La Charte de salut national, plateforme qui rassemble diverses composantes de forces révolutionnaires du 17 Octobre, a adressé dimanche un appel à la solidarité et la coordination de toutes les forces du changement dans la perspective des prochaines échéances électorales, notamment législatives, en pointant du doigt aussi bien que les conditions objectives requises pour que le scrutin soit démocratique ne sont pas réalisées, mais que ce dernier, étape incontournable pour le changement, doit toutefois avoir lieu dans ses délais constitutionnels.

Voici le texte complet du communiqué : 

“À cet instant crucial de l’histoire du pays, aucun salut n’est possible pour le Liban autrement que par la refonte du pouvoir politique et la chute de l’establishment mafio-milicien qui a semé la corruption dans le pays et l’a pillé durant des années, le plongeant dans l’effondrement économique et financier global, ainsi qu’une paupérisation inédite.

La date prévue pour les prochaines élections est en mai. Il s’agit des premières législatives après la révolution populaire dont le Liban a été témoin en 2019 et de la contre-révolution menée par le pouvoir pour empêcher toute réforme et tout changement. Ce scrutin aura lieu aussi après l’explosion du port en 2020 et les tentatives répétées des forces du pouvoir d’assiéger la justice pour l’empêcher de faire la lumière et de déterminer les responsabilités sur la catastrophe qui a visé la capitale et un grand nombre de ses habitants.

Si les élections qui viennent, législatives, municipales et présidentielle, constituent une opportunité pour élever de nouveau la voix et sanctionner la classe politique sectaire au pouvoir pour son incapacité et sa criminalité continue, elles représentent également une occasion de réitérer plus que jamais notre attachement à un changement global et l’édification d’un État civil démocratique, au sein duquel règneraient la règle de droit, les valeurs d’égalité, de liberté et de justice sociale, ainsi que l’État souverain et indépendant, à même d’étendre sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire et de monopoliser la violence légitime à travers ses forces sécuritaires et militaires, chargées de protéger ses frontières et d’assurer la sûreté de son peuple et les droits de ses citoyens.

Nous sommes conscients que les conditions requises pour des élections législatives vraiment intègres et justes ne sont pas assurées aujourd’hui pour différentes raisons, notamment les dix suivantes:

Ces élections auront lieu sur base d’une loi taillée à la mesure de l’establishment au pouvoir, qui a divisé les circonscriptions en fonction de ses intérêts et déterminé la manière avec laquelle le vote préférentiel devait opérer.
Le cabinet qui supervisera les élections est formé d’un président et de ministres qui ne représentent que les forces de l’establishment.
La liberté de se porter candidat aux élections n’est pas assurée dans plusieurs de régions, en raison de la propagation des armes et de l’incapacité de l’État à en monopoliser l’usage par le biais de ses forces militaires et sécuritaires.
Une large fraction des citoyennes et des citoyens qui sont l’avenir et l’espoir du Liban, les jeunes entre 18 et 21 ans, sont toujours tenus à l’écart du processus électoral.
Le fait de ne pas prendre en compte le quota féminin limite la représentation équitable des femmes.
La non-autorisation de vote au lieu de domiciliation ou de travail, même pour les candidats de la circonscription dont l’électeur est originaire, consolide le clientélisme politique et pèse sur la liberté de l’électeur, sans compter la possibilité pour les forces de l’establishment d’exploiter le besoin de transport vers des régions lointaines à l’ombre des conditions de vie actuelles.
Les expériences précédentes rendent légitimes les craintes d’une exploitation de certaines des administrations de l’État, et de ce qui reste des deniers publics, au profit des candidats du pouvoir.
L’égalité dans la concurrence présuppose des conditions qui ne sont pas disponibles, que ce soit du point de vue du contrôle des dépenses financières pour les campagnes électorales ou de la transparence de ce processus.
Cette égalité présuppose aussi des conditions qui ne sont pas disponibles dans l’accès équitable aux médias, que ce soit au niveau des listes ou des individus.
Le conflit entre les membres de l’establishment sur le droit des Libanaises et des Libanais de l’étranger à choisir leurs représentants sur base de leurs circonscriptions nationales prouve clairement leur volonté d’influer sur le résultat des élections.

Si notre responsabilité nationale requiert de notre part de rappeler d’abord ces failles pour prouver que la légitimité de ses élections est manquée à la base, il nous faut également annoncer ce qui suit:

Nous rejetons tout report des élections sous quelque prétexte que ce soit. Les échéances constitutionnelles doivent avoir lieu dans leurs délais et ne pas être reportées en fonction des calculs des gens du pouvoir, de leurs ententes ou de leurs conflits.
La concurrence électorale, entre autres aspects de l’action démocratique, est un droit qui ne saurait être sujet à la moindre concession. Si ces conditions ne sont pas équitables, les prochaines législatives restent une étape de la confrontation avec le pouvoir, comme l’étaient les manifestations, sit-in et dynamiques vitales sociales et culturelles, ainsi que les élections estudiantines, syndicales et par secteurs professionnels, et toutes autres formes de lutte contre le pouvoir, sa corruption, et son échec à gérer le pays et à en stopper l’effondrement.
C’est pourquoi nous appelons à soutenir des candidates et des candidats déterminés à mener les élections pour faire face au style, à la culture et aux pratiques du pouvoir, ainsi qu’à ses listes, même à l’ombre de la loi et du gouvernement de l’establishment. Nous appelons ces candidats à mettre en place entre eux la plus vaste coordination politique et électorale afin d’assurer les meilleurs conditions de confrontation et de réaliser les meilleurs résultats possibles dans les circonstances actuelles.
Nous voulons enfin et surtout souligner que la confrontation des forces du pouvoir et l’action collective pour le salut du Liban ne s’arrêtent pas avec les élections. Au contraire, le besoin de faire face aux forces du pouvoir augmentera à l’avenir et requiert un éventail encore plus vaste de forces populaires pour reconstruire notre pays, en réformer le système politique, relancer son économie et établir la règle de droit, l’égalité et la justice sociale sur l’ensemble de son territoire. “