De Dar el-Fatwa, le chef du parti Kataëb rend hommage, en dépit des divergences de style qui les oppose, à Saad Hariri, appelle les sunnites et les Libanais à ne pas se laisser abattre, et souligne la nécessité de ne pas capituler, mais de résister à travers une participation massive aux prochaines législatives, un “acte de résistance politique”.

“L’abattement n’est pas permis !”. C’est en ces termes que le chef du parti Kataëb, le député démissionnaire Samy Gemayel, s’est adressé jeudi aux Libanais en général et au partisans du chef du courant du Futur Saad Hariri en particulier, à l’issue d’un entretien avec le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane à Dar el-Fatwa où il s’est rendu à la tête d’une délégation partisane.

M. Gemayel a d’abord rendu un hommage appuyé au rôle joué par le cheikh Deriane, qu’il a qualifié d’ “autorité de référence nationale libanaise possédant une conscience nationale importante et qui gère toutes les questions délicates avec beaucoup de modération et d’ouverture”. Il a également salué Dar el-Fatwa, “et tous les sacrifices consentis, martyrs à l’appui, pour défendre le Liban et par attachement vis-à-vis de cette entité et de cette identité libanaises qui se trouvent aujourd’hui en danger”.

Évoquant ensuite le retrait de Saad Hariri de l’arène politique libanaise, Samy Gemayel a dit: “Un conflit essentiel portant sur le style qu’il a adopté nous oppose, en l’occurrence les compromis qui ont été effectués dernièrement, et qu’il a reconnu comme étant une erreur lorsqu’il a suspendu son action politique.”

“Cependant, en dépit de toutes les divergences entre nous au cours des dernières années, notamment sur le compromis présidentiel, la modération incarnée par le courant du Futur depuis l’époque de Rafic Hariri jusqu’aujourd’hui, constitue un besoin nécessaire pour le pays”, a relevé le chef des Kataëb.

“Cette modération s’est indubitablement répercutée de manière positive sur la construction de l’identité et de l’appartenance libanaises et sur le citoyen libanais. Le rejet de la violence adopté par le courant du Futur et le Premier ministre Hariri sont des points fondamentaux pour nous. Ce sont des points positifs sur lesquels nous devons bâtir et que nous devons continuer à porter”, a-t-il noté.

“Le Liban sous le contrôle de la milice”

Et M. Gemayel de poursuivre: “Nous sommes en ces lieux pour mettre l’accent sur ces points. Malheureusement, il n’y a plus de responsables politiques de premier plan dans le pays aujourd’hui. Les dessous miliciens ont le dessus dans la pratique des politiques: l’usage de la violence, les violations de la Constitution et des lois, le fait de traiter les soucis des gens avec légèreté, la paupérisation croissante de tous, et l’oppression. Le compromis se fait toujours aux dépens de la souveraineté et de l’indépendance du Liban, et le pouvoir de décision est cédé à la milice, qui est devenue progressivement une force de fait imposée à tous les Libanais. Les institutions de l’État sont désormais à la merci de cette milice qui contrôle le pays, et qui est malheureusement elle-même soumise à une force étrangère, qui n’a rien à voir avec le Liban.”

“Il était de notre devoir, partant, de nous rendre à Dar el-Fatwa pour lancer un message à tous les Libanais, à commencer par les partisans du président Hariri, qui ont certainement été frappés d’abattement, de désenchantement et de frustration (ihbat) et qui se posent des questions”, a encore dit le député démissionnaire du Metn.

“Nous voulons leur dire que l’abattement, le désenchantement et le désespoir ne sont pas permis. Notre cause est “le Liban d’abord” et la construction de ce pays pour les générations à venir. Notre devoir est de le libérer, d’en libérer la décision et d’en restaurer la démocratie. Cette bataille se poursuivra en toutes circonstances. Que nul ne prétendre exercer une tutelle sur la moindre ruelle du pays. Chaque Libanais est libre, et chacun a ses aspirations, ses espoirs et ses ambitions pour construire le nouveau Liban”, a-t-il souligné.

“Nous ne capitulerons pas”

“J’appelle les Libanais, quelle que soit leur appartenance politique ou communautaire, à exprimer librement leur opinion au cours des prochaines élections et à rester attachés aux constantes nationales que sont la souveraineté, l’indépendance, l’ouverture, la modération et la neutralité. ; toutes ces constantes qui nous ont permis de rêver d’un nouveau pays et auxquelles nous resterons attachés, en menant la bataille pour un avenir meilleur”, a-t-il indiqué.

Selon Samy Gemayel, le pouvoir de fait tente “de désespérer les Libanais et de les pousser à la capitulation”. “Nous ne capitulerons pas. Ils feront tout ce qui est leur pouvoir pour garantir à l’avance les résultats des prochaines élections, en dénigrant le processus électoral. D’où la nécessité de revitaliser le comité de supervision des élections, qui ne dispose pas du quorum légal, et qui ne sera pas reformé. Aussi devons-nous poursuivre la bataille ensemble pour empêcher que nos droits soient spoliés”, a-t-il poursuivi.

derian

Le funeste sort réservé à l’initiative koweïtienne

Concernant l’initiative arabe lancée à Beyrouth par le ministre koweïtien des Affaires étrangères   au nom des pays du Conseil de coopération du Golfe, Samy Gemayel l’a qualifiée de “sérieuse et fondamentale”.

“Nous sommes étonnés par la légèreté avec laquelle le gouvernement libanais traite cette initiative. La question n’a même pas été soulevée en Conseil des ministres, pas même le fait de savoir comment l’État libanais allait interagir avec elle, alors que nous avons le plus grand besoin d’une réouverture du Liban sur le monde, surtout les pays arabes, afin de rassurer des centaines de milliers de Libanais qui travaillent dans les pays arabes du Golfe (…), ainsi que leurs parents et proches”, a affirmé le chef des Kataëb. “Nous n’attendons rien de ces leaders politiques, et la demande de comptes est essentielle pour que le Liban puisse entrer dans une nouvelle étape”, a-t-il dit.

“Ceux qui insultent les pays arabes répondront par la négative à l’initiative, tenteront de gagner du temps ou, comme d’habitude, de pratiquer la politique de l’autruche. C’est là le style du régime syrien, qui entame toujours des négociations avec les parties pour atermoyer, sans jamais aboutir à des résultats”, a souligné M. Gemayel.

Et d’ajouter: “Comment des partis qui insultent des pays arabes au quotidien peuvent-ils accepter une initiative qui devrait mener au rétablissement de la souveraineté du Liban, alors que ce sont eux-mêmes qui violent la souveraineté libanaise ? Lorsque l’initiative stipule clairement l’application des résolutions 1559 et 1701 du Conseil de sécurité et le rétablissement par l’État de sa souveraineté et de son autorité sur l’ensemble de son territoire, qui est le rêve et l’objectif ultime des Libanais, il est évident que celui qui est à l’origine de ses violations ne sera pas coopératif”.

Appel à la “résistance politique”

Et le chef du parti Kataëb de conclure: “Le peuple libanais est pris en otage par les armes illégales au Liban, qui sont sous les ordres d’un pays étranger qui s’appelle l’Iran. C’est la vérité, et les propriétaires des armes eux-mêmes le reconnaissent. Le peuple libanais est également l’otage d’une mafia politique qui est de mise avec ces armes et qui pille les ressources de l’État au quotidien. Il doit passer à la résistance et la confrontation. Le seul style pacifique que nous avons à notre disposition est les élections, avec toutes leurs failles et toutes les tentatives de les manipuler et les pervertir. Nous n’avons aucune autre échéance à venir. Nous devons la considérer, partant, comme une résistance politique menée par le peuple libanais pour se libérer de sa situation d’otage, et nous ferons tout pour qu’elles aient lieu.”