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L’aéroport de Beyrouth, situé au cœur de la zone de non-droit du Hezbollah, présente un double danger en raison des défaillances d’ordre technique et aux comportements miliciens à l’intérieur comme dans les environs immédiats du complexe. Un nouvel aéroport s’avère être aujourd’hui une urgence vitale avant que le pays n’atteigne l’asphyxie et l’isolement total.

Le dernier rapport de la chaîne de télévision Al-Hadath (Arabiya) concernant l’aéroport international de Beyrouth est troublant. Cependant, bien que ses conclusions soient alarmantes – à juste titre – elles ne sont pas surprenantes. La mainmise du Hezbollah sur cet aéroport, comme sur tous les autres organes et institutions de l’État libanais, n’est plus désormais qu’un secret de polichinelle. Les cadres de la milice pro-iranienne dirigent toutes les opérations, des plus routinières aux plus mafieuses.

Du port à l’aéroport

Cet aéroport, surtout depuis la mise hors service de celui de Damas, est devenu la principale porte d’entrée des armes et des munitions du "parti d’Allah". Mais il est bien plus que cela. Il sert au trafic de stupéfiants et permet aux amis du tandem Amal-Hezbollah de faire passer toute sorte de marchandise en échappant aux droits de douane. Ce que le port de Beyrouth assurait jusqu’à l’explosion du 4 août 2020, est aujourd’hui du ressort de l’aéroport, avec tous les risques meurtriers que cela implique.

Des voix se sont élevées récemment avec l’appel du Front souverainiste à dénoncer les irrégularités et les pratiques scandaleuses. La déclaration du Front a fait suite au dépôt par ses membres d’une note d’information auprès du Parquet militaire de Beyrouth, portant sur la question de la surveillance de la contrebande d’armes et de munitions pratiquée par la milice. Cette note, déposée le 31 août 2023, porte le numéro 15905/2023, comme l’a souligné l’avocat Élie Mahfoud, chef du Mouvement du changement et membre du Front, qui appelle à une mobilisation générale des députés souverainistes.

Le déclassement

Selon le journaliste Tony Boulos, signataire de la note d’information du Front, tous les candidats à l’emploi ayant réussi l’examen d’entrée pour rejoindre les équipes de l’aéroport de Beyrouth étaient issus de la même confession que celle du tandem Amal-Hezbollah. Cependant, il précise aussitôt que certains n’ont pas été embauchés car des candidats moins qualifiés, mais relevant directement du milieu affilié au tandem, leur ont été préférés. Nous assistons, impuissants, à la détérioration cette institution aéroportuaire sur les plans de l’hygiène, de l’accueil, des tarifs exorbitants, des services et même de la sécurité.

Vue aérienne du tarmac de la base militaire de Hamat. (photo google maps)

Parasite létal

Après avoir joui d’une excellente réputation tant sur le plan régional qu’international au milieu du XX° siècle, l’aéroport de Beyrouth est aujourd’hui en pleine dégradation à tous les points de vue. Conformément à sa nature de parasite létal, le Hezbollah l’exploite sans vergogne, de la même manière qu’il le fait avec d’autres institutions. Après avoir anéanti le secteur bancaire, artère vitale du pays, il s’attaque désormais ouvertement à la culture et aux libertés, isolant le Liban de la communauté internationale. Cependant, rien n’isolera le pays aussi visiblement et concrètement que les pratiques et le comportement du Hezbollah à l’aéroport de Beyrouth, car cette attitude milicienne, faisant fi de tout professionnalisme, va incontestablement priver l’aéroport de son caractère international.

Le dernier classement de l’aéroport Rafic Hariri par l’Organisation internationale de l’aviation civile et par l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA), l’a positionné "en dessous de l’acceptable". Il a obtenu la note globale de 58.5 alors que la moyenne mondiale est de 69.8. Ce qui signifie qu’il a déjà échoué selon les normes internationales, et que les conséquences ne sauraient se faire attendre. Il risque une marque rouge, comme cela s’est produit pour le Bhoutan et la République démocratique du Congo. Et même si, comme le déclare le directeur général de l’aviation civile libanaise, Fadi al-Hassan, un vrai plan d’ajustement et de redressement est mis en place, cela ne pourra en aucun cas remédier aux dangers extérieurs.

L’isolement du Liban

Aucune compagnie aérienne ne s’aventurera dans ces conditions. Il est difficile d’imaginer le contraire, entre les problèmes d’éclairage des pistes et les tirs en l’air dans les environs du tarmac. Lorsque les responsables concernés déclarent qu’il n’y a pas de risque de fermeture de l’aéroport Rafic Hariri, ils disent vrai. Car celui-ci continuera de fonctionner, mais de manière bien différente. Très vite, le Liban risquerait de n’être desservi que par la compagnie nationale et probablement l’iranienne, conférant à son aéroport un caractère national ou, au meilleur des cas, régional, suspendant ses liens vitaux avec sa diaspora et le monde.

Avant d’échoir à cette condition d’isolement extrême, il s’avère urgent de mettre en place un second aéroport digne de la confiance de la communauté internationale. L’aérodrome de la base militaire de Hamat semble pouvoir se prêter à cette solution. Sa position médiane lui permet de desservir équitablement les deux agglomérations du Grand Beyrouth et de Tripoli-Akkar, en attendant une éventuelle troisième option à Qoleïat. Car rien n’empêche que l’aéroport René Moawad, qui a accueilli un Boeing 707 en 1989, soit remis en fonction pour desservir le nord du pays et permettre la relance de son économie. Les coûts estimés pour la réhabilitation de ce complexe s’élèvent à 90 millions de dollars, une somme insignifiante en comparaison avec les profits qui en seraient tirés pour la région du Nord.

L’aéroport de Hamat est aujourd’hui une urgence et une nécessité vitale afin d’éviter l’asphyxie du pays. Nombre de Libanais et d’étrangers ainsi que des investisseurs, dont le pays a si cruellement besoin, déclarent ne plus reconnaître certaines zones du Liban truffées de portraits iraniens et de slogans de la révolution islamique. Raviver leur intérêt à nouveau dans leur pays et restaurer leur sentiment de sécurité nécessiteraient de mettre en place une porte d’entrée directe et saine, qui ne déboucherait pas sur des zones de non-droit.