L’ouvrage de l’ancien diplomate américain Frederic Hof intitulé " Reaching for the heights : the inside " (Atteindre les sommets) et les informations passionnantes qu’il recèle méritent que l’on s’attarde sur certains détails, en particulier sur ses révélations concernant la Syrie.  Damas, confie-t-il, était sur le point d’accepter un accord de paix avec Israël en 2011 en vertu d’un nouveau principe en opposition avec celui de la terre contre la paix, consacré lors de la Conférence de paix de Madrid (1991) et du sommet arabe de Beyrouth (2002).

Conformément au nouveau principe, Damas devait, en échange d’un retrait israélien complet des territoires syriens occupés, renoncer à son alliance stratégique avec Téhéran (et ses instruments exécutifs, le Hezbollah en tête), établie par Hafez al-Assad, le père du président actuel Bachar el-Assad, après la victoire de la révolution islamique en Iran en 1979.

Assad faisait peu de cas de l’approche arabe consensuelle à l’égard du processus de paix. De même, il montrait peu d’égard pour ses principaux alliés, avec lesquels il se vantait de constituer "l’axe de la résistance". Un axe dont on parle beaucoup, mais qui reste très peu actif dans le sens où pas un seul coup de feu n’a jamais été tiré en direction du Golan occupé depuis sa chute sous l’occupation israélienne. Un territoire qu’Israël a non seulement occupé, mais aussi annexé, contrairement aux terres qui sont restées simplement occupés, comme au Liban, en Jordanie et en Égypte.

Le président syrien qui se targuait du fait que le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah allait accepter l’accord s’il était conclu, n’allait pas, bien entendu, se montrer soucieux du Liban. Pour lui, ce pays n’était d’ailleurs rien d’autre que la cour arrière utilisée afin d’étendre son contrôle et qu’une zone dont il se servait pour améliorer sa position lors de négociations ou de non-négociations avec Israël.

Les tergiversations continues de Damas qui s’abstenait de déclarer explicitement que les fermes de Chébaa sont syriennes, ont servi de prétexte à son allié, le Hezbollah, pour garder ses armes et étendre progressivement son emprise sur le Liban. La formation pro-iranienne a ainsi réussi à hypothéquer la décision nationale libanaise et à phagocyter l’établissement d’un État central fort, sans oublier, bien sûr, ses manœuvres pour changer la face du Liban et l’arracher à son environnement arabe et à son positionnement historique.

Et paradoxalement, l’axe auquel le Hezbollah et Damas appartiennent accuse de trahison tous ceux qui élèvent la voix, face aux tergiversations syriennes, pour réclamer une confirmation de la libanité des fermes de Chébaa devant les Nations Unies, conformément aux principes du droit international. Il accuse également de trahison tous ceux qui remettraient en question la libanité de ces hameaux, en soulevant des questions rationnelles, naturelles, géographiques et même politiques en rapport avec ce dossier qui a, au final, servi de prétexte pour hypothéquer le projet souverain du Liban.

Le régime syrien a complètement négligé la question de l’appartenance des fermes de Chébaa pour servir ses intérêts, bien sûr, tout comme il a fermé l’œil sur leur occupation par Israël comme il avait ignoré l’occupation du Golan depuis des décennies. Ce même régime a toujours fait la sourde oreille aux appels répétés du Liban à délimiter la frontière commune, source de nombreuses problématiques, dont notamment la contrebande, qui profite aux réseaux mafieux, ou encore le trafic d’armes.

Lors du dialogue national de 2006, le secrétaire général du Hezbollah avait demandé à ses interlocuteurs de ne pas adopter le terme "démarcation" des frontières avec la Syrie, afin de ménager les susceptibilités du régime syrien, proposant de le remplacer par le terme "délimitation". Les années ont passé et le Liban n’a pas toujours pas réussi à obtenir un tracé officiel de ses frontières avec la Syrie.

Aujourd’hui, l’histoire se répète, mais avec des postulats différents, dans une volonté délibérée – semble-t-il – de faire échouer la délimitation des frontières maritimes entre le Liban et Israël pour des considérations que l’on abordera ultérieurement.

Avec le même résultat douloureux qui fait que le Liban finit toujours par payer le prix des accords ou désaccords des acteurs régionaux !