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Le Liban prépare sa réponse au mémorandum de Damas qui proteste contre les tours de contrôle frontalier, érigées par les Britanniques depuis plus de dix ans, entre le littoral de Arida, au nord du Liban, et le flanc du Mont Hermon, au sud.

L’armée, qui gère ces postes d’observation, élabore une réponse technique aux accusations du gouvernement syrien qui conteste la "fiabilité" des tours. Damas avance l’argument selon lequel les équipements de surveillance dont sont dotées ces structures permettent de fournir suffisamment de renseignements aux Israéliens par le biais des Britanniques qui auraient accès aux informations qui y sont recueillies.

Ces "renseignements" révèleraient, d’après le régime de Bachar Assad, ce qui se passe en territoire syrien, ce qui aurait permis aux Israéliens d’y mener des frappes ciblées. En d’autres termes, Damas accuse l’armée libanaise de partager des renseignements militaires avec des services étrangers, au profit d’Israël, ce qui a provoqué un tollé dans les milieux de l’opposition au Liban.

"Les informations recueillies par ces postes ne sont aucunement dirigées vers d’autres organismes ou gouvernements que le Liban", insiste l’ancien directeur des opérations au sein de l’armée, le général à la retraite Maroun Hitti. "Celles-ci sont strictement réservées à l’armée libanaise et au ministère de la Défense, d’autant plus qu’il n’y a aucune présence étrangère dans ces tours d’observation", précise-t-il.

"Techniquement et scientifiquement parlant, cela est impossible", s’insurge un responsable militaire, sous couvert d’anonymat, contre les arguments syriens. "Aucune frappe ciblée, aucun attentat ne peut être mené en l’absence de l’élément humain. Les moyens technologiques, même les plus avancés, ne peuvent, à eux seuls, suffire pour faire réussir un tel acte", explique-t-il. Il faisait par là référence aux frappes israéliennes qui ont permis de liquider des cadres du Hezbollah à Damas et des Gardiens de la révolution en Iran.

Et le responsable militaire d’ajouter: "Toutes les opérations ciblées au Liban et en Syrie ont été efficacement entreprises, certes, grâce à la technologie, mais aussi, et principalement, grâce aux espions infiltrés dans les milieux pro-iraniens".

Selon lui, la raison pour laquelle la Syrie proteste contre ces tours aujourd’hui est que "Damas veut dissimuler la vérité sur les raisons pour lesquelles Tel-Aviv réussit ses attaques contre des responsables de la mouvance pro-iranienne".

D’après lui, "ce sont des espions, voire les services de renseignement, notamment syriens, qui fournissent à l’État hébreu des données suffisamment importantes pour que ce dernier puisse réussir ces assassinats. Nous avons pu le constater lors de l’attaque, dans la banlieue sud de Beyrouth, contre des dirigeants du Hamas".

En d’autres termes, et toujours selon cette même source, "la Syrie chercherait à éloigner d’elle le spectre de telles accusations à son encontre, en se positionnant comme victime des activités des tours d’observation à la frontière nord du Liban".

Extension du projet au Liban-Sud

Une seconde explication peut être avancée à ce sursaut tardif syrien contre les tours de contrôle. Elle serait en rapport avec le paramètre hezbollahi.

La Grande-Bretagne a suggéré – à la faveur de la visite de son chef de la diplomatie, David Cameron, à Beyrouth, au début du mois de février – l’installation de tours de contrôle à la frontière sud, lorsque le conflit militaire entre le Hezbollah et Israël prendra fin. Mais cette perspective déplairait au Hezbollah. Celui-ci "se sentirait menacé", selon le général Maroun Hitti, interrogé par Ici Beyrouth. Pourquoi? "Si ce projet s’étend au sud du Litani, la présence et le pouvoir de l’armée libanaise y seront renforcés. Cela signifierait un affaiblissement du contrôle du Hezbollah dans la région", explique-t-il.

"Or, comme le parti pro-iranien ne peut se permettre de contester un tel projet, au risque d’être accusé de trahison envers l’État libanais, c’est la Syrie qui s’en charge", explique le général Hitti.

Le responsable militaire ne partage cependant pas cet avis. D’après lui, le projet d’extension des tours de contrôle à toute la frontière verra indubitablement le jour, une fois la guerre entre le Hamas et Israël terminée.

Ce projet se fera "avec l’aval du Hezbollah qui, selon cette même source, n’a plus intérêt à s’imposer militairement dans un pays qu’il contrôle totalement sur les plans politique et économique". Cela a transparu, rappelle-t-il, lors de la conclusion de l’accord sur les frontières maritimes entre le Liban et Israël.

Une autre explication est avancée: il s’agit d’un moyen de pression de Damas sur la communauté internationale. "La Syrie se considèrerait lésée par les éventuels résultats du processus de négociation en cours pour rétablir la paix dans la région", souligne le général à la retraite Khalil Hélou.

Le projet de contrôle des frontières

Tout a commencé en 2006, avec l’adoption de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a mis fin à la guerre entre le Hezbollah et Israël. Dans le texte en question, le Conseil de sécurité souligne "qu’il importe que le gouvernement libanais étende son autorité à l’ensemble du territoire libanais (…) afin d’y exercer intégralement sa souveraineté".

En 2007, la force commune pour le contrôle de la frontière nord et nord-est du Liban est créée, par une décision du gouvernement de l’ancien Premier ministre Fouad Siniora. Sa mission? Protéger la frontière. Or, selon une source ayant requis l’anonymat, "cette force a relativement échoué puisqu’elle regroupait quatre appareils sécuritaires régis par des règlements distincts: des soldats de l’armée, ainsi que des membres des Forces de sécurité intérieure, de la Sûreté générale et des douanes ".

N’ayant pas réussi à atteindre ses objectifs, cette force a été militarisée en 2009 et transformée en un régiment, le Premier régiment de frontière, suivi du Deuxième régiment de frontière, créé la même année. Pour les soutenir, les Britanniques décident, en 2013, de procéder à la construction simultanée de deux postes de contrôle: le premier à Chadra, dans le Akkar, et le second à Debbiyé, sur le littoral du Chouf. En tout, près de 80 seront installés, mais il faut préciser que certains d’entre eux ne sont pas frontaliers, comme celui de Debbiyé.

Ce projet a été proposé par l’armée au gouvernement libanais, lequel a donné son autorisation, parvenue à l’institution militaire par le biais du ministère de la Défense. Le motif de cette initiative? "Appliquer la résolution 1701 et permettre le retour de l’État à la région frontalière", explique le général Hitti, avant de proposer à Damas de "suivre l’exemple du Liban et de procéder à l’installation de postes similaires, avec l’aide de la communauté internationale, pour garantir sa sécurité".

 

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