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En 2011, l’ambassadeur du Liban aux Pays-Bas, Zaydan Al-Saghir (en poste entre 2007 et 2011), a adressé une missive à l’administration centrale du ministère libanais des Affaires étrangères, concernant le comportement du fonctionnaire de l’ambassade aux Pays-Bas, Rami Adwan, qui entretenait de mauvaises relations avec la communauté libanaise.

Le rapport dénonçait le comportement rebutant d’Adwan aux Pays-Bas, sa façon de traiter ses collègues à l’ambassade, le langage répugnant qu’il employait et ses actes peu recommandables.

Par conséquent, il fut décidé de rappeler Rami Adwan à Beyrouth et de le déférer devant l’Inspection des missions diplomatiques. De plus, le rapport publié à son encontre réclamait sa démission, mais celle-ci a été gelée. Et pour cause: une campagne était menée à l’époque contre les ministres des Affaires étrangères successifs, Ali Shami et Adnan Mansour, tous deux partisans du mouvement " Amal ", soupçonnés de vouloir nommer une personne affiliée au mouvement aux Pays-Bas pour remplacer M. Adwan.

En 2014, Gebran Bassil fut nommé ministre des Affaires étrangères du gouvernement du Premier ministre Tammam Salam, l’un des derniers du mandat du président Michel Sleiman. Les rumeurs qui planaient autour de Rami Adwan se dissipent comme par magie et la chance lui sourit de nouveau. Au lieu d’accepter sa démission, Gebran Bassil, nouveau ministre des Affaires étrangères, le nomme directeur de son bureau.

En 2017, le scandale éclate. Avant la fin de la première année du mandat du président Michel Aoun, le décret de nominations diplomatiques est publié, et indique que "M. Rami Khalil Adwan a été nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République libanaise en France". En effet, M. Adwan connaissait bien la France puisqu’il y avait déjà travaillé à l’UNESCO.

Ce décret était scandaleux du fait qu’Adwan avait été "nommé hors cadre du corps diplomatique au ministère des Affaires étrangères et des Expatriés", alors qu’en réalité, Adwan n’était pas hors cadre puisque sa démission n’avait pas été acceptée. Mais pourquoi tenir à Rami Adwan autant? Serait-ce parce qu’il est le fils du Dr Khalil Adwan? Pour rappel, Dr Adwan s’est enrôlé dans l’armée libanaise comme lieutenant, en tant que médecin. Ensuite, il a occupé le poste de directeur de la Santé au Mont-Liban, et était proche du général Michel Aoun. Cette amitié s’est poursuivie entre Bassil et Adwan, devenu son " confident " et plus encore. En effet, M. Bassil a estimé qu’Adwan lui "serait plus utile à Paris" qu’à Beyrouth, surtout qu’il avait été à l’École nationale d’administration (ENA) et faisait partie de la même promotion que le président français Emmanuel Macron.

Pour revenir à l’enquête qui vise Rami Adwan, les autorités judiciaires françaises se basent sur deux éléments: tout d’abord, le lourd dossier de l’ambassadeur Adwan alors qu’il était en poste aux Pays-Bas et à l’UNESCO, et ensuite, son appartement personnel à Paris et son usage présumé. Un expert libanais en droit français résidant en France rappelle sur ce plan qu’"en France, il y a une séparation des pouvoirs, et pas d’ingérence dans les affaires de la justice comme au Liban". Et de citer à cet égard l’exemple de l’affaire de Mgr Mansour Labaki (condamné par contumace en France pour viols et agressions sexuelles).

Il n’en reste pas moins que si l’on prouve que l’ambassadeur Adwan s’est rendu aux Pays-Bas, il aurait ainsi commis une infraction aux règles diplomatiques, car il n’est pas autorisé à se déplacer d’un pays où il est affecté vers un autre sans obtenir au préalable une lettre d’approbation du ministre des Affaires étrangères à Beyrouth.

Rami Adwan, qui a échappé à la justice libanaise avec sa démission restée dans les tiroirs du palais Bustros (siège du ministère des Affaires étrangères), se trouve désormais confronté à la justice française, souvent louée par le Courant patriotique libre (dans d’autres affaires).

La chance de l’ambassadeur Rami Adwan aurait-elle tourné ?