«Front de soutien» à Gaza: le Liban paie le prix fort

Après la guerre de juillet 2006, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a surpris les Libanais en déclarant une «victoire divine» contre Israël. Le Liban a payé un lourd tribut pour cette prétendue «victoire» accusant des pertes humaines incalculables et une destruction massive; il a fallu des années pour s’en remettre.
Une fois de plus, Nasrallah a ignoré la sacralité de l’État, sa Constitution et ses lois en engageant le Liban dans une guerre, soi-disant «de soutien avec Gaza». Mercredi (10 juillet), il a souligné: «Si un accord de cessez-le-feu est conclu à Gaza, nous mettrons fin aux combats sur le front sud», malgré les neuf mois de guerre ravageuse aux dépens des Libanais.
Pertes humaines, matérielles et écologiques
La guerre de neuf mois au Liban-Sud a infligé des pertes et des dommages humains, matériels, écologiques et psychologiques. Cependant, «il est trop tôt pour évaluer pleinement les dommages car la guerre est toujours en cours», selon Information International.
Selon le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), 17 millions de mètres carrés de terres agricoles ont été brûlées. En outre, des pertes économiques découlent de l’incapacité des agriculteurs à cultiver leurs terres, notamment le tabac et le blé.
Par ailleurs, il semblerait que les bombes au phosphore blanc larguées par Israël au Liban-Sud sont toujours actives, très toxiques et inflammables, causant des dommages à long terme et potentiellement irréversibles pour l’environnement, l’agriculture et l’économie, rendant la région inhabitable. Selon le CNRS, 117 bombes au phosphore avaient été larguées sur le sud depuis le début de combats jusqu’au 6 mars. Certains ont qualifié cela de «génocide écologique».
De plus, 1.880 maisons ont été complètement détruites, 1.500 gravement endommagées et 5.600 légèrement touchées, tandis que 220 institutions et entreprises ont subi des pertes et dommages importants.
Les confrontations incessantes entre Israël et le Hezbollah ont forcé jusqu’à 90.500 personnes à fuir leurs maisons, dont 1.300 vivant dans des abris. Environ 494 personnes, dont 356 membres du Hezbollah et 73 civils, ont été tuées jusqu’au 8 juillet.
Des pertes se chiffrant en milliards
L’expert économique Jassem Ajaka a souligné que des pertes directes et indirectes résultent de la guerre en cours.
Les pertes directes, estimées entre 2 et 4 milliards de dollars, résultent de la destruction, des pertes de récoltes et de la pollution due aux bombes au phosphore. «Les dommages infligés aux terres arables sont importants et entraîneront des pertes indirectes à long terme, les rendant inutilisables pendant de nombreuses années», a déclaré Ajaka à Ici Beyrouth.
Il a expliqué que les pertes indirectes impliquaient des opportunités économiques manquées. Une étude de Standard & Poor’s a mis en évidence trois scénarios possibles: un conflit durant 3-6 mois, un autre jusqu’à la mi-2024 et une guerre prolongée. Dans le deuxième scénario, les pertes touchent environ 1,6 milliard de dollars de revenus touristiques, 6% des réserves étrangères et 9,8% du PIB. Dans le troisième scénario, les pertes sont estimées à 3,7 milliards de dollars de revenus touristiques, 13,9% des réserves étrangères et 22,9% du PIB.

Jusqu’à présent, les pertes touristiques sont estimées à 1,6 milliard de dollars, celles des réserves étrangères à 6%, soit 600 millions de dollars et celles du PIB à 9,8%, soit 2,25 milliards de dollars, a souligné Ajaka, ajoutant que «si la guerre n’avait pas eu lieu, les revenus touristiques potentiels auraient été d’environ 7 milliards de dollars».
... et psychologiques
La psychologue et psychothérapeute Charlotte Khalil a mis en lumière le sentiment omniprésent d’insécurité et d’instabilité au Liban, en particulier au sud. «Cette situation a conduit à des déplacements, des impacts psychologiques importants et la réactivation de traumatismes passés pour de nombreux Libanais», a-t-elle déclaré dans un entretien accordé à Ici Beyrouth.
«Les gens sont anxieux quant à la propagation potentielle du conflit, affectant les Libanais à l’intérieur du pays et à l’étranger. Les parents craignent de voir leurs enfants rentrer, en même temps que les alertes des ambassades à leurs ressortissants augmentent l’anxiété des gens, affectant leur santé mentale. L’incertitude force les Libanais à se concentrer sur leur quotidien, rendant impossible toute planification future et sapant la stabilité psychologique», a ajouté Khalil.
Les gens ont été pris de panique en constatant que les avions israéliens avaient récemment franchi le mur du son dans toutes les régions libanaises, brisant les vitres de plusieurs villages au Liban-Sud.
«Quelqu’un a-t-il entendu ces bruits forts? Je tremble. On me dit que ce sont des avions israéliens au-dessus du nord du #Liban?», a tweeté une personne.
«Tout a tremblé... deux fois. C’était un son rappelant l’inoubliable 4 août (explosion du port de Beyrouth)», a tweeté une autre.
«Une victoire divine?»
La députée des Forces libanaises, Ghada Ayoub, a fustigé le Hezbollah pour avoir pris des décisions de guerre et de paix sans consulter le gouvernement, compromettant ainsi la souveraineté du Liban.
Le pouvoir de décision du gouvernement a été «détourné», a déclaré Ayoub, appelant au redéploiement de l’armée libanaise comme seule force légitime au Liban-Sud et à la mise en œuvre de la résolution 1701 de l’ONU, de l’accord de Taëf et de la Constitution libanaise.
«Sans ces mesures, nous n’atteindrons pas une véritable victoire ... Tout ce qui est accompli, c’est la destruction de la valeur, du respect et de l’existence de l’État», a-t-elle dit, faisant évidemment allusion à la prétendue «victoire divine» de Nasrallah.
Si un cessez-le-feu est atteint à Gaza, Nasrallah annoncera-t-il une «victoire divine» sur les ruines d’un pays?
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