La visite du pape François au Liban serait prévue pour le 12 et le 13 juin prochain. Pour ce faire, le Conseil des ministres a désigné une commission spéciale, avec à sa tête le ministre du Tourisme Walid Nassar, pour établir avec la commission épiscopale, présidée par l’évêque Michel Aoun, un projet de programme pour le voyage du souverain pontife, qui sera soumis à l’aval du Vatican.

Les circonstances autour de la visite du pape François Ier au Liban ont créé une polémique frisant le ridicule. Entre les déclarations venues du palais présidentiel de Baabda et les réponses plutôt diplomatiques du Saint-Siège, il était difficile de comprendre si la visite du souverain pontife allait avoir bel et bien lieu. La présidence a annoncé unilatéralement la visite du pape François au Liban, pour être très vite tempérée par une précision du porte-parole du Saint-Siège sur les réseaux sociaux. Cela n’a pas été sans susciter une série de questionnements sur les motifs de Baabda de déroger au protocole du Vatican, qui a seul l’initiative d’annoncer une visite du pape, ainsi que sa date et son programme.

De la récupération politique

Il n’est de secret pour personne que la visite du pape constituerait la manne du désert pour le mandat Aoun, qui accumule les échecs et qui fait face à une impopularité sans égale, surtout depuis le début des mouvements de contestation d’octobre 2019 et la double explosion survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020. C’est pourquoi Baabda et le camp présidentiel persistent à relayer des informations selon lesquelles la visite du pape aura lieu le 12 et 13 juin prochain, dans l’objectif de redorer le blason du régime et de renflouer son image sur la scène chrétienne. Une stratégie qui pourrait toutefois s’avérer dangereuse, puisqu’il n’est pas exclu que M. Aoun et ses alliés perçoivent cette visite comme étant une légitimation du pouvoir qu’ils exercent. Des tentatives plutôt désespérées de la part du camp aouniste, pour essayer de s’accrocher à n’importe quel évènement dans le but de le mettre à profit et de camoufler un sixtennat au bilan désastreux.

Cependant, cette récupération politique n’est pas seulement un moyen de manipulation utilisé par la classe politique au pouvoir. Elle est aussi utilisée par l’opposition, qui interprète ce déplacement papal conformément à ses intérêts et agendas politiques, et comme étant un rappel à l’ordre du président de la République et de son establishment par le souverain pontife. Certains pensent que cette visite serait une façon pour le pape d’adresser des critiques acérées en direction de la classe dirigeante pro-iranienne et de se ranger du côté de l’opposition souverainiste. Quoique le Saint-Siège ne se mêlera jamais de petite politique politicienne et de calculs aussi mesquins.

Par ailleurs, le timing de cette visite a aussi laissé la place à de nombreuses spéculations. D’aucuns pensent qu’elle aura lieu aux dates précitées, après les élections législatives. D’autres estiment que ces dates sont importantes, car elles précèdent la fin du mandat de M. Aoun, ce qui mettrait en exergue la volonté du Vatican de se rendre au Liban avant cette échéance.

Néanmoins, ces rumeurs ne sont pas fondées et n’ont certainement pas été prises en compte par le Vatican, comme le précise le directeur exécutif du groupe de pression Civic Influence Hub (CIH), Ziad el-Sayegh: " Le pape François ne se rend pas au Liban pour renflouer la popularité du président de la République ou de son mandat. Il se rendra au Liban pour le peuple libanais, qui veut le changement et la préservation de l’identité libanaise; tout comme l’avait fait le pape Jean-Paul II en 1997, dans le cadre de la résistance contre l’occupation syrienne, lors du mandat du président Élias Hraoui ", souligne-t-il. Et d’ajouter: " Il est nécessaire de noter que le souverain pontife n’effectuera pas ce déplacement dans le sens de la conférence internationale qui a pour but de changer la face du Liban, comme l’ont relayé certains médias, car tout cela est faux. Le Vatican tient à conserver et à préserver l’identité libanaise envers et contre tout ".

D’après Ziad el-Sayegh, " le pape François et le Vatican sont une boussole d’éthique ". Ils se basent sur cinq constantes lorsqu’il s’agit du Liban, qui constituent des enjeux primordiaux pour le Saint-Siège: la préservation de l’identité libanaise (bafouée au quotidien par le Courant patriotique libre et son allié, le Hezbollah, en raison de leur allégeance iranienne); la primauté de l’État de droit; la préservation de la nature du Liban; la protection des institutions de l’État; et la neutralité du Liban.

Quoiqu’il en soit, la visite du pape représentera une lueur d’espoir pour les Libanais, qui traversent des circonstances politiques et économiques difficiles, que cette visite ait lieu en juin ou à une date ultérieure. Le déplacement du souverain pontife sera certainement apprécié et attendu par tous, puisque la dernière visite papale remonte à près de 10 ans.