Il est impossible de séparer le retrait de la vie politique libanaise du chef du Courant du Futur Saad Hariri des développements successifs en cours au Liban, notamment ses crises aux différentes facettes, politique, économique, financière, sécuritaire et diplomatique, surtout avec les pays arabes du Golfe.

Du point de vue du timing, l’instant du repli haririen ne saurait être dissocié de l’intérêt porté par les pays du Golfe à la crise libanaise à travers l’initiative du ministre koweïtien des Affaires étrangères, cheikh Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah, qui a remis lors de sa visite à Beyrouth un mémorandum aux responsables comportant les revendications des pays du Conseil de coopération du Golfe pour un retour à la normale des relations avec le pays du Cèdre.

La plus importante de ces revendications est la nécessité pour l’État libanais de recouvrer son pouvoir de décision souveraine et d’assumer ses responsabilités intégrales stipulées dans les résolutions internationales, à commencer par la 1559, c’est-à-dire de juguler le comportement hostile du Hezbollah à l’égard des pays du Golfe.

Or c’est à ce moment précis que l’ancien Premier ministre Saad Hariri annonce son retrait de la vie politique libanaise, en faisant assumer à “l’influence iranienne” la responsabilité d’avoir rendu impossible toute amélioration au Liban.

La majorité des points de l’initiative du Golfe tournent autour de la question du Hezbollah et de son agenda extérieur, dans la foulée de la déclaration franco-saoudienne de décembre 2021, qui insiste sur la nécessité pour l’État libanais d’assumer ses responsabilités, d’établir sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire, et d’appliquer les résolutions internationales, à commencer par la 1559, la 1680 et la 1701, qui sont toutes axées sur le rétablissement de l’autorité exclusive de l’État sur tout le pays à travers ses forces armées légales, seules habilitées à disposer du monopole de la violence.

Le retrait de Saad Hariri constitue quelque part une condamnation claire du comportement du parti chiite, quand bien même certains considèrent que le chef du Courant du Futur devrait rester actif sur la scène locale en tant que protagoniste essentiel à la vie politique, et faire face à ce comportement avec encore plus de force et de détermination.

Cependant, le problème du Hezbollah et de ses armes, utilisées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, reste la question principale. Si elle n’est pas résolue, le Liban ne sortira jamais de sa crise profonde. Il n’existe aucun espoir de rétablir des relations normales avec les pays arabes ou la communauté internationale tant que le dossier des armes illégales du Hezbollah n’est pas réglé. De même, le Liban ne peut être sauvé de sa crise économique et financière tant que l’État ne redevient pas un État au vrai sens du terme, et tant que la Constitution et la loi au Liban ne redeviennent pas la source d’autorité pour tous les Libanais.

La crise du Hezbollah, à travers ses armes et sa double fonction interne autant qu’externe, a atteint des niveaux particulièrement dangereux pour l’avenir du Liban. L’État est occupé via son gouvernement fantoche, les institutions sont phagocytées, la vie politique est déséquilibrée et la vie sociale et nationale commune reste profondément inégale. Partant, si la négociation avec le Fonds monétaire international pour sortir de la crise financière est requise, l’hésitation actuelle à régler la gigantesque problématique représentée par le parti pro-iranien empêchera le Liban de sortir de son marasme. Le Hezbollah fera ainsi avorter les négociations avec les institutions internationales, qui ont besoin de s’asseoir à table avec un vrai gouvernement libanais, et non un cabinet de façade dirigé par un parti armé qui reçoit ses ordres de l’étranger.

Nous ne verrons pas le bout du tunnel tant que le Hezbollah n’est pas désarmé et que le parti ne devient pas une formation politique pacifique, comme le sont tous les partis au sein d’un pays normal. En attendant, l’année 2022, avec ses échéances et ses crises qui cernent le Liban de toutes parts, place véritablement le pays à la croisée des chemins.