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Deux éléments majeurs ont permis au Hamas de mener à bien son offensive contre Israël: une fête religieuse juive (la Simha Torah) et une négligence du gouvernement israélien qui n’aurait pas tenu compte de mises en garde contre d’éventuelles attaques contre le pays.

Depuis que le Hamas a lancé son offensive sur le territoire israélien, samedi, à partir de Gaza, les services de renseignement israéliens sont pointés du doigt. Longtemps considérés parmi les meilleurs du monde, ils sont accusés d’être responsables de l’écroulement du mythe autour du système sécuritaire israélien, n’ayant pas pu anticiper l’attaque du groupe palestinien.

"Rien de plus faux", martèle le directeur français de l’école de guerre économique, Christian Harbulot, interrogé par Ici Beyrouth. "Le gouvernement israélien et le chef d’état-major de l’armée israélienne ont bel et bien été avertis d’une éventuelle attaque, et ce, à plusieurs reprises", indique-t-il.

Nous sommes à la fin du mois de juillet lorsque l’ancien chef de l’armée de l’air, Eitan Ben Eliyahu, met en garde contre "une catastrophe", à un moment où les réservistes israéliens se mettent en grève et refusent de servir en raison de la controverse suscitée par le plan de réforme de la justice du gouvernement de Benjamin Netanyahu.

Le système de renseignement est alors perturbé. Cette "catastrophe" dont a fait mention le général Ben Eliyahu se produit le samedi 7 octobre. "Ce qui s’est passé ici est impardonnable", a déclaré ce dernier dimanche, avant de s’insurger: "Comment avons-nous pu être aussi surpris [par l’assaut]?"

Dans le même ordre d’idées, à la fin du mois d’août, un ancien conseiller dans le contre-terrorisme auprès de deux anciens Premiers ministres israéliens, Yitzhak Shamir et Yitzhak Rabin, publie un rapport dans lequel il avertit contre une guerre menée par le Hamas ou le Hezbollah contre Israël, en spécifiant la date. "Récemment, de plus en plus d’indications vont dans le sens d’une guerre contre Israël et qui pourrait éclater en septembre ou octobre 2023. Le déclencheur serait une série d’affrontements violents faisant de nombreuses victimes, ou l’utilisation de nouvelles armes entraînant de nombreuses victimes du côté israélien, sans qu’Israël ne puisse les éviter avec la prise des mesures antiterroristes habituelles", a-t-il averti.

Les services de renseignement et, plus particulièrement l’Aman (direction du renseignement militaire israélien) auraient aussi, de leur côté, adressé des notes au gouvernement israélien, pour le prévenir d’une opération en cours de préparation.

A toutes ces mises en garde, le gouvernement israélien et le chef d’état-major de l’armée, le général Herzi Halevi, "ont fait la sourde oreille", explique M. Harbulot. Les accusations menées à l’encontre du système sécuritaire israélien tombent ainsi à l’eau.

L’échec de l’analyse des événements par les responsables israéliens est, de surcroît, un élément à retenir pour comprendre l’effet de surprise causé par l’offensive du 7 octobre.

Les incidents des mois derniers à la frontière libanaise entre le Hezbollah et les Israéliens ne sont pas anodins non plus. On relève dans ce contexte, l’installation de tentes  dans la région contestée des hameaux de Chebaa, le démantèlement des caméras de surveillance le long de la barrière frontalière près de la porte de Fatima, le tir d’un missile antichar sur Israël, le forcing mené pour restreindre la liberté d’action de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) dans sa zone d’opération au Liban-sud.

Les dirigeants israéliens ont, par ailleurs, minimisé l’importance de la tenue des réunions qu’ont tenues à Beyrouth, le ministère iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, le chef du Jihad islamique palestinien Ziad Nakhalé et le chef du bureau politique du mouvement islamique palestinien Hamas, Saleh el-Arouri. Ils ont également ignoré celles du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avec Ziad Nakhalé et Saleh el-Arouri, pour évaluer la situation en Cisjordanie et les menaces israéliennes ". Au cours de leur entretien, les trois ont souligné la nécessité d’une bonne coordination entre les " mouvements de résistance " en Palestine et au Liban.

Autre faux pas des responsables israéliens : n’avoir pas pris en considération l’ampleur des propos du chef du bureau politique du Hamas qui, dans un entretien accordé en août, à la chaîne al-Mayadeen, a menacé d’intensifier la confrontation avec Israël, évoquant une guerre contre l’Etat hébreu.

Le facteur religieux

M. Harbulot critique par ailleurs "le système selon lequel il est procédé à un arrêt de travail général le jour de fêtes religieuses".

On rappelle que l’offensive du Hamas a eu lieu un samedi, alors que les personnes de confession juives sont en plein Shabbat. Ce jour-là, le pays célébrait également une fête juive, la Simha Torah. D’après le directeur de l’école de guerre économique, ce jour férié "aurait facilité la mobilisation du Hamas". Et, de signaler qu’une "faille similaire a déjà failli provoquer de très graves problèmes dans le passé".

L’attaque du 7 octobre survient au lendemain de la commémoration de la guerre-surprise qui avait eu lieu le jour de la fête de Yom Kippour, il y a 50 ans. Ayant estimé improbable l’option d’une guerre déclenchée par les pays arabes, en dépit des avertissements reçus, Israël avait été pris de court à l’époque et avait rappelé ses soldats "en congé" pour fêter le jour du Yom Kippour.