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La décision du président de la Chambre, Nabih Berri, de fixer vers le 15 juin la date butoir pour l’élection présidentielle a-t-elle eu pour effet d’accélérer les contacts en vue de la réalisation de cette échéance? Selon des sources bien informées, la démarche de M. Berry fait suite aux pressions internationale et régionale concernant l’élection, accompagnées de mises en garde contre des sanctions visant les obstructionnistes qui entravent l’élection d’un président. L’initiative a incité les parties concernées sur la scène interne à prendre en considération ce "signal d’alarme international".

De son côté, Washington a appelé à l’élection d’un président avant la fin du mois de juin sans entrer dans les détails et les noms. Paris s’est pour sa part rebiffé après avoir été vertement critiqué par les chrétiens pour avoir adopté le candidat du duopole chiite (Hezbollah, Amal), malgré les démentis de l’ambassadrice française, Anne Grillo.

Quant à l’ambassadeur saoudien, Walid al-Boukhari, il a résumé en ces termes la position de son pays: "Nous n’avons pas de candidat spécifique et nous n’opposons de veto contre personne. Nous n’intervenons pas dans le jeu des noms. Nous nous conformons aux spécifications définies récemment pour ce qui a trait au profil du prochain président". La position saoudienne est donc celle des pays des Cinq (USA, France, Arabie saoudite, Égypte, Qatar), qui ont tenu à se dégager de toute responsabilité obstructionniste et à faire assumer aux forces politiques la responsabilité de l’élection d’un président de la République.

Un député s’étant récemment rendu à Washington a rapporté que certains responsables américains au sein des administrations et des ministères concernés par la crise libanaise, ainsi que des institutions financières et des banques internationales, ne cachent pas leurs critiques à l’égard des dirigeants libanais pour leur incapacité à élire un président. Ils leur reprochent également d’avoir renoncé à leur rôle et leurs responsabilités dans le sauvetage du pays, qui se dirige irrémédiablement vers l’effondrement total, selon un rapport du Fonds monétaire international, notamment si un président n’est pas élu avant fin juin. En effet, la vacance va s’étendre, par transitivité, à la gouvernance de la Banque centrale et à d’autres institutions et cela ne peut se traduire que par un effondrement total.

C’est dans ce contexte que l’action américaine tombe comme une épée de Damoclès. Comme en témoignent les visites de l’ambassadrice Dorothy Shea aux dirigeants et aux forces politiques. Sa réunion la plus significative a été celle tenue avec le président Nabih Berry au vu de son influence et de son rôle clé. Elle lui a transmis le message selon lequel les États-Unis ne permettraient pas un effondrement du Liban et souhaitaient qu’aucun obstacle ne soit dressé face à aucun candidat potentiel, afin de garder toutes les options de sauvetage ouvertes. Cela fait allusion à la position de Berry qui soutient que l’élection du général Joseph Aoun nécessiterait un amendement de la Constitution.

La position des Cinq, après le retrait de l’initiative française, se résume comme suit: "Pas de candidat déterminé, pas de veto, pas d’ingérence dans la guerre des noms ni dans les détails. Nous demandons un président rassembleur capable de mettre en œuvre les réformes, qui n’ait des liens avec aucun parti ou aucun pôle local ou extérieur. Seule sa neutralité lui permettra d’agir efficacement dans le processus de sauvetage. Il ne doit rendre de compte à personne".

Suite à la levée du veto saoudien, le duopole chiite fut soulagé et n’avait plus besoin, par conséquent, d’une alliance avec le Courant patriotique libre. Les invectives du chef du CPL Gebrane Bassil envers le "Sayyed" (Hassan Nasrallah) et ses revendications grandissantes ont vite fait de refroidir le Hezb qui ne voit plus vraiment l’intérêt de relancer l’accord de Mar Michaël, en particulier avec Bassil, d’autant que Frangié avait déjà rejeté, sur le plan du principe, les demandes, conditions et garanties réclamées par Bassil en échange de son élection.

Le Liban s’est engagé dans la dernière ligne droite de la lutte politique entre les différentes forces en jeu. Ainsi, l’opposition tente, avec le CPL, de trouver un candidat de la liste de Bkerké qui pourrait percer sans condition aucune.

Selon un député de l’opposition, un accord entre le CPL et l’opposition "mettra le Hezb dans une situation délicate dans la mesure où il ne pourrait pas imposer son candidat et renverser celui de l’opposition".

Cela dit, Gebrane Bassil tente de faire la part des choses entre la proposition de l’opposition et celle du Hezb afin de se ranger derrière "le plus offrant". Cependant, selon certaines sources proches du 8 Mars, la tenue d’une rencontre entre M. Bassil et Wafic Safa, chef de l’appareil sécuritaire du Hezb, est hors de question, de même que la relance de l’accord de Mar Michaël, surtout après les propos tenus par M. Bassil à l’encontre de Hassan Nasrallah. Les milieux du 8 Mars excluent de ce fait un retour à une alliance avec Gebrane Bassil.

Il reste que selon certaines sources, M. Bassil aurait adressé un message furtif au Hezb l’invitant à "s’entendre avec lui avant qu’il ne se tourne vers l’opposition", dans l’espoir d’attirer les offres de dernière minute.

La question aujourd’hui est de savoir quel camp choisira M. Bassil. L’opposition ou le Hezb? Des responsables FL soulignent dans ce cadre que si le chef du CPL opte pour le camp de l’opposition, cela voudra dire qu’il aura coupé définitivement les ponts avec le Hezb.

Quel sera donc son choix à l’aune des grands règlements qui se profilent à l’horizon, et de la campagne que mène Michel Aoun contre le système et le Hezbollah, les accusant d’avoir contribué à l’échec de son mandat? Quoi qu’il en soit, Bassil est à l’affût, à la recherche de la meilleure opportunité, nationale ou internationale, qui lui garantirait un avenir politique.