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À l’occasion de la Semaine sainte, le Pape François a adressé aux catholiques de Terre sainte une lettre dans laquelle il les encourage à demeurer sur la terre du Christ. "Une terre où vous voulez rester et où il est bon que vous puissiez rester", précise le Saint-Père.

Il va sans dire que ce conseil s’adresse à des chrétiens tentés de partir ou obligés à le faire, pour diverses raisons, notamment économiques. Il s’adresse particulièrement aux jeunes.

En un sens, cette invitation à rester en Orient, le Pape François aurait parfaitement pu l’adresser, aussi, aux Libanais chrétiens, dont le pays fait partie de la Terre sainte, et qui sont, eux aussi, tentés par le départ en raison des crises à rebondissement qui secouent leur pays: de la crise de l’emploi à l’insuffisance de logements, de la faillite économique au manque de perspectives, de la crise présidentielle à la déchéance du système judiciaire.

"Le Liban fait partie de la Terre sainte, aller au Liban est une mission pour tous les chrétiens", a déclaré un jour le Pape Jean-Paul II, cité par la Fondation maronite dans le monde, une institution patriarcale maronite. Comme les Évangiles l’attestent, Jésus a marché en prêchant le long de nos côtes, à Tyr, Sarepta (Sarafand) et Saïda. Le mont Hermon, aux pieds duquel se trouvent les fermes de Chebaa, serait, pour certains, le site de la Transfiguration où Jésus, présent sur la montagne avec ses apôtres Pierre, Jacques et Jean, a été vu entouré d’une lumière surnaturelle, s’entretenant avec Moïse et Elie (Luc 29).

Il y a également de sérieux arguments en faveur de la présence au Liban de la Cana de l’Évangile, où Jésus a accompli son premier miracle: le changement de l’eau en vin.

Par ailleurs, les premières missions apostoliques sont passées par notre espace géographique. Non loin de Jbeil, on peut encore visiter la crique depuis laquelle saint Paul a pris la mer pour se rendre à Rome.

Mais si le Liban participe à la bénédiction de la Terre sainte, l’histoire et la géographie veulent que le Liban soit également associé au drame que vit cette terre depuis la décision de l’ONU de partager la Palestine historique et d’y créer un État israélien (1947).

Nous continuons aujourd’hui de payer le prix de la proximité géographique d’Israël et du combat que le peuple palestinien, en ses diverses composantes politiques, ne cesse de mener pour accéder à un État.

Paul VI, premier pape à avoir effectué un pèlerinage en Terre sainte, évoquait dès cette date (janvier 1964) "la persistance de l’état de tension au Proche-Orient, sans que soient accomplis des pas concluants vers la paix [qui] constitue un danger grave et constant qui menace non seulement la tranquillité et la sécurité de ces populations – et la paix du monde entier – mais aussi certaines valeurs extrêmement chères, pour diverses raisons, à une grande partie de l’humanité".

Ces paroles, c’est le Pape François lui-même qui vient de les rappeler dans sa plaidoirie pour que les Chrétiens de Palestine, "témoins irremplaçables du mystère de la Passion du Seigneur", ne désertent pas leur patrie.

"En ces temps sombres, poursuit François, où les ténèbres du Vendredi saint semblent recouvrir votre Terre et trop de régions du monde sont défigurées par la folie inutile de la guerre, qui est toujours et pour tous une défaite sanglante, vous êtes des flambeaux allumés dans la nuit; vous êtes des semences de bien dans une terre déchirée par les conflits".

"Vous n’êtes pas seuls et nous ne vous laisserons pas seuls", promet-il.

L’appel de François rejoint ceux de ses prédécesseurs, les papes Jean-Paul II et Benoît XVI. Tous deux se sont penchés sur la crise régionale, apparemment insoluble, humainement parlant, soulignant le rapport direct et indirect entre cette crise endémique et la présence des chrétiens en Orient.

Le plus récent effort déployé en ce sens par le Vatican est la rencontre d’Abou Dhabi (2019) et la signature de la déclaration sur la fraternité humaine entre le Pape François et le cheikh d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayyeb. Remplacer l’allégeance communautaire par l’allégeance citoyenne est au cœur de ce document, qui entend mettre fin une fois pour toutes à la "dhimmitude" des chrétiens et faire entrer l’Islam dans la modernité démocratique.

Il est vrai qu’en 2019, le fondamentalisme chiite n’avait pas encore engagé le Liban dans la stérilité d’une guerre sans issue qui a déjà coûté au Liban quelque 300 morts, dont 264 combattants du Hezbollah, et qui, aux dernières nouvelles, pourrait avoir des suites…