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La guerre en cours à Gaza entre le Hamas et Israël, et la crainte de l’implication du Liban dans un conflit généralisé pourraient-elles accélérer les efforts visant à éviter une vacance à la tête de l’armée, qui résulterait du départ à la retraite le 10 janvier prochain du commandant en chef de la troupe, le général Joseph Aoun?

À en croire plusieurs sources concordantes, les responsables libanais ont "mis les moteurs en marche" pour prévenir une telle situation, dans le climat de danger militaire actuel. La question est d’autant plus pressante que le poste de chef d’état-major de l’armée, censé assurer l’intérim en cas de vacance à la tête de l’institution militaire, est lui-même vacant depuis décembre dernier.

Ce dossier fait peut-être partie des problèmes évoqués lundi lors de l’entretien que le général Joseph Aoun a eu avec le président du Parlement, Nabih Berry, ainsi que durant les rencontres du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, avec le Premier ministre sortant, Najib Mikati, et l’ancien chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt.

Trois options

Trois options principales sont actuellement examinées. La première consiste à proroger le mandat du général Joseph Aoun. La seconde vise à retarder son départ à la retraite, ainsi que celui de nombreux haut-gradés au sein de l’armée. La troisième, enfin, porte sur la nomination d’un nouveau chef d’état-major.

Les deux premières solutions se heurtent au refus du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui ne perd pas une occasion pour attaquer le général Joseph Aoun, considéré par de nombreuses parties comme le candidat consensuel par excellence à la présidence de la République. Le fait que le ministre de la Défense, Maurice Slim, soit un proche du CPL et de Gebran Bassil, ne facilite pas ces solutions.

Il convient de rappeler que le mandat d’un ancien commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwaji, avait été prorogé par l’ancien ministre de la Défense Samir Mokbel, sous le gouvernement de Tamam Salam, qui avait géré le Liban en période de vacance présidentielle (2014-2016).

Le chef d’état-major

La troisième option, la nomination d’un nouveau chef d’état-major, butte également sur le refus de MM. Slim et Bassil, qui mettent en avant le fait que le gouvernement d’expédition des affaires courantes ne peut pas, en cas de vacance présidentielle, procéder à des nominations, notamment au sein du conseil militaire (organe qui prend les décisions au sein de l’armée). On rappelle que parallèlement au poste de chef d’état-major (druze), les postes d’inspecteur général (grec-orthodoxe) et de directeur général de l’administration (chiite) au sein du conseil militaire, sont également vacants.

Dans ce contexte, M. Bassil a récemment accusé le général Joseph Aoun de préparer un "coup d’État militaire" en essayant de nommer des membres du conseil militaire sans passer par le ministre Slim.

Des sources proches du bloc parlementaire du CPL rappellent dans ce cadre qu’en cas de vacance à la tête de l’armée, et en l’absence d’un chef d’état-major, c’est l’officier le plus haut gradé qui assure l’intérim. Cette option n’est pas pour déplaire au CPL, puisque l’officier en question serait Pierre Saab (grec-catholique), proche du courant aouniste. Toutefois, cette option est rejetée par de nombreuses parties politiques. Le général Joseph Aoun lui-même a souligné en juin dernier que seul le chef d’état-major peut assurer l’intérim après le départ du commandant de l’armée.

Joumblatt

Dans ce contexte, l’ancien député Walid Joumblatt a lancé dimanche un cri d’alarme à cet égard. Il s’est ainsi demandé sur la plate-forme X: "Alors que le pays est dans un quasi-état de guerre, est-il raisonnable que certaines forces politiques et personnalités boycottent le Conseil des ministres visant à prolonger le mandat de l’actuel commandant en chef de l’armée et à désigner un chef d’état-major?" Et de marteler: "Assez de calculs présidentiels rétrogrades. Soyons un front d’action uni pour affronter les pires possibilités."

Il convient de rappeler que le poste de chef d’état-major est vacant depuis le départ à la retraite, le 24 décembre dernier, de l’ancien titulaire de ce poste Amin el-Orm. Le Rassemblement démocratique (bloc parlementaire du PSP) a d’ailleurs présenté une proposition de loi ayant pour but de proroger les années de service de certains fonctionnaires de première catégorie, mais elle n’a pas été votée.

Gouvernement ou Parlement?

Cette question aurait été soulevée lors du dernier Conseil des ministres par le ministre Nasser Yassin. La réponse du Premier ministre sortant, Najib Mikati, aurait été qu’elle sera examinée lors de la prochaine réunion du gouvernement. Mais s’il s’avère difficile de résoudre le problème en Conseil des ministres en raison du boycott des séances par les ministres du CPL, le recours au Parlement pourrait constituer une solution.

Selon des sources informées, le député Michel Daher, ardent partisan du général Joseph Aoun, pourrait présenter une proposition de loi prorogeant le mandat du commandant de l’armée. Auquel cas, la nouvelle question qui se posera sera la suivante: les blocs qui refusent de participer à toute séance législative avant l’élection d’un chef de l’État accepteraient-ils de prendre part à une réunion visant à éviter une vacance à la tête de l’armée, dans les circonstances exceptionnelles actuelles?

Les prochains jours devraient préciser quelle option sera choisie et apporter des réponses aux différentes questions. Quoi qu’il en soit, le dossier de cette vacance est très intimement lié à celui d’une autre vacance, celle qui dure depuis un an à la tête de l’État libanais.

Selon des sources politiques, le CPL et le Hezbollah préfèrent la désignation d’un chef d’état-major à toute solution qui maintiendrait le général Joseph Aoun à son poste et qui, partant, renforcerait ses chances d’accéder à la présidence.

 

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