Quelques jours avant la 12ᵉ séance parlementaire du 14 juin pour l’élection d’un président, le Liban a été le théâtre d’interventions officielles des deux candidats à la présidence, Sleiman Frangié et Jihad Azour. Alors que le premier a adopté un ton agressif et ciblé dans son discours, le second a opté pour une approche pacifique et non conflictuelle.

Dans son discours prononcé dimanche, le leader des Marada a ratissé large, ciblant toutes les parties en essayant de discréditer ses adversaires politiques, à savoir les Forces libanaises (FL), le Courant patriotique libre (CPL) et les députés de la contestation qui sont en faveur de son rival. De plus, il a affirmé que leur soutien à l’ancien ministre des Finances provient d’une " volonté de barrer la route à un candidat capable de rassurer les chrétiens ".

A l’inverse, Jihad Azour a fait valoir lundi qu’il n’était " pas un candidat de confrontation " et qu’il avait pour seule mission de " sortir le Liban de la situation anormale dans laquelle il se trouve ". M. Azour a ajouté qu’il " se tient à l’écart des alignements politiques et communautaires ".

En réponse à ces deux interventions, plusieurs députés du camp souverainiste ont pris position pour la candidature de l’ancien ministre des Finances, réitérant leurs appels à faire barrage au candidat du Hezbollah

Ghayath Yazbeck, député FL de Batroun a estimé que les deux candidats sont aux antipodes l’un de l’autre. " La différence entre le noir et le blanc est évidente ", a-t-il dit. Pour lui, Sleiman Frangié représente " l’homme d’une région " tandis que Jihad Azour représente " l’homme d’État ". Il a aussi mis en garde ceux qu’il a qualifiés de parlementaires " gris " ou indécis : " Vos bulletins blancs sont un coup de poignard dans le dos, votre troisième candidat est un échec, votre hésitation est une trahison envers vos électeurs et un recul pour l’État ". Il a également décrit la session présidentielle comme étant " à mi-chemin entre la mort d’une nation et sa résurrection ".

Le président du " Mouvement de l’indépendance ", le député Michel Moawad, a considéré lui que " l’hésitation des députés dans la bataille présidentielle sous le slogan de " ne pas s’aligner " servait " l’agenda du Hezbollah au détriment de l’État ". Il a confirmé que Jihad Azour est le troisième choix " car il représente le candidat du consensus, pas le candidat de l’opposition ". Michel Moawad qui tenait ces propos au cours d’une interview à la chaîne locale MTV a noté que " lorsque l’opposition a vu la possibilité de parvenir à un président de la République par consensus avec l’allié du Hezbollah (le CPL, NDLR), nous n’avons pas hésité un instant ", s’interrogeant de savoir " si le défi est posé par nous ou par le camps qui dit " soit notre candidat, soit le vide ". Dans ce contexte, M.Moawad a souligné que " le langage du 7 mai n’est pas en accord avec nos convictions ", ajoutant: " Nous ne nous soumettrons à aucun projet de tutelle ou de domination, nous ne serons pas soumis dans notre pays et cela est clair ".

" Le Liban traverse une période critique et ce à quoi nous assistons aujourd’hui est un travail nécessaire qui ramènera le pays à son statut régional et international normal ", a déclaré pour sa part le député Salim Sayegh. " Après que les différentes factions politiques se sont mises d’accord sur la candidature de Jihad Azour à la présidence, nous avons tous remarqué le sentiment de soulagement qui régnait dans nos villes et nos villages ", a-t-il ajouté. Le député des Kataëb a soutenu que " Jihad Azour possède une grande expérience financière, sur laquelle on peut compter pour tenter de lancer le sauvetage du Liban ". Le député du Kesrouan a conclu en disant que " quiconque n’accepte pas Jihad Azour aujourd’hui se range automatiquement du côté du candidat de la Moumanaa, et que chaque député porte la responsabilité de ses actes ".

Ghassan Hasbani, député FL de Beyrouth s’est adressé directement aux parlementaires de la capitale: "Au nom des martyrs, des victimes et des personnes touchées par l’explosion au port de Beyrouth, ainsi que leurs familles, je pose la question suivante: comment les députés de la capitale, et plus précisément de la première circonscription de Beyrouth, voteront-ils lors des élections présidentielles? Bien que le vote soit secret, ceux dont la ville a été détruite et qui n’ont pas vu la justice ont le droit de connaître la réponse. Mon vote ira bien sûr à Jihad Azour, car le bulletin blanc sert les intérêts de son adversaire ".

Enfin, Georges Okaïs, député Fl de Zahlé a affirmé que " le duo chiite considère tout candidat autre que Sleiman Frangié comme un défi ". Et de poursuivre: " Nous avons démontré au Hezbollah qu’il existe une majorité parlementaire qui rejette ses politiques et ses manœuvres militaires. Par conséquent, nous sommes confrontés à une bataille démocratique, et chacun devrait savoir pour qui il veut voter, sinon il serait lâche ".