Le communiqué de presse de la Charte de salut national publié le 16 janvier a fait l’objet d’un intérêt médiatique remarquable. Il a été repris  par la plupart des médias libanais – presse écrite, médias en ligne, ainsi que stations de radio et de télévision.

Ce communiqué marque une prise de position charnière, reprenant les constantes et les priorités adoptées par les forces du mouvement du 17 Octobre, et rappelant avec fermeté qu’il n’y aura ni solution à la crise libanaise ni retour à la convalescence économique et au rétablissement de la situation financière et monétaire à l’aune du maintien au pouvoir de la faction politique et gouvernementale actuelle.

La voie du redressement économique et de l’arrêt de l’effondrement financier catastrophique doit débuter par un changement politique en profondeur, qui passe nécessairement par une réforme structurelle du pouvoir.

La Charte souligne une fois de plus la conviction des forces du 17 Octobre que la faction au pouvoir, après avoir mené la contre-révolution face au soulèvement et utilisé tous les moyens répressifs violents pour paralyser le mouvement et disperser ses forces, s’entête à se maintenir aux commandes et à perpétuer sa domination, malgré son incapacité à présenter un plan cohérent de redressement et des solutions financières et économiques destinés à limiter les effets douloureux et les conséquences néfastes de la crise.

En dépit de son immobilisme et de son incompétence manifeste à faire face à l’effondrement, la faction au pouvoir persiste dans ses manœuvres suspectes et exploite la crise comme une occasion supplémentaire de poursuivre son enrichissement par le pillage de ce qui reste de l’épargne des Libanais ainsi que des deniers et des propriétés publics, des revenus des ports et aéroports et des institutions étatiques.

La Charte a également précisé que la prochaine échéance électorale n’est qu’une des étapes de l’affrontement avec la faction au pouvoir. Elle s’inscrit parmi d’autres luttes menées au sein des syndicats, des municipalités, par le biais des manifestations populaires dans la rue et les espaces publics, les actions culturelles et les confrontations sociales et juridiques. Le succès de ces luttes est conditionné par la constitution de l’alliance la plus étendue des forces hostiles à la faction au pouvoir et par la détermination, l’unité, la solidarité et la conduite exemplaire des forces du 17 Octobre.

La Charte dénonce les tentatives des pôles du pouvoir à la recherche de prétextes et d’excuses pour ajourner les élections et contourner les pressions arabes et internationales qui exigent leur tenue. La Charte de salut national, forte d’un large appui au sein des groupes de l’intifada qui s’est matérialisé par plus de 70.000 signatures de son texte fondateur, refuse la tentative du pouvoir d’ajourner ou d’annuler les élections, alors même que la loi électorale en vigueur a été taillée à la mesure des intérêts électoraux de cette faction dirigeante, de manière à lui permettre de dissimuler et d’escamoter ses pertes.

De nombreuses réserves sont en effet effectuées vis-à-vis de cette loi électorale. Elles peuvent être résumées en sept points principaux: le découpage des circonscriptions à la mesure des partis confessionnels; le refus de ramener l’âge minimum du vote à 18 ans (au lieu de 21 ans); le refus de la mise en place d’un quota feminin qui assurera une présence plus importante des femmes dans le processus électoral et au Parlement; le refus de permettre le vote des électeurs sur les lieux de résidence; l’absence de contrôle du processus électoral et l’utilisation arbitraire des organismes étatiques au service de la faction au pouvoir; la domination des armes et leur pouvoir dissuasif par la terreur dans les circonscriptions de la Békaa et du Liban-Sud, qui permettent de falsifier impunément les résultats de la consultation; et enfin, le déséquilibre et l’inégalité dans l’utilisation de la couverture médiatique…

Après avoir exposé ses réserves autour de l’organisation des prochaines élections, la Charte confirme cependant son refus définitif de toute tentative d’ajournement des élections, et ce en dépit d’appels puérils au boycott en évoquant des raisons de "principe". Bien au contraire, la Charte appelle le mouvement du 17 Octobre à une large participation aux élections en adoptant le principe de coalitions politiques et électorales étendues, tenant compte des particularismes de chaque circonscription, avec pour objectif la confrontation avec la faction au pouvoir et son affaiblissement.

Cependant, il convient aujourd’hui d’aller au-delà de ce que préconise la Charte en perspective des élections parlementaires et législatives et des luttes syndicales, estudiantines, professionnelles et autres. Il est devenu nécessaire de créer et de développer une matrice de coordination efficace, destinée à unifier les efforts des groupes issus du mouvement du 17 Octobre sur toute l’étendue du territoire national, dépassant les différences confessionnelles, régionales, générationnelles et de genres. Cette unité sera enrichie par la diversité des opinions, des idées et des expériences, portée par le courage des jeunes femmes et hommes, par l’expertise des scientifiques et des spécialistes. Elle devra englober tous les secteurs d’activité professionnelle, les professions libérales, les artisans, les travailleurs de l’industrie, de l’agriculture et des services. Elle ne devra s’encombrer d’aucun a priori idéologique ni être hypothéquée par des attaches extérieures ou confessionnelles.

L’unité des rangs permettra d’affronter efficacement la faction au pouvoir en vue de son affaiblissement, puis de sa chute. Pour cela, une feuille de route de sauvetage devra être établie, reprenant les étapes de l’établissement d’un État souverain sur ses frontières et à l’intérieur du territoire national, un État démocratique civil moderne basé sur le respect de la loi, l’indépendance des institutions constitutionnelles, l’alternance politique, et dont la légitimité se construira sur les principes de citoyenneté, de libertés individuelles et de droits humains.

En parallèle à la rédaction de la feuille de route des revendications vient s’ajouter l’urgence de la lutte pour une juste répartition des pertes dues à la crise et la réduction du fardeau supporté par les couches les plus larges de la population libanaise, qui font l’objet d’un pillage en règle et dont plus de 80% est tombé en dessous du seuil de pauvreté. Il faut mener la bataille de l’ajustement des salaires et de la défense du pouvoir d’achat de tous les Libanais, l’arrêt de l’augmentation du coût de la vie, le rétablissement des services publics et sociaux dans les domaines de la santé – hospitalisation, services médicaux, médicaments – et aussi faire face à la déliquescence de l’enseignement tant public que privé à tous les niveaux, du primaire jusqu’à l’université. Il faut également mener la bataille du redressement financier et de la restructuration du système bancaire et empêcher l’Association des banques et ses protecteurs de la faction corrompue du pouvoir de voler l’épargne des Libanais, leur faisant ainsi assumer seuls le poids des pertes. Et il convient aussi d’empêcher l’oligarchie des armes illégales et de la corruption de mettre la main sur les institutions publiques dans le but de bénéficier une première fois de leur pillage pendant la crise et de confisquer ensuite le bénéfice des mesures de redressement économique.

La crise se poursuit. Ses effets sont dévastateurs, douloureux, et ses conséquences catastrophiques. La lutte pour y faire face sera longue et laborieuse. Regrouper les gens qui la subissent, et dont elle menace l’avenir et celui de leurs enfants, est complexe et difficile. Il devient impératif  de trouver un fil conducteur à même de tisser une plate-forme pour les victimes, et un chef d’orchestre, capable de synchroniser les rythmes et les voix au milieu de tout  ce chaos.

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