Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé que sa formation ne lie pas la présidentielle à la guerre de Gaza.

Pour le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, toute occasion est bonne à saisir pour essayer de convaincre les Libanais de "l’opportunité" de la guerre inutile et destructrice dans laquelle il a entraîné le Liban-Sud.

Vendredi a eu lieu la commémoration du décès d’un uléma, cheikh Ali Mohammad Kourani, qui a constitué pour Hassan Nasrallah le prétexte à un énième discours au cours duquel il s’est une fois de plus évertué, à coups de slogans pompeux et, bien entendu, de demi-vérités, à exposer tous les prétendus avantages que le Liban va tirer, selon lui, d’une nouvelle "victoire divine" contre Israël.

Inutile de préciser qu’il a, encore une fois, totalement occulté le prix que le Liban et sa population, notamment celle du Sud, paient pour ses aventures militaires qui ne profitent qu’à son parrain iranien. Pendant qu’il se gargarise de "victoires" hypothétiques à venir, le Liban-Sud est à feu et à sang, sa population déplacée et désemparée, ses biens détruits et l’économie libanaise de plus en plus affaiblie. Mais, pour Hassan Nasrallah, ce ne sont là que des détails qui ne méritent pas d’être évoqués.

Ce qui l’enrage, en revanche, c’est que des Libanais puissent oser contester ouvertement le bienfondé de sa "stratégie-qui-va-mener-à-une-nouvelle-victoire-divine-et-infliger-une-défaite-cuisante-à-l’ennemi-sioniste", même s’il doit pour cela combattre Israël jusqu’au dernier Libanais. Car Hassan Nasrallah sait très bien que leurs critiques sont fondées, contrairement à son raisonnement qu’il essaie – dans ses discours successifs, devenus de plus en plus nombreux – de bétonner à coups de slogans et de menaces, lesquels, au final, ne font que mettre en relief la faiblesse de son argumentation.

Maniant à merveille l’art de la manipulation et du populisme et partant du principe que l’attaque représente la meilleure défense, le chef du Hezbollah s’est ainsi adressé, vendredi, à deux publics: ses partisans et ses détracteurs, alors qu’il évoquait à peine ces derniers dans ses précédents discours.

Le fait qu’il consacre une bonne partie de ses propos pour répondre à tous ceux qui croient ferme que le Liban n’a rien à voir avec la guerre entre Israël et le Hamas et qui refusent que sa partie sud soit détruite à cause des calculs d’une formation qui hypothèque la décision de guerre et de paix, montre à quel point ces critiques le dérangent.

Quelle majorité?

À ses partisans, il a "expliqué" pour la énième fois pourquoi "le front de soutien au Hamas" qu’est devenu le Liban-Sud est important. "La guerre que nous menons va forger le sort stratégique de la Palestine et du Liban, lequel va pouvoir recouvrer sa souveraineté et bénéficier de ses ressources hydrauliques et pétrolières dont il ne peut pas profiter actuellement. Elle va avoir des répercussions positives sur toute la région", a-t-il lancé. C’est très bien, est-on tenté de lui répondre, mais est-il possible d’être un peu plus précis? Hassan Nasrallah n’a évidemment pas développé sa pensée, jugeant peut-être les Libanais incapables de saisir toutes les subtilités des effets à long terme d’une guerre dont ils n’ont que faire et qui se déroule sur leur sol.

Il s’est contenté d’appeler son public à "ne pas écouter ceux qui prêchent par ignorance et qui se lancent dans des analyses qui ne correspondent pas à la réalité", laquelle est, pourtant, on ne peut plus claire pour ceux qui veulent bien voir.

Hassan Nasrallah a ensuite fustigé "les Libanais qui estiment qu’Israël n’a rien fait au Liban depuis 1948", rappelant les attaques et l’occupation israéliennes, mais omettant bien entendu d’évoquer les facteurs palestiniens et hezbollahis, déterminants à ce niveau, puisqu’ils ont donné à Tel Aviv le prétexte pour mener des opérations militaires de tout genre contre le pays.

Toujours dans une tentative – ratée – de défense, il a ironisé au sujet de ceux pour qui "une majorité de Libanais est hostile à la réouverture du front sud et qui considèrent que le Liban n’a rien à voir dans la guerre entre Israël et le Hamas", les mettant au défi de prouver que ces derniers constituent bien une majorité.

"Ceux qui sont morts au Sud ne sont-ils pas Libanais? Leurs familles ne le sont-elles pas? Je me vois obligé, face à ce qui se dit, de parler également de majorité. C’est nous qui avons le plus grand parti et c’est nous qui avons le plus grand nombre de voix préférentielles. Que ceux qui prétendent représenter la majorité fassent un recensement. Ils connaîtront leur poids et ils verront ce que la majorité des Libanais pense", a-t-il dit.

Il est tombé à bras raccourcis sur les États-Unis, qui sont, selon lui, "responsables des souffrances des Libanais, comme le prouvent les fuites au sujet d’un accord selon lequel la prospection gazière offshore peut commencer si les affrontements cessent au Liban-Sud". Toujours suivant sa logique, "ce sont les États-Unis qui sont la cause des problèmes d’électricité du Liban", et non pas la gestion calamiteuse de ce secteur par son plus ou moins allié chrétien, le CPL.

Hassan Nasrallah a en outre réagi aux propos de l’émissaire américain, Amos Hochstein, jeudi, au sujet d’un possible accord libano-israélien dont un des volets porterait sur un règlement du conflit frontalier. "La frontière sud est délimitée, mais il existe des points litigieux à partir desquels Israël doit se retirer", a-t-il dit.

Présidentielle et veto

Abordant ensuite la question de la présidentielle, le chef du Hezbollah a rejeté les accusations selon lesquelles son camp bloque l’élection d’un nouveau chef de l’État parce qu’il lie le dossier du Liban à celui de la guerre à Gaza.

Rappelant que le blocage persiste depuis la fin du mandat de l’ancien président, Michel Aoun, en octobre 2022, il a souligné qu’il répète depuis le début de la guerre à Gaza et l’ouverture du front sud que "les deux dossiers ne sont pas liés". Il a aussi rejeté les accusations selon lesquelles sa formation cherche à obtenir des acquis politiques, notamment au niveau de la présidence de la République, à travers la guerre au sud du pays. "Ce qui empêche l’élection d’un président, ce sont les différends internes et les veto internes et internationaux", a-t-il accusé, en allusion notamment aux États-Unis et à l’Arabie saoudite, hostiles à l’accession à la tête de l’État d’un candidat proche du camp pro-iranien. "Sans ces veto, de nombreux députés auraient voté pour certains candidats", a ajouté Hassan Nasrallah, en allusion à son candidat, le chef des Marada, Sleiman Frangié.

Il a souligné son attachement à un déblocage avant d’insister sur le fait que celui-ci ne sera pas possible sans un dialogue. "S’il existe une solution autre que par le biais d’un dialogue, dites-le nous", a-t-il lancé.

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