«Teach a Child», une ONG qui mise sur les générations de demain

 
Créée en 2011, «Teach a Child» a financé la scolarité de plus de 4.000 enfants libanais dans le besoin. Depuis 2019, cette association lutte plus que jamais pour que l’éducation ne soit pas la grande oubliée de la crise économique.
«Cette année, j’obtiendrai ma licence de traduction en chinois. Je partirai ensuite en Chine, où je poursuivrai mes études. J’ai réussi à obtenir une bourse», déclare fièrement Diana, Beyrouthine de 21 ans.
La jeune fille, issue d’un milieu modeste, a pu décrocher son diplôme grâce à «Teach a Child », une association qui a financé sa scolarité ainsi que celles de son petit frère et de sa petite sœur. «Sans cette aide, j’aurais dû arrêter mes études ou travailler pour pouvoir les financer. Nous sommes une famille, comme tant d’autres, qui essaie de survivre dans un contexte économique difficile», abonde-t-elle.
Diana fait partie des 4.000 jeunes qui ont bénéficié de l’aide de «Teach a Child» depuis sa création en 2011. En plus des frais de scolarité, l’ONG couvre également les coûts de transport vers l’école, les uniformes et les fournitures d’enfants libanais dans le besoin, toutes régions et communautés confondues.
Cette structure est née dans le contexte de la guerre en Syrie. «Face à l’afflux de Syriens au Liban, les ONG ont orienté leurs subventions vers ces réfugiés», explique Zaina Souaid, trésorière de l’association. «Dans le même temps, des Libanais vivant dans des conditions terribles se sont retrouvés sans filet social.»
Selon la loi libanaise, chaque enfant dispose d’un droit d’accès gratuit à l’école élémentaire. Conformément à la loi du 16 mars 1998, «l’enseignement est gratuit et obligatoire en cycle primaire». En 2011, la loi a été amendée et l’enseignement est devenu obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans. «Cette règle ne s’applique malheureusement pas dans notre pays, car les écoles ne reçoivent aucune aide financière de l’État», déplore Sabah Outtayyek, responsable du bureau social au Collège des Apôtres de Jounieh, depuis 2015.
«Teach a Child» aspire à remédier à cette situation. «C’est un droit d’aller à l’école. Nous voulons simplement assurer ce droit», martèle Mme Souaid. «En temps de crise, les gens pensent en priorité aux soins de première nécessité. L’éducation se retrouve laissée pour compte alors que c’est ce qui va déterminer les générations à venir.» Elle prône une vision de long terme, persuadée que la scolarisation des enfants est une condition nécessaire au développement de la société.

Une augmentation de 10% par an
À ses débuts, l’association apolitique et aconfessionnelle soutenait une cinquantaine d’élèves à travers tout le Liban. Un chiffre qui a ensuite augmenté en moyenne de 10% par an. Durant l’année scolaire 2022-2023, ils étaient 930 enfants à être scolarisés dans 210 établissements sur l’ensemble du territoire.
Il y a un an, le Collège des Apôtres de Jounieh est entré en partenariat avec «Teach a Child». Dans cet établissement de près de 1.300 élèves, 500 perçoivent une aide financière. Sabah Outayyek a soumis l’année dernière 15 dossiers d’élèves à l’ONG. «Huit ont été acceptés, en majorité ceux d’élèves orphelins ou dont les parents sont malades», explique-t-elle à Ici Beyrouth.
«Teach a Child» met un point d’honneur à accompagner les jeunes bénéficiaires tout au long de leur scolarité. «La seule raison pour que l’on arrête de financer un élève est qu’il redouble plus d’une fois», précise Zaina Souaid. L’ONG accorde également une attention particulière aux jeunes filles car «dans les pays arabes, ces dernières font l’objet de discrimination en matière d’accès à l’éducation», argumente-t-elle. Elles représentent ainsi 58% des bénéficiaires de l’ONG.
Des besoins exacerbés par la crise
La crise économique et financière, couplée à la pandémie du Covid-19 a plongé de nombreuses familles dans la précarité, menaçant encore davantage la scolarisation de leurs enfants. Le nombre de demandes reçues par l’association a récemment «doublé, voire triplé», observe sa trésorière. «Avant la crise, nous aidions des familles défavorisées. Soudain, c’est toute une partie de la classe moyenne qui s’est retrouvée dans des conditions précaires.» Ce dont témoigne également Sabah Outayyek: «Certaines familles n’avaient jamais poussé la porte du bureau social avant 2019. Depuis la crise, elles ont besoin d’aide.»
L’association se voit aujourd’hui contrainte de sélectionner les dossiers qu’elle reçoit. «C’est terrible, mais tout est réduit à une question de budget», déplore Zaina Souaid. Depuis 2019, elle observe une hausse générale des frais de scolarité au Liban. De 400 dollars par enfant et par an, elle estime que le budget moyen passera l’année prochaine à 550 dollars. Pour plusieurs raisons. D’une part, parce que face à l’inflation, les établissements libanais tels que le Collège des Apôtres de Jounieh sont contraints d’augmenter leurs frais pour augmenter les salaires de leur personnel. D’autre part, parce que «Teach a Child » vient de plus en plus en aide à des écoliers du privé ou du semi-privé, puisque les enseignants des écoles publiques sont régulièrement en grève en raison de la crise. Ainsi, durant l’année 2022-2023, 39% des bénéficiaires de l’ONG fréquentaient des établissements privés, contre seulement 25% l’année précédente. Même si le prix de la scolarité y est supérieur comparé au public, ces écoles sont moins touchées par la crise, ce qui assure une meilleure continuité dans la scolarité des élèves.
Dans ce contexte, «Teach a Child» espère sensibiliser la population libanaise et la diaspora au rôle crucial de l’éducation, afin de collecter les fonds nécessaires pour répondre aux besoins de l’année scolaire à venir. Le budget prévisionnel 2023-2024 s’élève à 600.000 dollars, soit près du double du budget de l’année dernière. «Si on ne parvient pas à récolter des fonds supplémentaires, il y a un risque qu’on accepte moins de nouveaux enfants, car notre priorité est d’assurer la scolarité de ceux qu’on a déjà en charge», s’inquiète Zaina Souaid. L’association organisera le 18 juillet un dîner de gala à Beyrouth pour tenter d’assurer un tel budget.
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