Pour éviter d’être entendue par le Conseil supérieur de discipline qui l’avait convoquée pour une audience vendredi, la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, a décidé de présenter un nouveau recours pour bloquer une nouvelle fois les procédures disciplinaires engagées à son encontre.

Après s’être présentée devant l’instance en question aux alentours de 9h30, soutenue par une trentaine de manifestants qui attendaient son arrivée au Palais de justice, la magistrate n’a pas tardé à repartir. Quelque trente minutes lui auraient suffi pour échapper à ce qui l’attendait, l’audience ayant été reportée au 15 avril prochain.

Comment? En présentant un recours en dessaisissement contre le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), le juge Souheil Abboud, qui siège aussi à la tête du Conseil supérieur de discipline.

Ainsi, deux cas de figure se présentent. Si Mme Aoun s’est contentée d’un "simple" recours en dessaisissement, c’est au vice-président du CSM, le juge Hajjar, qu’incombe la responsabilité de trancher la question.

Néanmoins, si la magistrate a intenté un recours en responsabilité de l’État du fait des actes des juges judiciaires, c’est l’assemblée plénière de la Cour de cassation qui devra à ce moment statuer. Or, l’assemblée plénière ne peut pas se réunir actuellement, faute de quorum, étant donné les postes vacants en son sein, les magistrats partis à la retraite n’ayant toujours pas été remplacés.

"Nous nous retrouvons dans le même cercle de paralysie de la justice, entretenue par une classe politique véreuse qui se considère supérieure aux lois", s’est indignée une source judiciaire proche du dossier.

Pour rappel, le Conseil de discipline de la magistrature avait radié Mme Aoun du corps de la magistrature en mai dernier pour abus de pouvoir et pour fronde contre les règles de procédure judiciaire – un verdict prononcé à l’unanimité de ses membres.

Peu de temps après l’annonce de la décision, Ghada Aoun avait interjeté appel devant le Conseil supérieur de discipline. Aujourd’hui encore, Mme Aoun s’insurge contre ce même conseil, composé de magistrats qui siègent au sein du Conseil supérieur de la magistrature et dirigé par son président.

En commençant par l’affaire de la société de Michel Mecattaf jusqu’au dossier des banques libanaises, la magistrate a multiplié les débordements mais aussi ses déchaînements sur les réseaux sociaux – agissements prohibés par les textes de loi. Elle a également fait fi, et à plusieurs reprises, des décisions de son supérieur hiérarchique de l’époque, le procureur de la République Ghassan Oueidate. Ce dernier avait pris la décision de la dessaisir des dossiers financiers après les poursuites qu’elle avait engagées au printemps 2021 contre Michel Mecattaf et sa société, qu’elle accusait de manière fallacieuse d’avoir effectué, de manière illégale (à ses yeux), des transferts de fonds vers l’étranger à la fin de l’année 2019. Mme Aoun avait refusé de se plier à la décision du juge Oueidate.