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La 12 e séance d’élection d’un président de la République achevée, les députés en sont tous sortis se considérant vainqueurs, sans distinction aucune entre opposition ou Moumanaa (axe obstructionniste) pour valider cette victoire. En fait, il y a une part de vérité dans tout cela puisque chaque partie a réussi à marquer des points contre la partie adverse. Il est clair que ceux qui ont suivi les déclarations des députés auront remarqué l’insistance sur le match nul dans le maintien de l’impasse politique, en attendant ce qui pourrait débloquer le dossier présidentiel.

La situation pourrait se clarifier suivant les données externes que l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, apportera à Beyrouth, après avoir été chargé du dossier libanais par le président Emmanuel Macron. Cela constituerait une nouvelle tentative de briser ce match nul, compte tenu de son expérience et de ses liens libanais et régionaux, en particulier avec Riyad.

Mais quelles tactiques et quelles stratégies adoptera Le Drian dans sa mission libanaise ? Réputé pour son obstination et son pragmatisme, il pourrait se retrouver contraint d’arrondir les angles pour démanteler les entraves que le Hezbollah sait pertinemment exploiter.

A supposer que l’administration Macron soit experte des méandres du dossier libanais et du rôle perturbateur du Hezbollah, elle sait sans aucun doute que ce parti ne peut reculer pour ce qui a trait à la nomination de son candidat, Sleiman Frangié, à la présidence de la République, tout simplement parce que l’opposition a réussi à le confronter en nommant Jihad Azour et à lui assurer 59 voix. D’autre part, le hezb ne restera pas les bras croisés face aux nouvelles initiatives que Paris pourrait proposer, après son précédent soutien à Frangié, et son attention se porte sur la prochaine rencontre de Macron avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman.

Il convient de signaler que Français et Saoudiens savent que les appels répétés du Hezbollah au dialogue, lancés par ses députés dans leurs déclarations avant et après la séance, ne signifient pas une renonciation à la nomination de Frangié à court terme. Ce serait plutôt un plan pour gagner du temps à bon escient, ou pour pouvoir imposer son candidat, en réitérant l’expérience de Michel Aoun qui n’a été élu président de la République qu’au terme de plus de deux ans de vacance présidentielle. Il se pourrait également que pour le Hezb le dialogue ne soit qu’une manœuvre lui permettant d’attendre une entente quelconque qui lui offrirait l’opportunité d’obtenir un prix substantiel contre la garantie du quorum constitutionnel pour l’élection d’un troisième candidat consensuel.

Par conséquent, la précipitation de la visite au Liban de l’émissaire français et l’annonce de la prise en charge du dossier libanais par M. Le Drian sont tributaires de points de vue contradictoires sur les informations concernant la crise et les causes qui en empêchent la résolution. Cette dernière porte sur l’élection d’un président, en passant par la désignation d’un Premier ministre et la formation d’un gouvernement, et également la supervision d’une feuille de route pour la prochaine étape qui éliminera progressivement les obstacles.

Les développements futurs pourraient clarifier l’image, et les efforts français avec les parties influentes au niveau du dossier libanais pourraient aboutir à arrondir les angles et à s’entendre sur un troisième candidat qui satisferait le camp chrétien et ne contredirait pas l’agenda du Hezbollah ; gardant à l’esprit que ce dernier ne facilitera pas la tâche tant qu’il ne garantira pas la nomination d’un président qui ne le "poignardera pas dans le dos" !

Il incombe donc à Le Drian de trouver une solution qui satisfasse toutes les parties, afin de préserver l’équation " ni vainqueur ni vaincu ", ce qui signifie éviter les sujets qui fâchent mais qui doivent être traités pour placer le Liban sur la voie du salut.