Paris veut urgemment " réunir une forme de consensus " pour permettre l’élection d’un président au Liban. Ce qui explique la nomination par le président Emmanuel Macron de son ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en tant qu’envoyé personnel pour le Liban.

Le président français Emmanuel Macron a nommé son ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian "envoyé personnel pour le Liban", afin de "faciliter" une solution "consensuelle et efficace" à la grave impasse politique que traverse le pays, a annoncé mercredi l’Élysée.

Jean-Yves Le Drian, âgé de 75 ans et présenté comme un homme doté d’une solide expérience dans la gestion de crises, " envisage de se rendre très rapidement au Liban ", a ajouté un conseiller du chef de l’État. Le président lui a demandé " de lui présenter rapidement un rapport sur la situation ".

Ancien ministre de la Défense du président socialiste François Hollande (2012-2017) avant de rejoindre Emmanuel Macron pour devenir le chef de sa diplomatie (2017-2022), M. Le Drian avait pris du champ avec le monde politique depuis la dernière élection présidentielle de 2022.

" La situation reste difficile au Liban ", avec la nécessité de " sortir à la fois de la crise politique et des difficultés économiques et financières ", a estimé le conseiller du président, rappelant qu’Emmanuel Macron s’était personnellement " beaucoup engagé " sur ce dossier.

Selon Paris, il faut d’urgence " réunir une forme de consensus " pour permettre l’élection d’un président au Liban. Et aussi accélérer la mise en œuvre des " réformes nécessaires ".

" Puisque le Parlement est convoqué, il faut que cette échéance soit utile, il ne faut gâcher aucune occasion ", a plaidé l’Élysée, relevant l’émergence de deux candidats: Sleiman Frangié, chef des Marada, soutenu par le tandem Amal-Hezbollah et leurs alliés, et Jihad Azour, ancien ministre des Finances dont la candidature est appuyée par l’opposition, le Courant patriotique libre et des députés indépendants.

" Notre ligne reste la même ", à savoir que la sortie de crise " nécessite davantage qu’un accord sur un nom ", a ajouté la présidence française, qui affirme depuis des mois n’avoir aucun candidat pour la succession de Michel Aoun, dont le mandat présidentiel a expiré le 31 octobre.

La nomination de M. Le Drian intervient une semaine avant la date de la réunion parlementaire, convoquée par le président de la Chambre, Nabih Berry, pour l’élection d’un nouveau chef de l’État. Elle traduit principalement une volonté française de passer à la vitesse supérieure pour favoriser un déblocage de la crise politique qui dure depuis octobre 2022.

Face au bras-de-fer politique qui s’est manifesté depuis l’émergence d’une large coalition parlementaire favorable à l’élection de Jihad Azour à la tête de l’État, la France aurait envisagé une initiative portant sur un rapprochement qui déboucherait sur le choix d’un troisième candidat. Ce qui expliquerait la mention faite à une solution "consensuelle et efficace" à l’impasse politique libanaise, dans le communiqué de l’Élysée.

Jean-Yves Le Drian est un habitué du Liban qu’il avait visité une première fois en 2012, à l’époque où il était ministre de la Défense. Après le soulèvement du 17 octobre, c’est lui que le président Macron enverra au Liban pour faire parvenir aux responsables libanais –totalement indifférents au ressentiment populaire à leur égard, ainsi qu’aux revendications des centaines de milliers des Libanais qui les houspillaient – des messages très fermes. Ces messages s’articulaient principalement autour de la nécessité de changer de mode de gouvernance, d’éviter un effondrement financier du Liban, de lancer sans tarder des réformes structurelles – qui se font d’ailleurs toujours attendre – et d’être à l’écoute des revendications des Libanais.

Face au déni dans lequel ses interlocuteurs étaient plongés en dépit de tous les efforts qu’elle avait menés pour obtenir un changement du mode de gouvernance au Liban, la France a sorti l’artillerie lourde. En mai 2021, elle avait annoncé avoir imposé à plusieurs personnalités libanaises jugées responsables du blocage politique à l’époque, des restrictions à leur entrée sur son territoire. Paris pressait à l’époque pour la formation d’un gouvernement. Les autorités françaises n’avaient pas cependant fourni à l’époque davantage de détails sur ces restrictions, ni sur les personnalités ciblées.