Ici Beyrouth a interrogé Me Delphine Meillet, avocate pénaliste à Paris, sur la procédure de levée d’immunité diplomatique qui a été demandée par la France envers le Liban après l’éclatement de l’affaire concernant l’ambassadeur du pays du Cèdre en France, Rami Adwan.

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La France a demandé lundi 5 juin au Liban la levée de l’immunité diplomatique dont bénéficie Rami Adwan, ambassadeur du pays du Cèdre à Paris depuis 2017, a indiqué l’AFP citant une source diplomatique.

Rami Adwan est visé par une enquête pour viols et violences volontaires, après des plaintes de deux anciennes employées de la représentation diplomatique libanaise à Paris. L’affaire a éclaté vendredi 2 juin, après les révélations faites par le journal français Mediapart. Le diplomate dément toutes les accusations portées contre lui.

Contactée par Ici Beyrouth, l’avocate pénaliste parisienne Delphine Meillet, nous livre son éclairage sur la procédure de levée de l’immunité diplomatique dont pourrait faire les frais l’ambassadeur libanais à Paris.

En quoi consiste l’immunité diplomatique dont bénéficie un ambassadeur dans un pays étranger ?

C’est la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1961, qui introduit cette question de l’immunité diplomatique. Elle s’explique par le souci de préserver l’indépendance des représentants des États étrangers. L’idée est de préserver leur liberté d’action et d’être à l’abri des poursuites pénales dans les pays où ils exercent leurs fonctions.
L’article 29 de cette Convention protège l’agent diplomatique contre toute atteinte à sa personne. Le principe, c’est que la personne de l’agent diplomatique est inviolable, et elle ne peut être soumise à aucune forme d’arrestation ou de détention. Aucune mesure de contrainte policière (interpellation, fouille au corps, garde à vue, détention…) ou poursuites pénales ne peuvent être engagées contre l’agent diplomatique sur le territoire de l’État qui reçoit cet agent (l’État accréditaire). L’État accréditant (celui d’où vient l’agent) peut renoncer à l’immunité diplomatique si l’État accréditaire lui demande de le faire. Mais il peut ne pas le faire. Tout dépend des relations diplomatiques.

Est-ce déjà arrivé?

En juillet 2019, le Saint-Siège a renoncé à l’immunité diplomatique d’un de ses membres au profit de la justice française. Il était accusé, en France, d’agressions sexuelles. La France avait alors sollicité le Vatican pour lever l’immunité diplomatique d’un de ses membres, et le Vatican a accepté. Le 16 décembre 2020, la personne en question a été condamnée, en France, pour agressions sexuelles, à une peine de prison avec sursis et 13 000 euros d’amende. L’enquête avait été ouverte après un signalement de la mairie de Paris. Et comme cette affaire paraissait très sérieuse, la France a demandé au Vatican la levée de l’immunité diplomatique en avril 2019, et le Vatican a accepté en juillet de la même année pour qu’il puisse être jugé. C’est un cas rare, mais emblématique.

Dans quel cas la France peut demander la levée de l’immunité diplomatique de l’ambassadeur d’un autre pays ?

Dans le cas du Vatican, c’est la France qui avait demandé la levée de l’immunité diplomatique pour agressions sexuelles. Je dirais donc qu’elle peut demander la levée de l’immunité quand l’affaire parait fondée et aussi quand les relations diplomatiques entre les pays le permettent.

Comment se déroule une telle procédure ?

Il n’y a pas vraiment de procédure particulière. Ça peut être une demande écrite entre deux corps diplomatiques tout simplement. On est vraiment dans le cadre des relations diplomatiques, quand bien même c’est la justice d’un pays qui est en jeu. Rien n’est prévu, du moins techniquement. Ensuite, c’est le pays accréditant accepte, ou non. C’est le bon sens, la Convention de Vienne, et surtout la gravité des faits ainsi que les relations diplomatiques entre les pays qui sont déterminants.