objection sur aucun candidat "tant qu’il bénéficie de la confiance des Libanais".

Le chef des Kataëb Samy Gemayel a affirmé à son tour que l’Arabie saoudite considère que la présidentielle est "une affaire intérieure". Il a réitéré son opposition à "l’élection d’un candidat affilié au Hezbollah".  "Nous n’accepterons pas que le Hezbollah nous dicte sa volonté", a-t-il martelé.