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À la suite de la circulaire émise par le procureur général par intérim près la Cour de cassation, le juge Jamal al-Hajjar, la police judiciaire ainsi que tous les ministères et administrations publiques ont été ordonnés de ne plus se conformer aux instructions de la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun. Cela a pour effet de l’écarter de ses fonctions et de la suspendre de facto de ses prérogatives.

En réaction à cette mesure, le Courant patriotique libre (CPL) et son chef, Gebran Bassil, ont intensifié la campagne menée contre le juge Al-Hajjar et tous ceux qui soutiennent ses actions visant à limiter le pouvoir de celle qu’on nommait la "juge du mandat", en référence au mandat de Michel Aoun, qui avait étendu ses prérogatives. En conséquence, ce groupe doit désormais faire face à une situation où la juge concernée est hors-jeu, révélant ainsi une perte notable de son autorité et de son influence.

Avec les récents bouleversements qui ont touché la scène judiciaire, Ici Beyrouth a appris de sources juridiques que "les personnes lésées par le comportement de Ghada Aoun dans la phase précédente envisagent de prendre des mesures légales à son encontre, y compris des poursuites judiciaires".

Face aux tentatives du CPL et de son chef de politiser la décision judiciaire qui a restreint les pouvoirs de la juge Aoun, la privant ainsi de son pouvoir de décision qu’elle utilisait notamment à l’encontre les opposants de l’ancien président et de son équipe politique, une ancienne figure de l’autorité judiciaire a confirmé à Ici Beyrouth que "la décision du procureur général, le juge Jamal Al-Hajjar, représente pour l’instant la mesure minimale".

Et d’ajouter: "La circulaire émise par Hajjar en direction des services de sécurité n’est pas le seul élément ayant conduit à l’éviction de la juge Aoun de la police judiciaire. En réalité, elle s’est elle-même exclue de cette structure en refusant de se conformer à la demande écrite du  Procureur général par intérim près la cour de cassation de déposer certains dossiers. De plus, elle a annoncé son intention de poursuivre une approche marquée par la rébellion et l’arrogance."

L’autorité judiciaire poursuit: "L’article 38 du code de procédure pénale stipule clairement que tous les ministères publics et la police judiciaire relèvent de l’autorité du procureur général. Al-Hajjar n’a pas toléré les irrégularités instaurées par cette magistrate dans ses pratiques."

Quant aux allégations de Gebran Bassil selon lesquelles le procureur aurait écarté la juge Aoun pour l’empêcher de poursuivre l’enquête sur l’affaire Optimum, l’autorité judiciaire en question a précisé que "les six dossiers que Jamal al-Hajjar a demandés à Ghada Aoun pour vérifier la régularité de ses procédures ne comprennent pas l’affaire Optimum. Ces dossiers concernent plutôt des poursuites engagées par des déposants, dont les dépôts ne dépassent pas un million de dollars, par l’intermédiaire d’avocats spécifiques, au détriment de milliers de déposants et de leurs importants fonds bloqués dans les banques."

"De plus, la procureure du Mont-Liban n’a jamais notifié le procureur de l’existence d’un dossier lié à Optimum, ce qui constitue une preuve supplémentaire de sa violation de la loi, laquelle lui impose de tenir  le procureur général informé des dossiers majeurs."

Afin de dissiper tout doute, l’ancienne figure de l’autorité judiciaire a rappelé que M. Al-Hajjar "a fondé ses actions sur la décision du Conseil supérieur de la magistrature, qui lui a demandé de prendre des mesures contre Mme Aoun, sur la base de dizaines de plaintes reçues à son encontre".

Quant aux doutes exprimés par la juge Aoun et son équipe politique concernant le processus d’accession d’Al-Hajjar au poste de procureur général, il a été souligné que le procureur "exerce ses pleins pouvoirs depuis sa nomination. Il tient régulièrement des réunions avec divers ministres, y compris le ministre de la Justice Henry el-Khoury, affilié au CPL, ainsi qu’avec le Conseil supérieur de la magistrature. Il rencontre également des hauts responsables, y compris ceux qui appartenant à l’équipe politique de la juge Aoun, qui termine aujourd’hui sa carrière judiciaire sur un bilan en queue de poisson."