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La violence domestique aurait significativement augmenté au Liban durant ces quatre dernières années. Bien qu’il n’existe pas de données officielles à cet égard, les chiffres sans précédent rapportés par les ONG interviennent à un moment où le Liban croule sous une crise économique grave qui a plongé la majorité de sa population dans la pauvreté.

Une chose est pourtant sûre: Un nombre croissant de femmes déclarent être victimes de violence domestique.

Dans un rapport récent publié sur base des chiffres des Forces de sécurité intérieure (FSI), la Commission nationale de la femme libanaise fait état, pour le seul mois d’août, de 75 cas de violence physique, de deux cas de violence sexuelle et de neuf cas de violence psychologique, enregistrés suite à des appels effectués au 1745, la ligne d’assistance des FSI. Les auteurs de ces actes sont essentiellement les époux des victimes (44 cas), suivis des pères (20 cas), des frères et sœurs (13 cas) et de la mère (un cas). Huit cas ont été attribués à d’"autres" personnes.

Inaya Ezzeddine, présidente de la commission parlementaire de la Femme et de l’Enfant, estime que "les cas de violence sont en nette augmentation en raison de la pression croissante que les femmes subissent dans le contexte difficile actuel".

Dans un entretien accordé à This is Beirut, Mme Ezzeddine rappelle que la loi 204 sur la violence domestique, promulguée en 2020, avait été amendée de sorte à renforcer le système de protection et durcir les peines. "Mais les amendements introduits restent insuffisants, comme c’est le cas pour toutes les lois relatives aux femmes", a-t-elle ajouté.

Mme Ezzeddine a souligné dans ce cadre la nécessité que les victimes de violence domestique signalent les cas aux autorités judiciaires et sécuritaires compétentes, pour une meilleure application de la loi. Le soutien social, médiatique et religieux est également important. Elle a, à cet égard, mis l’accent sur le rôle des autorités religieuses qui doivent encourager les familles à régler leurs conflits par le biais du dialogue.

"Ce ne sont pas uniquement les lois qui font défaut, mais leur mise en œuvre", constate Ezzeddine, pointant du doigt la lenteur des procédures judiciaires. De ce fait, les cas de violence continuent d’augmenter, avant que des mesures dissuasives ne soient prises.

De son côté, Mark Daou, député, a fait remarquer qu’"à chaque fois qu’une crise sociale, économique ou financière sévit dans un pays, ce sont toujours les plus vulnérables, en l’occurrence les enfants et les femmes, qui sont victimes d’abus". D’où la nécessité, selon lui, d’appliquer "fermement" la loi pour arrêter les responsables. Il a, à cet égard, dénoncé les jugements rendus dans certains cas de violence domestique, qui "n’ont pas été assez sévères à l’encontre de maris ayant planifié de tuer leurs épouses ou ayant commis des meurtres et des agressions".

Le parlementaire a également dénoncé les ingérences politiques et religieuses dans les affaires de violence domestique. "Les concepts religieux sont souvent mal interprétés, ce qui se traduit par une protection insuffisante des femmes", a-t-il dit à This is Beirut. Selon lui, une meilleure interprétation de ces concepts est nécessaire pour mieux protéger les femmes.

Leila Hamdan, responsable du programme d’intervention à l’ONG Abaad, a quant à elle fait état de 1.538 cas de violence signalés à l’ONG en 2022, contre 1.624 en 2021 et 1.313 cas en 2020. Le nombre de cas enregistrés jusqu’en septembre 2023 s’élève à 495. Au total, 4.972 cas de violence ont été signalés à  Abaad durant ces quatre dernières années.

Mme Hamdan s’est en outre félicitée du fait que les femmes soient plus nombreuses à signaler les cas de violence, même si, dans certains milieux, les femmes victimes de violence domestique sont souvent sommées de garder le silence et de "banaliser" les abus "pour éviter les scandales".

Selon une source judiciaire, "le problème ne réside pas dans la loi, mais plutôt dans les individus". "Tout dépend du courage dont une femme peut faire preuve", indique-t-on à This is Beirut dans les mêmes milieux. "Les juges qui appliquent la loi sont diligents, poursuit-on. Mais la peur que ressentent les femmes victimes de violence l’emporte sur les ingérences politiques et religieuses, d’autant qu’elles craignent leurs agresseurs, qui sont souvent très violents. C’est la raison pour laquelle elles finissent par céder."