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Selon le général à la retraite, Khalil Hélou, l’annonce, par le Hamas, de la création d’un nouveau groupuscule, " Avant-gardes du Déluge d’Al-Aqsa ", donne un prétexte à Israël pour attaquer le Liban.

L’annonce par le Hamas de la création, sur le territoire libanais, d’un groupuscule ayant pour mission de " libérer Jérusalem et la mosquée Al-Aqsa " a donné aux Libanais, une affreuse impression de déjà-vu. Elle les a ramenés en 1977, à l’époque de ce sinistre slogan lancé par l’ancien numéro 2 de l’OLP, Salah Khalaf (Abou Ayad): "Le chemin de la Palestine passe par Jounieh".

Les responsables du Hamas au pays du cèdre, scellent, à leur tour aujourd’hui, le destin de la Palestine à celui du Liban, exposant dangereusement le pays à une guerre dévastatrice. Une crainte que formule le général à la retraite, Khalil Hélou, interrogé à ce sujet par Ici Beyrouth.

1. Quelle est votre lecture de la décision du Hamas-Liban de créer un nouveau groupuscule militaire, les " avants-gardes du Déluge d’Al-Aqsa " ?

-Ma réponse se décline en trois volets. Le premier, le plus important selon moi, est que le pouvoir au Liban, qui est noyauté par le Hezbollah depuis une dizaine d’années, n’a fait que favoriser le Hamas sur le territoire libanais et particulièrement dans les camps palestiniens. On l’a vu clairement lors des derniers affrontements qui ont eu lieu, il y a quelques mois, au camp de Aïn el-Heloué. Les autorités libanaises se sont alors alignées avec les islamistes, contre le pouvoir de Mahmoud Abbas (président palestinien). Or, ce sont, en l’occurrence, ces groupes islamistes que l’armée libanaise avait affrontés en 2007 au camp de Nahr el-Bared puis, en 2017, lors de l’opération Fajr el-Jouroud (à la frontière avec la Syrie).

Deuxièmement, le Hezbollah a couvé le Hamas, en lui déclarant son soutien dès le début de la guerre à Gaza, déclenchée le 7 octobre, par le biais de l’ouverture d’un " front de soutien " au Liban-Sud.

Troisièmement, en appuyant ouvertement le Hamas, le Hezb avait pour ambition de tenir les rênes de cette alliance, en mettant les mouvements du parti palestinien à son diapason. Or, malheureusement, cet acharnement du Hezbollah a eu pour effet d’affaiblir le leadership sunnite au Liban, créant un vide à ce niveau, ce qui a favorisé l’émergence de la Jamaa Islamiya, qui a créé ses propres milices. Cette résistance qui prend actuellement de l’ampleur, ne sera plus contrôlable à l’avenir, ni par le Hezbollah, ni par personne.

C’est dans ce cadre que le Hamas annonce aujourd’hui la création d’une unité de combat au Liban, pour libérer Jérusalem. On est donc revenu à 1969, lorsque, à la suite de la signature de l’accord du Caire, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) utilisait le Liban comme base pour mener ses attaques contre Israël, qui ripostait en ciblant le Liban.

Or, l’accord du Caire a été abrogé par le Parlement libanais dans les années 80, et l’OLP insiste aujourd’hui à avoir de très bonnes relations avec l’État libanais. Elle a déclaré à maintes reprises ne pas vouloir s’immiscer dans les affaires libanaises, ni utiliser le Liban comme tremplin pour attaquer Israël.

Cette déclaration du Hamas est donc très grave et fournit un prétexte assez solide à Israël pour attaquer le Liban. D’ailleurs, la réponse du ministre israélien des Affaires étrangères n’a pas tardé, affirmant qu’Israël est capable de mener une opération au Liban.

2. Quel impact aurait une telle déclaration sur la situation actuelle au vu des efforts déployés pour l’application de la résolution 1701 ?

La déclaration du Hamas est un pavé dans la mare. Or, l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité incombe d’abord au gouvernement libanais, puis à l’armée libanaise. D’après la 1701, c’est l’armée libanaise qui est censée imposer la souveraineté du Liban au sud, aidée par la Finul. 15.000 militaires devraient être déployés à la frontière sud, alors qu’il y en a à peine 4 ou 5.000. Entre-temps, le Hezbollah circule librement sans que le gouvernement se prononce.

Que font les députés pour faire appliquer la 1701? On peut demander l’aide de la communauté internationale en présentant les faits et en affirmant une volonté libanaise.

Pour le moment, tout ce qui se fait se limite à du verbiage médiatique. Rien au niveau de la politique étrangère ni de la politique de défense.

3. Qu’attend-on du gouvernement libanais à présent?

Premièrement, il est attendu du gouvernement libanais une forte action diplomatique. Sur le plan de la politique étrangère, on peut solliciter les pays à travers leurs ambassadeurs au Liban, posant la possibilité d’appliquer la 1701 par la force. Le gouvernement libanais devrait se tourner vers les États alliés du Hamas, à savoir le Qatar, l’Égypte et la Turquie, autant de parties qui pourraient influencer ce groupe palestinien et le dissuader de ce projet catastrophique.

Deuxièmement, sur le plan de la politique de défense, l’armée libanaise pourrait commencer à appliquer la 1701 dans les régions non contrôlées par le Hezbollah, si petites soient-elles, car le Liban-sud n’est pas totalement sous l’emprise du Hezbollah.

Le ministre de la Défense et le commandant de l’armée devraient aussi publier un communiqué, signifiant clairement au Hamas qu’ils seront ciblés par l’armée libanaise s’ils venaient à intervenir au Liban-Sud, vu qu’il n’y a aucun texte de loi qui permet une intervention militaire de la part de parties non libanaises à partir du territoire libanais.

Troisièmement, le gouvernement libanais devrait communiquer cette décision à l’ONU, aux États-Unis et à la Grande-Bretagne, qui sont les plus impliqués dans la situation régionale.