Le chef des Marada et candidat d’Amal et du Hezbollah à la présidence de la République, Sleiman Frangié, a violemment réagi aux critiques de l’opposition le concernant. Il a exclu la possibilité qu’un président soit élu mercredi et appelé ses détracteurs au dialogue.

On peut dire que le chef des Marada, Sleiman Frangié,  a officiellement annoncé sa candidature dimanche à la présidence de la République, à trois jours de réunion électorale, mercredi, Place de l’Étoile (siège du Parlement).

L’annonce a été cependant faite de manière singulière, dans le cadre d’un discours incendiaire dans lequel il a violemment réagi aux critiques dont sa candidature, jusque-là officieuse, mais soutenue par Amal et le Hezbollah, fait l’objet depuis des mois. Il a stigmatisé le discours de chacun de ses détracteurs parmi les principales parties politiques, tout en appelant à un dialogue autour de la présidentielle. M. Frangié a ainsi affirmé être prêt à se retirer de la course électorale en cas d’une entente sur un candidat consensuel.

Le discours a été prononcé au terme de la messe qui a été organisée en fin de journée à Ehden pour la quarante-huitième commémoration du massacre dans lequel ses parents et sa sœur avaient péri.

Le chef des Marada a fait feu de tout bois, dans le principal but de discréditer ses adversaires politiques. Il a ciblé en particulier les Forces libanaises, le Courant patriotique libre (CPL) et les députés dits du changement qui ont soutenu la candidature de son rival, l’ancien ministre des Finances, Jihad Azour, avec qui il va croiser le fer mercredi.

Sur un ton qui cachait mal son dépit, M. Frangié n’a pas hésité à revenir aux sombres moments de la guerre pour soutenir son argumentation. Celle-ci s’est articulée essentiellement autour d’une " volonté de barrer la voie à un candidat capable de rassurer les chrétiens " qu’il a attribuée à ses adversaires, notamment chrétiens.

Il a estimé que s’il est combattu par l’opposition, c’est parce qu’il est fédérateur. " Les circonstances aujourd’hui ressemblent à celles qui prévalaient en 1978, lorsque le président Sleiman Frangié (son grand-père) avait quitté le Front libanais qui était en fait un front chrétien appelant au fédéralisme et s’était rapproché de Rachid Karamé (ancien Premier ministre) ce qui avait débouché sur le massacre d’Ehden ", a-t-il dit.

Il s’est longuement étendu sur cette page de l’histoire du Liban, estimant que c’est " la même mentalité séparatiste qui prévaut aujourd’hui et qui est alimentée par une conjoncture internationale favorable à cette approche ". " On m’accuse, comme mon grand-père, de m’être écarté de ce qu’on appelle l’unanimité chrétienne. A la seule différence qu’aujourd’hui " ils " ne peuvent pas rééditer un 13 juin (le massacre d’Ehden) parce que nous sommes vigilants et que nous avons un projet fédérateur, plus solide que jamais ", a lancé M. Frangié, faisant état d’une tentative de l’éliminer au plan politique. " Mais ils ne réussiront pas ", a-t-il encore dit.

" On veut me présenter comme étant le candidat d’un camp déterminé. Je n’ai pas honte de dire que j’appartiens à un projet politique, mais si je suis élu à la tête de l’Etat, je serai pour tout le Liban et je serai ouvert à tous ", a promis le chef des Marada.

Un candidat naturel

Il s’est aussi présenté comme " un candidat naturel à la présidence de la République, tout comme Michel Eddé, Raymond Eddé, Pierre Helou et Jean Obeid ", rappelant que son nom avait été avancé la première fois en 2005. " Chaque député a le droit de nommer un candidat s’il trouve que le profil de ce dernier correspond à ses aspirations ", a-t-il soutenu, avant de se déchaîner contre le chef du CPL, Gebran Bassil, lui reprochant, entre autres, de n’avoir pas été clair sur ces choix et ses conditions lors de ses premières concertations avec le Hezbollah au sujet de la présidentielle et de s’être rallié par la suite au camp qui le conspuait et auquel lui aussi s’opposait.

M. Frangié s’en est pris violemment aussi aux Forces libanaises, les rendant, " avec le CPL, responsables des guerres qui ont affaibli les chrétiens " et les accusant de " jouer aujourd’hui sur la fibre de la peur chez ces derniers pour mousser leur candidat ". Selon lui, " tout ce qui rapproche ces deux partis est négatif ".

Il a souligné ensuite " la nécessité de rassurer les chrétiens " estimant que les FL et le CPL " ont peur de quelqu’un capable de rassurer " ces derniers.

S’adressant nommément au chef des FL, Samir Geagea, M. Frangié a critiqué " la contradiction au niveau de ses positions ". " Vous affirmez être totalement hostile au candidat de la Moumanaa (Amal et le Hezbollah), mais en 2016, celle-ci était contre moi, alors que je bénéficiais d’une majorité parlementaire. C’est vous qui aviez voté pour son candidat, Michel Aoun ", lui a-t-il reproché. Selon lui, " le problème des FL est avec tout chrétien qui sera capable de préserver le Liban et qui n’est pas favorable aux cantons ".

Il a descendu par la suite le CPL qui " s’est effrontément rallié à un candidat de la structure politique qu’il combattait ", lancé des attaques contre Jihad Azour et n’a pas épargné non plus, l’ancien ministre Ziad Baroud, un autre rival potentiel dans la course à la présidence, les accusant à demi-mot d’avoir trempé dans des affaires de corruption et leur reprochant de ne pas avoir de programme politique et économique clair.

Une autre cible de Sleiman Frangié : les députés dits du changement qu’il a attaqués " parce qu’ils se sont ralliés au choix de Gebran Bassil ". " Comment peuvent-ils justifier leur positionnement à leurs électeurs ? " s’est-il interrogé, en invitant ces derniers, à " bien choisir la prochaine fois ".

" Ces gens se concertent en catimini avec le Hezbollah et Nabih Berry (le président de la Chambre) et n’hésiteront pas à faire à la Syrie et au Hezb des concessions dix fois plus que moi ", a-t-il lancé.

Tout un programme

Une fois ses attaques contre ses détracteurs et ses rivaux terminées, il a appelé au dialogue, dont il a vanté l’opportunité, affirmant qu’il est prêt à se retirer de la course à la présidentielle, en cas d’entente autour d’un troisième candidat. M. Frangié a cependant insisté sur le fait que ce dialogue " ne doit pas être conditionné ". " Je ne m’impose à personne et je ne demande rien ", a-t-il poursuivi, en faisant remarquer que si Paris a soutenu sa candidature, " c’est seulement par pragmatisme ", afin de débloquer la présidentielle.

M. Frangié a ensuite présenté les lignes principales d’un programme politique qu’il a voulu rassurant mais qui est resté très général. Il a ainsi souligné que les personnalités amenées à occuper les postes de gouverneur de la Banque centrale et du commandant en chef de l’armée " doivent être proches de l’Occident, un choix qui est très naturel pour le Liban ".

" Je suis libanais, arabe et patriote et c’est cela qui semble poser problème. Je dispose d’une vision économique que je proposerai au chef du gouvernement si je suis élu. Je m’engage à mettre en œuvre des réformes ainsi que les dispositions de l’accord de Taëf, notamment la clause relative à la décentralisation administrative alors que les autres veulent la partition ", a-t-il exposé, avant d’ajouter : " Dans mon dictionnaire, le mot blocage n’existe pas. Les " on ne m’a pas laissé agir " non plus ". M. Frangié a ainsi lancé une pointe directe à l’ancien président Michel Aoun, qui répétait cette dernière phrase pour faire assumer à ses adversaires politiques la responsabilité de l’échec de son mandat. " Un président qui est incapable d’agir doit prendre position durant son mandat et non pas lorsque celui-ci prend fin ", a-t-il ironisé.

" Si je suis élu, a poursuivi le candidat du Hezbollah et d’Amal, je serai un président pour tous ceux qui me soutiennent et ceux qui sont contre moi, parce que nous avons tous une responsabilité nationale à assumer ". " Je suis né libre et je le reste. Nous ne serons jamais des Dhimmis ", a-t-il encore dit, avant de se dire persuadé que la réunion électorale de mercredi, ne débouchera pas sur l’élection d’un président. " Mercredi, que chacun vote comme il le souhaite mais je vois que dans ce climat, il sera difficile de produire un président. Nous allons vers des barricades politiques ", a conclu le chef des Marada.