L’ambassadeur d’Arabie saoudite Walid Boukhari a reçu le Premier ministre Nagib Mikati et un grand nombre de ténors et de personnalités de l’opposition souverainiste à un iftar. Il devait annoncer conjointement à cette occasion avec les ambassadrices de France et des États-Unis, des projets d’aide au Liban. Il avait auparavant rendu visite au patriarche maronite Béchara Raï, ainsi qu’au mufti de la République, au vice-président du Conseil supérieur chiite et au cheikh Akl druze, respectivement Abdellatif Deriane, Ali el-Khatib et Sami Aboulmona.

Rentré vendredi à Beyrouth après une absence de cinq mois, l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban Walid Boukhari a effectué lundi une tournée auprès de chefs religieux chrétiens et musulmans, avant d’organiser un iftar politique, réunissant autour de sa table à Yarzé, le Premier ministre Nagib Mikati, les anciens présidents Amine Gemayel et Michel Sleiman, les leaders du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt et des Forces libanaises Samir Geagea, l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, et de nombreuses autres personnalités souverainistes.

Auparavant dans la journée de lundi, l’ambassadeur saoudien avait rendu visite au patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, à Bkerké, ainsi qu’au mufti de la République, au vice-président du Conseil supérieur chiite et au cheikh Akl druze, respectivement Abdellatif Deriane, Ali el-Khatib et Sami Aboulmona.

Lors d’un point de presse conjoint avec les ambassadrices de France et des États-Unis, lors de l’iftar de fin de journée, le diplomate saoudien a déclaré qu’il " n’y a pas eu de rupture des relations avec le Liban ", précisant que le retrait arabe du Liban était " une démarche diplomatique vouée à exprimer " un mécontentement face à une atteinte au Royaume d’Arabie et aux pays du Golfe.

Il a insisté en outre, en réponse à une question sur le Hezbollah, sur la volonté de l’Arabie de ne pas intervenir dans les affaires internes.

" Les fondements de l’Arabie Saoudite ne l’autorisent pas à s’ingérer dans les affaires à caractère souverain ", a-t-il précisé. " Nous respectons les procédures et échéances législatives et présidentielles et nous souhaitons que tous les acteurs prennent part aux élections sur base de la compétence ".

" Ce qui compte pour le Royaume est de s’occuper des Libanais et de l’homme au Liban ", a-t-il relevé.

Ce faisant, le retour diplomatique de l’Arabie au Liban s’est fait en vue d’exécuter des " projets communs entre la France et l’Arabie afin d’offrir un appui humanitaire dans un objectif de stabilité au Liban ", a précisé M. Boukhari. Il a révélé qu’un " comité préparatoire commun " était à l’œuvre pour exécuter ces projets que " méritent le Liban et les Libanais au vu de la situation actuelle très difficile ", a-t-il conclu.

Les ambassadrices de France et des Etats-Unis

Prenant la parole à son tour, l’ambassadrice de France Anne Grillo s’est dite " heureuse de revoir mon collègue saoudien et l’ensemble des ambassadeurs du Golfe ". " C’est un signal important adressé au Liban et à l’ensemble des Libanais ", a-t-elle ajouté, avant de rappeler que " la France a essayé dans ses efforts de participer à cela ". " C’est dans le prolongement de tous ces efforts pour soutenir les Libanais dans leur globalité (que) nous allons travailler avec l’Arabie saoudite (…) sur des projets humanitaires ", a-t-elle annoncé. Cette coopération inédite entre la France et l’Arabie devrait se traduire dans les domaines de la santé et de la sécurité alimentaire dans les prochains jours ", a conclu Mme Grillo.

L’ambassadrice américaine Dorothy Shea a, elle aussi, félicité son collègue saoudien pour son retour à Beyrouth. Elle s’est attardée sur la coïncidence de ce retour et celui des diplomates du Golfe avec l’accord de principe obtenu entre le Liban et le Fonds Monétaire International jeudi dernier. " Cela prouve qu’il y a de l’espoir à l’horizon pour le Liban et nous souhaitons faire partie de la solution ", a déclaré Mme Shea.

Visite prévue de Mikati en Arabie

L’iftar a été précédé d’un tête-à-tête entre Walid Boukhari et Nagib Mikati, qui a ensuite annoncé qu’il se rendra "durant le mois de ramadan en Arabie", sans pour autant préciser s’il y va pour y rencontrer des responsables saoudiens ou pour effectuer le pèlerinage.

Le Premier ministre a souligné son attachement à consolider les relations bilatérales avec le royaume wahhabite. Il s’est dit tout aussi soucieux de "préserver les constantes libanaises et de sauvegarder la souveraineté du Liban", en promettant que ce pays "ne servira pas de plateforme à des actes hostiles dirigés contre les pays du Golfe et ne sera pas une source d’ennui pour eux". Citant M. Boukhari, Nagib Mikati a assuré que son retour est "le signe d’un surcroît de solidarité avec le peuple libanais", précisant que son hôte lui a fait part aussi d’un partenariat franco-saoudien pour soutenir six secteurs au Liban.

Quoi qu’il en soit, quelques conclusions peuvent d’ores et déjà être tirées des agapes conviées par l’ambassadeur saoudien. L’activité politique menée par Walid Boukhari lundi dénote une volonté saoudienne de reprendre un rôle politique au Liban, à l’approche notamment de la date prévue pour les législatives, le 15 mai 2022. Elle dément formellement les informations et les analyses qui ont précédé l’arrivée de l’ambassadeur à Beyrouth, selon lesquelles il s’agit d’un retour de pure forme traduisant seulement un dégel des relations avec le Liban, grâce à une initiative en ce sens du président français Emmanuel Macron, et dont la finalité est de venir en aide aux Libanais, alors que la crise ne fait que s’aggraver dans le pays.

L’initiative de Walid Boukhari de grouper autour de sa table d’éminentes figures politiques hostiles au Hezbollah et à son allié chrétien, le Courant patriotique libre (CPL, aouniste), confirme cependant, on ne peut plus clairement, que Riyad a opéré un retour politique au Liban où il continue de soutenir les forces politiques issues des rangs du 14 Mars. Il est peut-être prématuré de s’avancer sur ce terrain, mais ce geste pourrait avoir une dimension fédératrice dans ce sens où il pourrait préparer le terrain à une meilleure coordination entre les forces politiques engagées dans la bataille électorale et pousser l’électorat sunnite à s’engager dans celle-ci afin de favoriser l’accession à la Chambre d’un bloc souverainiste de poids, au moment où le Hezbollah met tout son poids dans la balance afin d’avoir avec le CPL un groupe parlementaire majoritaire.

Pour en revenir au fil de la journée de lundi, M. Boukhari a d’abord rendu visite au mufti de la République, le cheikh Abdellatif Dériane à Dar el-Fatwa. Ce dernier s’est réjoui du " retour de la diplomatie du Golfe au Liban, à commencer par les ambassadeurs saoudien et koweitien ". Il a estimé que " ce retour était de bon augure pour le Liban et présage d’un avenir prometteur pour les Libanais, qui subissent des crises très difficiles ", appelant à " préserver les relations privilégiées avec les pays du Golfe, avec à leur tête l’Arabie saoudite ".

De son côté, le diplomate saoudien s’est déclaré optimiste en ce qui concerne le Liban. Il a fait don à Dar el-Fatwa de 30.000 exemplaires du Coran offerts par le roi Salman ben Abdel-Aziz. Il a également annoncé le lancement du concours annuel de récitation du Coran, que l’ambassade d’Arabie organise chaque année durant le mois de ramadan sous le patronage de Dar el-Fatwa.

M. Boukhari et l’ambassadeur du Koweït Abdel Aal al-Kinai étaient revenus au Liban vendredi, près de cinq mois après leur rappel par leurs gouvernements respectifs, à la suite d’une grave crise diplomatique entre Beyrouth et plusieurs monarchies du Golfe. Celle-ci avait été déclenchée par des propos du ministre libanais de l’Information Georges Cordahi (qui a démissionné depuis) hostiles à l’intervention de la coalition militaire dirigée par l’Arabie au Yémen, sachant aussi que l’influence du Hezbollah sur les prises de décision au Liban contribue depuis des années à une détérioration des relations entre Beyrouth et les pays du Golfe.