©Réunion de coordination tenue en juillet 2023 à Sousse Tunisie. (Site officiel We4Lead)
Women’s Empowerment for Leadership and Equity in Higher Education Institutions (We4Lead) est un projet cofinancé par l’Union européenne, visant à promouvoir l’égal accès des femmes aux postes de responsabilité les plus élevés dans les établissements d’enseignement supérieur du pourtour méditerranéen.
Regroupant neuf universités du bassin méditerranéen, dont l’Université libanaise et l’Université antonine au Liban, le projet «Autonomisation des femmes pour le leadership et l'équité dans les établissements d'enseignement supérieur» (Women’s Empowerment for Leadership and Equity in Higher Education Institutions- We4Lead) a pour objectif, à long terme, d’opérer une transformation au niveau de la gouvernance des établissements d’enseignement supérieur, par la promotion et l’adoption d’une culture d’égalité des genres. En pratique, le projet vise à mesurer les inégalités femmes-hommes et à augmenter le nombre de femmes aux postes clés.
Trop ambitieux? Certes. Mais dans des sociétés qui restent patriarcales et dans le contexte libanais, un tel programme s’impose.
Un plafond de verre
Si l’on observe l’état des lieux dans les établissements universitaires, on constate que les femmes sont nettement majoritaires dans les emplois liés à l’enseignement ou au travail administratif. Elles se raréfient au fur et à mesure qu’on monte dans la hiérarchie institutionnelle (doyen, chef de département, directeur de laboratoire, professeur, etc.). Au sommet de la pyramide, elles sont très rares ou totalement absentes.
«Ce phénomène est décrit comme un plafond de verre que les femmes peinent à percer afin d’atteindre les postes de gouvernance», explique Huguette Abou Mrad, directrice du bureau des langues à l’Université antonine (UA) et coordinatrice du projet We4Lead à Ici Beyrouth.
Ce schéma montre la progression professionnelle des hommes et des femmes diplômées dans un même milieu universitaire (Source: RSEnews)
Au Liban, peu de femmes occupent, à l’heure actuelle, des postes de gouvernance dans les universités. Nada Moghaizel-Nasr, déléguée du recteur à l'assurance qualité et la pédagogie universitaire à l’Université Saint-Joseph, et Étienne Harb, vice-rectrice à la recherche et au développement à l’Université la Sagesse où, rappelons-le, Lara Karam Boustany a été la première femme à occuper le poste de recteur de 2020 à 2023.
Dans ce cadre, on peut affirmer que le problème réside principalement au niveau du recrutement, étape à laquelle les femmes font l’objet de discriminations.
«Face à deux candidats ayant les mêmes compétences et les mêmes diplômes, un jury comprenant des femmes a retenu la candidature de l’homme», raconte Mme Abou Mrad, constatant que «les femmes s’imposent elles-mêmes des limites en raison de biais implicites de genre, acquis par conditionnement social et culturel».
D’un autre côté, «les recruteurs ne sont pas toujours conscients des inégalités présentes dans leurs institutions, ajoute Mme Abou Mrad, d’où le besoin d’opérer un changement au niveau des politiques institutionnelles». Elle explique que l’UA est déjà engagée dans une politique d’égalité femmes-hommes au sein de ses différents départements.
«Le projet We4Lead est un travail de longue haleine et de grande envergure, mais nous sommes déterminés à le mener jusqu’au bout, pour atteindre les objectifs fixés», confie-t-elle avec enthousiasme.
Les partenaires impliqués dans cette initiative sont tous poussés par un engagement sans faille et une motivation sans bornes. «Nous ne pouvons pas attendre la paix mondiale pour travailler sur un projet, une problématique sociale ou académique. Peu à peu les choses avancent, c’est la volonté qui compte», lance Sélim Makdessi, doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion à l’Université libanaise (UL) et coporteur de la coordination de We4Lead. Optimiste, il assure à Ici Beyrouth que «l'UL possède la volonté institutionnelle de mettre en œuvre des changements significatifs, malgré les défis qui se posent dans un établissement public, surtout dans un pays à risques comme le Liban».
Une initiative internationale
Coordonné par l’université Aix-Marseille, cogéré par l’UL et financé par l’Union européenne (UE) avec une subvention de près de 800.000 euros, We4Lead a été lancé le 1er mars 2023 pour une durée de trois ans. Il s’inscrit dans le cadre d’Erasmus+, programme de l’UE pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport, dédié au renforcement des capacités dans l’enseignement supérieur.
Les partenaires incluent l’Université antonine au Liban; deux universités tunisiennes, Tunis el-Manar et Sousse; deux universités algériennes, celles de Constantine et de Mostaganem; l’Université autonome de Madrid et l’Université Sapienza de Rome.
Le Réseau francophone des femmes responsables dans l’enseignement supérieur et la recherche (Résuff) est un partenaire associatif, qui soutient le projet au niveau du réseautage et de la diffusion. Leila Saadé, présidente du comité scientifique du Résuff, indique à Ici Beyrouth que «le partenariat dans le cadre de We4Lead s’est fait tout naturellement, car le réseau a exactement les mêmes objectifs que ce projet, étant déjà engagé à promouvoir et à établir la parité des genres dans les établissements universitaires».
Lancé en 2015 sur une initiative de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), le Résuff compte aujourd’hui 90 membres institutionnels, associatifs et individuels. «Il est également relié aux quelque mille établissements du réseau universitaire AUF, d’où son rôle crucial dans la dissémination des résultats du projet We4Lead», avance Mme Saadé.
Cette composante du travail est la plus importante dans le sens où elle contribue à pérenniser l’impact de cette initiative auprès du grand public. «Sans diffusion, l’action reste ponctuelle et devient un cimetière pour les idées et les démarches qui auront été mises en place», souligne Mme Abou Mrad.
À cet égard, M. Makdessi estime que «la participation de l’UL, unique établissement public au Liban, à la gestion de We4Lead à l’échelle internationale, contribue à façonner la culture institutionnelle au-delà du domaine universitaire». «La promotion de l’égalité femmes-hommes au sein des institutions éducatives influencerait d’autres secteurs, participant au changement des perceptions sur le rôle de la femme en société», ajoute-t-il.
Un calendrier rigoureux
Sur la base des données recueillies dans différents pays, le projet We4Lead propose huit lots de travail, répartis selon un calendrier qui détermine les livrables à présenter à chaque étape du parcours.
Parmi les activités à réaliser dans ce cadre, figurent la mise en œuvre d’une série de formations sur plusieurs thèmes, tels que genre et leadership, recrutements et promotions sans stéréotypes de genre, ou encore le harcèlement à caractère sexuel.
La création d’une «cellule parité» au sein de chaque établissement est une tâche clé du projet. Il s’agit d’une entité chargée d’identifier les signes d’inégalité Femmes-Hommes et de veiller à installer une culture durable de la parité.
Par ailleurs, le guide de rédaction d’un plan d’égalité, mission conjointement confiée à l’UA et Sapienza de Rome, consiste à élaborer un processus de recrutement permettant d’éviter l’influence des biais implicites de genre.
Chaque travail est soumis à un comité d’assurance qualité, également composé par les membres des universités partenaires. Ce comité fournit un retour sur la tâche accomplie, afin d’engager une discussion sur les moyens d’ajustement et d’amélioration.
Tout un travail collaboratif dont nous suivrons les développements avec grand intérêt!
Pour en savoir plus et suivre l’évolution du projet jusqu’en 2026, visitez le site officiel du projet: http://we4lead.ul.edu.lb/
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