Après le «si j’avais su», le «c’est pas nous».

Bon ben voilà, l’erreur de calcul que tout le monde redoutait est arrivée. En même temps, à force de tirer des missiles, il était forcé qu'il y en ait un qui ferait des victimes civiles et ne toucherait pas seulement les trois poteaux chargés d’antennes inutiles de l’autre côté de la frontière. Erreur de tir, missile mal dévié par la défense israélienne elle-même… le bruit des canons effacera toute cette polémique.
La riposte israélienne est inéluctable. Quelle sera sa forme? Personne ne le sait. Une chose est certaine: le seul perdant sera le Liban qui pourrait être, selon les déclarations des ministres israéliens, tantôt brûlé, tantôt annihilé, et, une dernière variante, Beyrouth «déchiré». Quand l’idée n’est pas de ramener le Liban à l’âge de pierre, mais le pays y est déjà, sans eau, ni électricité, ni infrastructures. Mais, fort heureusement, les dirigeants israéliens ne mesurent pas l’abysse dans lequel le pauvre pays est plongé.
L’autre refrain, c’est «il faut détruire le Liban et le Hezbollah». Comme si le Liban avait son mot à dire. L’immense majorité des Libanais est contre la guerre, qui n’infligera que souffrances et ne réglera rien. Les habitants du pays sont doublement pris en otage. Par le Hezbollah, qui prend ses ordres des octogénaires perses de Téhéran, et par Israël, qui met tout le monde dans le même sac pour plus de commodité.
Les perdants sont donc les Libanais. Qui seraient les vainqueurs?

Monsieur Netanyahou pourra dire qu’il protège sa population et caracolera en tête dans les sondages. Mais Israël a été incapable d’éradiquer le Hamas et de ramener ses otages. Alors, s’attaquer au porte-avions iranien, c’est encore une mission impossible. Sans doute aucun, le Hezbollah ne sera pas détruit. Le Liban, si. Mais Téhéran voit bien plus gros que ce confetti ingouvernable. Après la guerre, il faudra bien discuter de l’arrêt des combats. Les Israéliens n’ont d’autre interlocuteur que le Hezbollah. Les forts négocient avec les forts. Parce que, par exemple, les chrétiens, enfermés dans leur bantoustan, sont tellement divisés qu’ils ne sont représentatifs de rien. Ils commettent un suicide que l’Histoire ne pardonnera pas. De toutes les manières, si guerre globale il y a, les chrétiens du Liban, les derniers du Proche-Orient, prendront le chemin de l’exil.
Ah! C’est sûr qu’il restera quelques personnes âgées, une sorte d’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées) à ciel ouvert que viendront visiter les petits enfants de la diaspora, jusqu’à la fermeture de l’Ehpad, faute de pensionnaires. Les sunnites n’ont aucun dirigeant qui compte depuis le départ contraint de Saad Hariri.
Resteront donc, face à face, les Israéliens et le Hezbollah qui discuteront. Sur les décombres du Liban, la milice pro-iranienne proclamera probablement une nouvelle «victoire divine». Il suffit pour cela que, lors de ces négociations, les Israéliens acceptent de se retirer de deux ou trois lopins de terre et consentent au déploiement sur leur territoire de quelques soldats américains ou onusiens. «Une victoire divine» qui permettra au président de la République islamique du Liban d’aller s’installer tranquillement à Baabda. Et l’affaire sera close.
Depuis le 8 octobre, Ici Beyrouth tente d’expliquer que la guerre est la pire des solutions. D’ailleurs, l’écrasante majorité de la population en est convaincue. Nous expliquons que, lorsque les 1,6 milliard d’habitants du monde arabo-musulman se mettront en «route pour Al-Qods», on pourra voir si les Libanais s’y associent. Nous expliquons que le Sud détruit n’aide en rien Gaza, que le Liban a été le pays qui a consenti le plus de souffrances à la «cause palestinienne» pendant 15 ans de guerres. Mais ne pas vouloir être les seuls à être détruits équivaut aujourd’hui à se voir coller l’étiquette de l’infamie et de la trahison!  Mourir pour les autres est devenu manifestement le destin des Libanais et une attitude obligatoire. Quand les premiers raids commenceront, on nous assurera une nouvelle fois que «c’est pas nous», que «si j’avais su...», mais, en tout cas, ce sera une victoire. Divine ou pas, nous le saurons assez vite.
Commentaires
  • Aucun commentaire