Une enquête d’Amnesty International, publiée mercredi 7 juin, révèle une augmentation tangible du nombre de décès de détenus au Liban. Selon l’organisation, cela serait lié à la crise économique que traverse le pays. L’enquête fait également état d’un manquement des autorités sanitaires à fournir en temps voulu des soins médicaux adéquats aux détenus, notamment aux cas qui nécessitent des traitements d’urgence.

La surpopulation carcérale au Liban a augmenté ces dernières années. Les prisons dépassent actuellement leur capacité à hauteur de 323 %. Environ 80 % des détenus sont en détention provisoire, selon l’enquête.

Cette surpopulation, combinée aux mauvaises conditions de détention, a fortement contribué à la détérioration de la santé des détenus. En addition à cela, les ressources nécessaires pour fournir des soins de santé ont diminué compte tenu de l’inflation et de la dépréciation de la livre libanaise.

 

La crise économique

Entre septembre 2022 et avril 2023, l’organisation a mené des entretiens avec 16 personnes, dont des prisonniers et des membres des familles de personnes décédées en détention. Après l’examen de plusieurs rapports médicaux, ainsi que des photos et des vidéos prises par des personnes en prison, Amnesty International a envoyé des lettres de demande d’explication aux ministères de l’Intérieur et de la Santé sur les décès de ces personnes en détention.

Pour les autorités, la détérioration de la santé des détenus est liée à la crise économique.

De leur côté, les familles des personnes décédées ont déclaré à Amnesty International que le personnel pénitentiaire avait ignoré les plaintes et les symptômes de ces détenus avant leur mort, ce qui a retardé leur accès à des soins et leur transfert vers des hôpitaux.

Pour Aya Al-Majzoub, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, " la crise économique n’est pas une excuse pour refuser aux prisonniers l’accès aux médicaments, ou pour faire supporter le coût de l’hospitalisation aux familles des prisonniers, ou encore pour retarder le transfert des prisonniers vers les hôpitaux. "

 

Manque de soins sanitaire  

La valeur du budget du ministère libanais de l’Intérieur alloué à la fourniture de soins de santé aux détenus est passée de 7,3 millions de dollars américains en 2019 à environ 628 000 dollars américains en 2022. En conséquence, les prisons ne disposent pas d’un personnel suffisant et leurs pharmacies manquent de médicaments essentiels.

Selon les chiffres partagés par le ministère de l’Intérieur avec Amnesty International, 846 détenus ont été hospitalisés en 2018 et seulement 107 en 2022. Cette diminution serait liée au non-paiement des factures d’hôpitaux liées aux soins dispensés au détenus. Cela a conduit à de nombreux refus par les hôpitaux de patients se trouvant dans des prisons. Et si un patient est accepté, quelques hôpitaux exigent une avance, et ce même dans les cas d’urgence. À noter que cela constitue une violation de la loi libanaise.

L’organisation a également documenté dans son rapport, les pratiques de torture et autres mauvais traitements des détenus.

Le ministère de l’Intérieur avait déclaré à Amnesty International que 14 membres des Forces de Sécurité Intérieure ont fait l’objet de mesures disciplinaires internes pour avoir " battu et extorqué " des personnes en détention.

 

Aya Majzoub : réforme urgente

" La forte augmentation du nombre de décès en détention devrait rappeler au gouvernement libanais que les prisons libanaises ont besoin d’une réforme urgente et massive ", a déclaré Aya Majzoub. Amnesty Internationale a exhorté le gouvernement libanais, avec le soutien de la communauté internationale, à allouer des ressources supplémentaires pour s’assurer que les autorités pénitentiaires sont en mesure d’améliorer les conditions de vie et de garantir l’accès rapide aux soins de santé adéquats dans les prisons libanaises.

L’organisation a ajouté : " Les autorités judiciaires doivent mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur tous les décès en détention afin de déterminer la cause réelle de ces décès ".