Pour la première fois depuis des années, un responsable de l’Union européenne évoque la possibilité d’un retour "sûr, volontaire et digne" chez eux des déplacés syriens installés au Liban depuis 2011, date du début de la guerre dans ce pays, sans lier ce retour à une solution politique en Syrie.

Jusqu’à ce jour, l’UE a toujours évoqué un retour conditionné qu’elle lie à une solution politique en Syrie, estimant que ce pays est encore dangereux.

"Le Conseil européen a indiqué très clairement qu’en étroite collaboration avec le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’organisation internationale pour les migrations (OIM), les conditions d’un retour sûr, volontaire et digne des déplacés syriens devront être mises en place en étroite collaboration avec les autorités libanaises afin qu’ils puissent commencer à rentrer en Syrie depuis le Liban", C’est en ces termes que s’est exprimé Olivér Várhelyi, commissaire chargé de la politique de voisinage et de l’élargissement, à l’issue de deux entretiens qu’il a eus, à Beyrouth, avec le président de la Chambre, Nabih Berry, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, et le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, en présence de Sandra De Waele, ambassadrice de l’Union européenne au Liban.

M. Várhelyi est arrivé lundi matin à Beyrouth, mandaté par le Conseil européen "qui a tenu les 17 et 18 avril une réunion durant laquelle les dirigeants européens ont rappelé que l’Union européenne soutenait fermement le Liban et le peuple libanais dans les circonstances difficiles que connaît le pays sur le plan intérieur et en raison des tensions régionales", selon un communiqué de la mission diplomatique européenne à Beyrouth.

Le poids de la présence massive de déplacés et de migrants syriens au Liban et les solutions possibles ont été au cœur des entretiens de M. Várhelyi dans la capitale libanaise.

Ce dernier a ainsi estimé que le retour des déplacés syriens dans leur pays devra se faire "en étroite collaboration avec les autorités libanaises" afin de s’assurer d’un rapatriement sûr.

Le commissaire européen a également assuré que "l’Union européenne était prête à continuer à soutenir les réfugiés syriens au Liban, en Jordanie et en Turquie", tout en appelant "à redoubler d’efforts pour lutter contre le trafic d’êtres humains et renforcer la protection des frontières afin d’endiguer la migration irrégulière".

Lors de sa réunion au Sérail avec M. Mikati, ce dernier avait demandé à "l’Union européenne de changer sa politique en matière d’assistance aux déplacés syriens au Liban", insistant pour que cette aide "soit orientée vers leur retour dans leur pays".

Le Premier ministre sortant a aussi remercié l’Europe pour son soutien constant au Liban, tout en l’appelant à soutenir "d’urgence l’armée libanaise et les institutions sécuritaires du pays". "Si le Liban va bien, l’Europe ira bien, nous avons donc un intérêt commun", a-t-il aussi défendu devant son hôte européen en présence de ses conseillers, Boutros Assaker et l’ancien ministre Nicolas Nahas.

M. Várhelyi a par ailleurs réaffirmé, devant les dirigeants libanais rencontrés, la pérennité du soutien de l’Europe et de ses partenaires au Liban et à son peuple, "en particulier aux groupes les plus vulnérables" en cette période de "crises" locales et de "tensions régionales".

"Le Liban pourra donc continuer à compter sur le soutien financier et politique de l’UE au cours des années à venir, au moins jusqu’à la fin de cette période financière pluriannuelle qui s’étend jusqu’en 2027", a-t-il poursuivi.

La visite de M. Várhelyi intervient après une levée de boucliers chypriote contre l’afflux incessant de migrants syriens vers l’île à partir des côtes libanaises. Le président chypriote, Nikos Christodoulides, était même venu à Beyrouth pour demander aux autorités libanaises de freiner ce phénomène et avait aussi exhorté l’UE à réagir sérieusement dans ce but.

M. Christodoulides avait même souligné que certaines régions de la Syrie sont désormais sûres et a demandé qu’elles soient classées comme zones de sécurité. Le mois dernier, le ministre chypriote de l’Intérieur s’était aussi rendu dans des pays comme le Danemark, la République tchèque et la Grèce pour promouvoir de telles initiatives au sein de l’UE.

Des facteurs qui ont sans doute joué en faveur de cet assouplissement de la position européenne.