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Le représentant présidentiel français, Jean Yves Le Drian, en charge du dossier libanais, s’est vu confier une mission quasi impossible ! Dans un contexte de blocage présidentiel qui dure depuis plus de neuf mois, il a pour objectif ultime de redonner un souffle à l’initiative française, qualifiée de " morte "par maints observateurs.

Première étape : des consultations avec les différents responsables politiques qui ont eu lieu le 21 juin dernier. Seconde étape : la réunion de Doha du 17 juillet dernier entre les pays du "groupe des cinq" chargés du dossier libanais (France, États-Unis, Arabie Saoudite, Qatar et Égypte). Dernière étape: la récente visite effectuée durant la dernière semaine de juillet, au cours de laquelle il a proposé l’organisation de concertations en septembre prochain pour paver la voie à l’élection du président de la République.

Au terme de la dernière réunion du groupe des 5, certaines parties, notamment Riyad et Doha, se sont montrées réticentes au sujet de la proposition de dialogue sous égide internationale. Néanmoins, M. Le Drian a insisté sur la nécessité de tenir des pourparlers entre les Libanais et il a présenté une proposition en ce sens lors de sa dernière visite.

Selon des informations obtenues auprès d’une source française bien informée par Randa Takieddine, correspondante du quotidien Annahar à Paris, "Jean-Yves Le Drian est prêt à organiser un dialogue après avoir écouté toutes les forces politiques au Liban". Randa Takieddine indique dans ce cadre que "Le Drian a présenté certaines de ses idées aux membres de la cellule chargée du dossier libanais à l’Élysée, mais la question n’est pas encore tranchée". Et d’indiquer que M. Le Drian "s’est rendu en Arabie Saoudite pour consulter le responsable du dossier libanais, le conseiller Nizar Al-Aloula, et a sollicité son aide", sans enregistrer un réel succès en apparence.

La formule de dialogue proposée par Le Drian suscite l’inquiétude de plusieurs analystes politiques. Bien que l’initiative soit destinée à aborder le dossier présidentiel exclusivement, de nombreux observateurs craignent que la position française ne favorise avant tout les intérêts du Hezbollah. En effet, la France avait déjà proposé un "marché" au début du blocage, prévoyant l’accession de Sleiman Frangie, candidat du tandem chiite, à la présidence de la République, et du juriste indépendant Nawaf Salam à la présidence du Conseil.

Cependant, toujours selon Mme Takieddine, "il est devenu clair (pour la source française précitée) que Sleiman Frangié ne bénéficie pas des voix nécessaires pour devenir président, à l’instar de tout autre candidat", présageant un possible changement de cap. Et d’ajouter que "le Hezbollah devrait considérer d’autres options afin de débloquer la situation". Reste à savoir ce qui, concrètement, changera dans la politique française au Liban, si changement il y a…

La prise de position arabe est susceptible d’entraver le bon déroulement de la conférence de dialogue française, d’autant que les Forces Libanaises et le CPL s’y sont opposés et que la composante sunnite pourrait en faire de même.

Une seconde option de dialogue, bien que beaucoup moins probable, est actuellement sur la table. Elle engloberait non seulement le dossier présidentiel, mais également des réformes constitutionnelles visant à restructurer l’exercice du pouvoir dans son ensemble. Néanmoins, cela suscite de nombreuses appréhensions (de la part des pays arabes qui se sont exprimés lors de la réunion de Doha) quant à la mise en œuvre de cette approche. Ce dialogue, s’il est mal géré, pourrait aboutir à une situation similaire à la conférence de Doha de 2008 qui a laissé de nombreuses séquelles sur la scène politique libanaise.

Cette conférence a souvent été critiquée. Et pour cause: aux dépens de la majorité parlementaire, les accords de Doha ont consacré le principe du tiers de blocage, entraînant des difficultés persistantes à parvenir à un consensus dans l’exercice du pouvoir. Sans compter le renforcement des factions politiques au détriment de l’État, la perpétuation du clientélisme, la fragilisation du pouvoir étatique, le déclenchement d’une crise socio-économique sans précédent et la perte de la confiance populaire.

Aujourd’hui, une réalité s’impose : fort de ses armes illégales, le Hezbollah se conforme aux directives du "walih el-faqih". C’est ainsi qu’il a pu tirer profit de la conférence de Doha de 2008. En effet, cette dernière a renforcé son influence politique au détriment de l’unité nationale et des fondements mêmes de la démocratie. Surtout qu’il s’approprie avec son partenaire chiite (le mouvement Amal de Nabih Berry) le ministère des Finances (la 4e signature de l’exécutif) refusant toute rotation ministérielle (comme stipulée dans les accords de Taëf). Cette pratique a alors conduit à une marginalisation de la voix du peuple. En persistant sur cette voie, le Hezbollah porte une lourde responsabilité dans la grave crise politique et économique actuelle, mettant en péril la souveraineté nationale et l’avenir de tout un peuple.

En conclusion, face à l’impasse politique, deux formules de dialogue sont actuellement envisagées, l’une étant plus probable que l’autre. L’objectif principal est de débloquer le dossier de l’élection présidentielle. Aucun des deux camps ne semble prêt à faire des concessions au stade actuel. La mission de Jean-Yves Le Drian reste de faire avancer l’initiative française, mais les défis sont nombreux et la mission quasi-impossible. Une des dernières cartes de Paris (un dialogue inter-Libanais) semble ainsi s’éloigner, que ce soit au niveau arabe ou au plan local.

En tout état de cause, le plus important demeure de ne pas répéter l’erreur de Doha 2008 qui verrait l’emprise du Hezbollah se renforcer davantage.