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Le conseiller en énergie du président américain Joe Biden, Amos Hochstein, est arrivé à Beyrouth mercredi, 30 août, en amont de la mission de l’envoyé spécial du président français, Jean-Yves Le Drian, prévue le 17 septembre.

L’ambassadrice américaine au Liban, Dorothy Shea, aurait informé un responsable que l’administration américaine a dépêché M. Hochstein pour une mission "sensible et délicate" concernant les 13 points litigieux le long de la frontière terrestre entre le Liban et Israël. Il devrait également clôturer ce dossier, comme il a déjà réussi à conclure l’accord maritime entre le Liban et Israël avec l’approbation du Hezbollah.

Selon certaines sources bien informées, M. Hochstein cherche à "résoudre la question des frontières au sud Liban de manière définitive après avoir surmonté les points litigieux, dont 7 sur 13 ont déjà été réglés grâce à l’intervention du commandement de la Finul".

M. Hochstein planche sur la finalisation du dossier des frontières, notamment à la lumière des propos d’un ancien responsable onusien selon lesquels, "aucun État ne peut exister sans des frontières délimitées et reconnues au niveau international". "Les frontières libanaises ne sont ni délimitées ni définitives, en particulier au nord-est, avec la Syrie", avait relevé le responsable onusien.

Un ancien ministre rappelle également qu’il existe un différend frontalier maritime entre le Liban et la Syrie concernant la zone économique exclusive. Le Liban n’a pas contesté les cartes présentées par la Syrie aux Nations Unies concernant les frontières de la zone économique exclusive au nord, sachant que la Syrie avait empiété sur des parties des blocs 1 et 2 appartenant au Liban, sans que les autorités libanaises ne réagissent ou ne signifient leur opposition aux cartes syriennes auprès de l’instance onusienne.

La mission de M. Hochstein coïncide avec des informations onusiennes récurrentes dans les coulisses des Nations Unies, selon lesquelles "la question des frontières libanaises sera sérieusement abordée en marge du renouvellement du mandat de la Finul, ainsi qu’avec le début des opérations de forage et d’exploration du gaz dans le bloc 9, au sud, suite à la signature de l’accord maritime entre le Liban et Israël, axé sur le maintien de la stabilité dans la région, qui fait partie de la zone pétrolière et gazière s’étendant de l’Égypte à la Grèce et bénéficiant d’une stabilité internationale.

Une feuille de route

Par ailleurs, en l’absence d’informations précises sur le dossier des frontières, plusieurs scénarios sont en cours de discussion, indiquent des sources bien informées.

La question qui se pose est de savoir si la mission de M. Hochstein prévaudra sur celle de M. Le Drian, ou si elles s’intégreront dans un plan de sauvetage pour le Liban, sur base d’une feuille de route en cours de préparation par les États membres du groupe des cinq (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte, et Qatar). Selon un ancien ministre bien informé, le futur président de la République se chargera de sa mise en œuvre, et à cet égard, la personnalité du président n’aura aucune importance.

Aucun diplomate n’ignore la complexité de la situation dans le pays, la surenchère à laquelle se livrent certaines parties locales, leurs revendications ainsi que leurs exigences. Autant de facteurs qui pourraient aggraver la situation et entraver la mission des deux émissaires, en l’absence d’un accord local et régional.

La troisième visite de Le Drian

Selon des milieux bien informés, dans l’attente du résultat de la nouvelle mission de M. Hochstein, les projecteurs restent braqués sur la mission de M. Le Drian et les "surprises" qu’elle réservera.  Et ces mêmes sources d’ajouter que le scénario de sa troisième visite est désormais clair. Le Drian arrivera le 17 septembre et rencontrera le chef du législatif Nabih Berri avant de tenir une série de réunions à la Résidence des Pins avec les forces politiques pour discuter de leurs réponses, positions, et la manière dont elles envisagent la sortie de crise. Il élaborera un document de travail et une feuille de route, et posera les jalons de la prochaine étape après la fin de ses réunions bilatérales, en fonction des réponses obtenues.

Il faut noter que l’opposition l’avait informé de son refus de participer à toute séance de dialogue avant l’élection du président, soulignant la nécessité de tenir, après les discussions bilatérales avec Le Drian, des séances parlementaires successives pour l’élection du président. Cette approche, souligne l’opposition, est d’autant plus souhaitable que le camp souverainiste a son candidat, Jihad Azour, et que le duopole chiite Amal/Hezbollah, a le sien, Sleiman Frangié. Soit l’un des deux sera élu, soit un troisième candidat, fruit d’un consensus, parviendra à se frayer un chemin vers le palais de Baabda.

Le Hezbollah, de son côté, devrait accélérer la "maturation d’un accord" avec le chef du Courant Patriotique Libre, Gebran Bassil, dans la période précédant l’arrivée de Le Drian, en annonçant une entente entre eux qui renforcerait les chances de Frangié d’accéder la présidence de la République, dans le cadre d’un accord politique qui permettrait au chef du CPL d’obtenir des acquis octroyés par le nouveau mandat.

Dans ce cas de figure, si M. Bassil venait à soutenir M. Frangié, cela pourrait amener les députés du bloc du Parti Socialiste Progressiste à le soutenir aussi du fait que le chef des Marada aura obtenu un soutien chrétien du CPL.

Toutes les possibilités sont donc envisageables, à l’aune des pressions exercées par la communauté internationale pour élire rapidement un président dans les prochaines semaines, comme le révèlent des milieux parlementaires bien informés. La vacance présidentielle ne saurait se prolonger davantage du fait de l’état dans lequel se trouve le pays, sur les plans politique, économique, financier, social.

Un ancien ministre affirme que les missions de Hochstein et Le Drian sont cruciales. La question reste de savoir si elles paveront la voie à un accord régional ou un règlement global, ou si elles entraveront le processus de sortie de crise, entrainant la région vers davantage de tensions et de confrontations.