Il est difficile de croire que la feuille de route proposée par les pays du Golfe – l’initiative koweïtienne – recevra une réponse crédible de la part d’un pouvoir aux abois, totalement discrédité.

Poser des conditions manifestement irréalisables, quoique souhaitables, participe d’une vision hautement hypothétique, dans les circonstances actuelles. Pour que le Koweït affiche les conditions que l’on connaît, cela suppose une exigence d’une confrontation ouverte, armée et directe, voire immédiate, avec la milice du Hezbollah.

Cela laisse perplexe. Non pas en raison de la lecture des souhaits des pays qui ont mandaté le Koweït – ils sont partagés par de nombreux pays. Mais parce que cette insistance suppose ou bien une surenchère purement verbale, ou que des scénarios inavoués sont à l’ordre du jour. Cela laisse sceptique. Aurait-on promis à ces pays que le sort du Hezbollah est inscrit à l’agenda des négociations avec l’Iran, ou des prochaines expéditions d’Israël ? Le Liban officiel serait-il encore plus fort et plus musclé que ces mêmes pays du Golfe, qui ont tant de mal à en finir avec la guerre du Yémen ? Souhaitent-ils une guerre civile libanaise ? Une partition du Liban ? Qu’est-ce qui rend les pays du Golfe à ce point intransigeants, au lieu de manquer à l’appel de l’Occident et des autres pays arabes, et d’apporter un appui économique et financier clairvoyant et soigneusement étudié à un Liban en situation de crise ? Après tout, nous payons le prix de nombreuses mésaventures régionales, pour ne pas évoquer les centaines de milliers de réfugiés sur notre territoire.

En d’autres termes, est-ce que la position des pays du Golfe, notamment à travers l’initiative koweïtienne, est à ce point une manifestation de mauvaise humeur, le refus d’un état de fait, la volonté de sanctionner tout le Liban, ou bien y aurait-il des solutions après l’obsession ? Croient-ils que la France, par exemple, est moins gênée qu’eux par la présence armée du Hezbollah ? Pourtant ce pays reste aux côtés de ses amis. Même les USA tentent de préserver les acquis, en cherchant à instaurer un "îlotage" du Hezbollah, en examinant un projet visant à confier à l’armée libanaise un périmètre allant de la banlieue-sud de Beyrouth jusqu’aux confins du Liban-Nord. Une telle vision ne manque pas de poser des questions sur l’unité indivisible du Liban et de son territoire. Mais elle montre, malgré tout, qu’on peut chercher à redonner de l’espoir au lieu de vouloir se venger sans concession.

On ne peut résoudre les problèmes endémiques du Liban sans une dose introuvable de sagacité, de patience et d’un sens politique avéré. Cela n’est pas donné à tous, il faut en convenir. Mais la mauvaise humeur n’est pas faiseuse de politique. Car si on est d’accord sur l’objectif à atteindre, encore faut-il que les moyens d’y parvenir ne finissent pas par écraser… le "patient" libanais.

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